Algérie

Fouad Abdelmoumeni : « Au Maroc, nous en sommes à la fin du despotisme »



Fouad Abdelmoumeni : « Au Maroc, nous en sommes à la fin du despotisme »
La rivalité entre le régime d'Alger et celui de Rabat est une « compétition médiocre » entretenue pour détourner les populations algérienne et marocaine de leurs problèmes réels, explique Fouad Abdelmoumeni, spécialiste marocain de la microfinance et militant de droits de l'homme. En déplacement à Alger pour prendre part au colloque sur les révoltes arabes organisé du 23 au 25 septembre derniers par le quotidien El Watan et l'Institut Maghreb-Europe (université Paris VIII), l'ex patron d'Al Amana fait une lecture optimiste de la situation politique dans son pays. Pour lui, « on ne peut pas continuer, dans l'état actuel du Maroc, à entretenir l'absolutisme ».
Maghreb Emergent : On constate souvent, dans les pays arabes et africains, une sorte de domination de l'économie par les familles et les clans au pouvoir. Qu'en est-il du Maroc '
Fouad Abdelmoumeni : Nous avons au Maroc un accaparement des moyens de l'Etat et des grosses fortunes par le Palais et ses affidés. Forbes rapporte que la fortune du roi a été multipliée par cinq entre 2002 et 2008, passant de 500 millions de dollars à 2,5 milliards de dollars !
Il y a eu réellement des questionnements sur l'enrichissement de la monarchie et ses sources, sachant qu'on a vu les gestionnaires de la fortune royale avoir des comportements tout à fait douteux. C'est pour cela, d'ailleurs, que dans le mouvement du 22 Février, les slogans montrent du doigt l'entourage royal, notamment le gestionnaire de la fortune du roi, (Mounir) Madjidi, et le meneur de ses 'uvres politiques, Ali El-Himma. Il faut arrêter avec ce triptyque du pouvoir (marocain, NDLR) qui le sacralise, parce que c'est négateur de la démocratie, de la citoyenneté et de l'égalité.
Comment évaluez-vous la situation actuelle au Maroc, notamment en matière de libertés et de démocratie '
Avec l'éveil de notre région à la démocratie, et particulièrement depuis l'éclosion du mouvement du 22 Février, je crois que beaucoup de tabous ont été brisés au Maroc. La peur est tombée. D'ailleurs, le principe de la sacralité de la personne du roi a été retiré de la Constitution en juillet dernier. Et aujourd'hui, nous nous sentons beaucoup plus libres dans notre expression.
Nous sommes encore et toujours dans une situation de monopole du pouvoir par la monarchie mais je pense que nous en sommes réellement à la fin du despotisme. On ne peut pas continuer dans l'état culturel, social, démographique, scolaire, politique environnemental actuel au Maroc, à entretenir l'absolutisme.
On estime, toutefois, qu'une bonne partie de la population marocaine est conservatrice et demeure, d'une manière ou d'une autre, attachée à la monarchie et au système actuel de manière générale...
Malheureusement, il n'y a pas d'indications détaillées à ce sujet mais, effectivement, les impressions très largement partagées indiquent que seulement une petite partie de la population marocaine voudrait se passer de la monarchie. Cependant, aujourd'hui on réclame une monarchie qui ne gouverne pas parce qu'on ne peut pas gouverner et décider et, en même temps, ne pas rendre compte. Or la monarchie ne peut pas rendre compte !
Je suis convaincu qu'aujourd'hui, les conditions culturelles qui permettaient le despotisme ont été dépassées et que la situation que nous héritons de la gestion actuelle est calamiteuse ; ceux qui seront responsables de la gestion du pays dans les prochains mois et les prochaines années payeront un prix très cher. J'espère que la monarchie sera suffisamment intelligente pour ne pas vouloir endosser cette responsabilité.
Parlons de la rivalité entre Alger et Rabat et de ses conséquences sur les forces qui militent pour davantage de justice et de liberté dans le deux pays'
Je crois qu'une des choses qui nuisent le plus à notre région est cette compétition. Pour moi, d'ailleurs, ce n'est même pas une compétition, c'est simplement une manière de contrôler le peuple. Au lieu de laisser les gens se focaliser sur leurs problèmes réels, on leur dit : « Regardez ! Nous avons un ennemi à nos portes, il faut tout focaliser sur lui ! »
Aujourd'hui, la disparition du monopole de l'information par nos Etats, l'ouverture de nos frontières sur le monde et notre conviction du passage à la démocratie nous permettent de croire que cette compétition médiocre va être dépassée. Elle renforce l'establishment militaire et augmente le niveau de la dépense militaire ! Au Maroc, celle-ci dépasse 5% du PIB ! C'est une aberration monumentale ! C'est envoyer nos jeunes au chômage, à la pauvreté, alors qu'on ne peut pas se payer ce luxe.
Propos recueillis par Farouk Djouadi


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