Algérie - Fouka

Fouka-marine, sur la côte algéroise



La colonisation militaire est la grande idée du gouverneur Bugeaud. Il propose d'abord de remettre des troupeaux d'ovins et de bovins maigres à des soldats nomades qui les livre-raient engraissés à l'Intendance. Ensuite abandonnant ce projet d'élevage, il réalise dans le Sahel algérois à FOUKA un premier essai de village militaire avec des soldats libérés. Enfin, il fait à Mahelma toujours dans le Sahel et à Béni Mered dans la plaine de la Mitidja, un 2ème essai de centres militaires avec cette fois des soldats en service. Il n'y eut pas d'extension du système de Bugeaud en Algérie. Mais dans la province du Natal d'Angleterre essaya après la guerre de Crimée de créer des colonies militaires avec ses vétérans.

Voyons dans le Sahel comment l'idée qu'il s'était mis en tête se concrétisa.
En 1841 Bugeaud rassemble tous les libérales des camps de l'Algerois et les exhorte à rester en Algérie pour qu'ils deviennent colons. Seulement 63 sur un millier répondent à son appel, 2 à peine possèdent quelques notions d'agriculture et savent tenir une charrue !

II fonde Fouka avec ce très petit nombre de volontaires, mais beaucoup abandonnent dès le début. Pour retenir les plus méritants Bugeaud propose à son ami le maire de Toulon que le grand port varois recherche 20 jeunes filles. Les mariages sont célébrés, suivant sa volonté, comme une cérémonie militaire d'où le qualificatif de " mariage au tambour " donné par les députés de l'opposition. Les 3/4 des toulonnaises s'enracinèrent à Fouka. Dès la fin 1843 des familles civiles s'installent à Fouka. Le curé du centre y attire 13 familles de l'Isère, ses compatriotes du Var et de la Drôme arrivent ensuite. L'étape du peuplement militaire se termine.
Les terres défrichées de ce centre créé à l'emplacement d'une source aménagée par les Romains sont au début ensemencées en blé et en fèves, les rendements sont faibles. La terre ne procure pas assez de bénéfices, beaucoup doivent partir.

En 1844 Bugeaud fonde Mahelma avec 60 volontaires en activité de service sur l'emplacement d'un ancien camp de zouaves. Les premiers colons élèvent des moutons, c'est en partie l'application du ter projet de Bugeaud. Mais bientôt " de fâcheux bruits circulent sur cette colonie militaire " (cf les villages algériens Ti p17 Emile Violard) Soult, ministre de la guerre, hostile au système de Bugeaud, se fâche... Il démissionne quelques mois après.

La plupart des soldats après leur libération du service retournent en France et vendent leur lots à des civils.

Pendant un demi-siècle Mahelma est un village pauvre, les jeunes marchent pieds nus, et ils ont des pantalons si rapiécés qu'ils ne peuvent aller à l'école, ils passent leur temps aux champs où ils gardent les bêtes (cp Congrès d'Alger Ti p 99 et 101 communication de Boyer-Banse).

C'est la vigne qui sauvera nos 2 villages. Avec la constitution d'un vignoble, Mahelma enfin connaît la prospérité. Ce centre sera le 1er dans le Sahel d'Alger à posséder une cave coopérative en 1912. A Fouka la vigne se répand partout, elle passe de 132 ha en 1878 à plus de 900 ha un demi-siècle plus tard. Elle donne des vins de qualité supérieure. Dans les interlignes du vignoble pommes de terre et petits pois sont cultivés : Fouka n'a eu sa cave coopérative qu'en 1927, mais c'est dans ce village en 1884 que le colon Paul Brame résolut le problème capital qui se posait aux viticulteurs des pays chauds : empêcher les températures de dépasser 40° dans les cuves en fermentation. Il prêcha de longues années dans le désert avant que sa méthode de vinification fut acceptée. Brame le 1er appliqua les procédés de réfrigération à la vinification des moûts de raisin ; grâce à lui les vins aigres-doux causés par les fermentations à haute température que l'on qualifiait de " goût d'Algérie " disparurent, " l'emploi du réfrigérant ne resta pas confiné en Algérie, il fut adopté aussi par d'autres pays chauds tel que la Syrie, l'Argentine, l'Afrique australe, le Mexique, la Californie " (cf la vigne en Algérie
thèse H. Isnard p194)

Dans l'histoire des 975 villages pieds noirs Fouka, un des 3 " villages de Bugeaud ", se singularisaient par 3 faits : d'une part par une faible proportion des terres improductives (moins de 5%) - " A Fouka, plus que dans tout autre centre, tout ce qui pouvait être mis en culture l'a été et seules quelques broussailles de lentisques éparses ont subsisté là où la charrue ne pouvait attaquer le roc (cf Un village de colonisation de Bugeaud : Fouka. Pierre Rouveroux p13) - d'autre part par une absence presque totale de la propriété indigène - " alors que dans de nombreux centres, les indigènes ont pût racheter une partie des lots de colonisation européenne, les habitants de Fouka, se sont au contraire attachés à leur terre - enfin par un maintien de la petite propriété, Fouka est resté très morcelé ".

Mahelma un des 3 " villages de Bugeaud ", se faisait remarquer lui aussi par quelques faits. Ce petit village à eu 2 églises, l'une dans un vestige à demi ruiné du camp des zouaves de 1835, l'autre érigée en 1875 au sein du cimetière des zouaves. Il possédait encore au moment de l'exode une vingtaine de maisons appelées " maison Bugeaud ". Quant à son plan il était de forme trapézoïdale alors que la plupart des autres centres pieds noirs étaient rectangulaires (celui de Rogigo était carré).

Enfin signalons que d'une famille de modestes colons de Mahelma est issu Joseph Serda. Cet ingénieur agronome s'installa dans le Constantinois, il se hissa au ter rang de l'agriculture bônoise, il fut à l'origine de la constitution des coopératives, il succéda comme député de Constantine (2ème circonscription) à Gaston Thomson qui détient encore la palme de la longévité parlementaire (54 ans et 320 jours) !

Notons qu'après l'indépendance un enfant de Fouka a écrit un livre sur sa petite patrie perdue : " Où sont les roses de Fouka ? " Camille Gilles 1971 351 p Julliard.

Marc MONNET




je suis née dans le village de Fouka en 1948. J'habitais une maison à l'entrée du village recouverte de glycine! j'y ai vécu jusqu'à l'age de 4ans, car le propriétaire Mr Mohamed ? a voulu la récupérer et en 1952 nous sommes partis pour Alger. Ce village c'est toute mon enfance et celui de mes frères, là où ils sont allés à l'école, là que mon frère ainé à fait sa communion solennelle. Mon père était simple pecheur et il avait son bateau amarré à Fouka Marine. Les temps étaient durs pour nous, la pêche pas toujours bonne, mais nous avons vécu des jours heureux. Dans ce village vivait Mémé Carlos qui soignait tous les maux "une rebouteuse" comme on disait. Elle m'a un jour remis une épaule déboitée qui s'en souvient! Ce village c'est la référence de ma naissance, une petite enfance inoubliable et je sens encore le parfum des glycines 61 ans après. Ce fut mon premier déchirement de devois quitter ce village où je suis née et que je n'ai jamais, jamais oublié.
anne marie cado (ne lucido) - retraitée - vitrolles
12/02/2010 - 4895

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