Algérie - 07- Occupation Française

FOUAD SOUFI, CHERCHEUR AU CRSAC D’ORAN, PARLE DE MAHFOUD KADDACHE: «L’historien qui a osé dire non à Boumediène»



FOUAD SOUFI, CHERCHEUR AU CRSAC D’ORAN, PARLE DE MAHFOUD KADDACHE:  «L’historien qui a osé dire non à Boumediène»


Restituer par le témoignage la vie et le parcours de l’historien Mahfoud Kaddache et de l’écrivain Malek Haddad qui sont deux figures marquantes, respectivement, de l’enseignement de l’histoire et de la littérature en Algérie, c’est l’exercice auquel se sont livrés Mhenni Akbal, universitaire et spécialiste en bibliothéconomie, Fouad Soufi, historien et chercheur au CRASC d’Oran et Amar Belkhoudja, ex-journaliste et auteur de plusieurs ouvrages historiques, lors des journées thématiques organisées en marge du Salon Djurdjura du livre qu’organise la direction de la culture de la wilaya de Tizi-Ouzou, depuis jeudi dernier et qui s’étalera sur une semaine.
Se prévalant d’avoir eu «un rapport pédagogique » et non une quelconque proximité familière ou d’amitié avec Mahfoud Kaddache qui était son enseignant et directeur de thèse de magistère et de doctorat en bibliothéconomie à l’université d’Alger, Mhenni Akbal axera son intervention sur le profil académique et sur les qualités du chercheur parcimonieux et qui a toujours le souci de la vérification de «la vérité de l’art». «Mahfoud Kaddache était une référence incontournable dans l’écriture de l’histoire du nationalisme algérien», dira M. Akbal qui révélera que M. Kaddache était à l’origine de l’introduction de la discipline de bibliothéconomie et de son enseignement au sein de l’université algérienne. Le même aspect du parcours biographique et scientifique de Mahfoud Kaddache a été abordé par l’universitaire et chercheur au CRASC d’Oran(Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle), qui soulignera l’apport indéniable de l’historien à la vie intellectuelle et même à l’activité associative du pays. (Kaddache était aussi responsable au sein des SMA, Scouts musulmans algériens). Pour Fouad Soufi, M. Kaddache avait une approche distanciée dans la recherche et l’interrogation des faits historiques ; il était un chercheur sourcilleux qui privilégiait le retour à la source écrite et à la confrontation des témoignages. «M. Kaddache avait un rapport viscéral aux archives et aux sources», dira l’universitaire F. Soufi. «Mahfoud Kaddache a été le seul historien à avoir osé dire non à Boumediène. C’était à l’occasion d’une rencontre à la villa Susini à Alger et qui a réuni l’ex-président de la République avec des universitaires spécialisés en histoire. Lors de ce regroupement qui s’est déroulé en 1972, Boumediène a donné des orientations qui devaient guider les universitaires dans leur travail de recherche historique. A la surprise de tout le monde, Mahfoud Kaddache s’était levé pour dire à l’ex-Président qu’il n’avait pas en tant que responsable politique à s’immiscer dans le travail des historiens. » Cette anecdote rapportée par le conférencier est édifiante sur le rapport viscéral de l’auteur de L’Algérie des Algériens à la vérité scientifique et à la vérification des faits de l’histoire qu’il faut interroger sans parti pris ou sous le prisme réducteur de l’idéologie, selon l’orateur qui ajoutera que M. Kaddache refusait les oukases et l’injonction. Par son attitude, M. Kaddache qui s’est farouchement opposé sur le sujet de l’écriture de l’histoire à l’ex-ministre Mouloud Kacem Naït Belkacem s’est attiré les foudres du pouvoir de l’époque qui l’a non seulement chassé de son poste de responsable des SMA, mais l’a privé même de la voiture de service. Mais plus encore, il a été interdit de l’enseignement de l’histoire au sein de l’université algérienne où le champ de la recherche a longtemps été dominé par une approche subjective et idéologisée. Cette attitude, qui a été longtemps combattue par l’historien, est à la source des clivages qui ont beaucoup nui au pays, selon F. Soufi qui finira par dire : «Si les historiens avaient suivi l’exemple de Mahfoud Kaddache, l’Algérie aurait échappé à la guerre des mémoires. Il fallait chercher la vérité historique pour éviter les mauvaises questions.»
S. Ait Mébarek




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