On le surnommait l’historien de la presse nationale. Il est vrai que Zahir Ihaddaden mérite amplement ce titre. Lui qui a fait partie des équipes rédactionnelles d’El-Mouqawama El-Djazaïria (Résistance algérienne), premier organe officiel du FLN, et d’El Moudjahid, porte-voix de la Révolution de Novembre. Lui qui a été le premier à s’intéresser à l’histoire de la presse en Algérie. Rappelé à Dieu le 20 de ce mois, il a laissé derrière lui l’image d’un homme qui avait l’art d’apporter et de raconter des faits que l’on ne connaît pas, pour leur donner une signification. Le Forum de la Mémoire d’El Moudjahid, initié en coordination avec l’association Machaâl Echahid, a revisité, hier, son itinéraire militant, en présentant son dernier ouvrage qui sonne comme un testament.
«Itinéraire d’un militant, témoignage», c’est l’intitulé choisi par Zahir Ihaddaden pour son dernier livre, qui vient compléter la série d’ouvrages qu’il avait édités en langue arabe, et en langue française, particulièrement Histoire de la presse indigène, Regard sur l’histoire de l’Algérie, Bejaia à l’époque de sa splendeur (1060-1555), L’histoire décolonisée du Maghreb... Comme par pressentiment, il avait cédé aux sollicitations de «ses amis, parents et étudiants» qui lui demandaient d’écrire ses mémoires. C’est l’été dernier, selon le représentant de la maison d’éditions Dahlab Abdellah Chegnan, qu’il avait contacté son éditeur pour lui annoncer la fin de la rédaction de ce livre-témoignage. Deux jours avant sa mort, le jeudi 18 novembre, le livre de 256 pages, est fin prêt. Le défunt avait eu l’occasion de le voir. Dans ses mémoires, Zahir Ihaddaden apporte un témoignage sur une période de quatre-vingts ans. Une période qualifiée, par l’auteur, de trop dans la vie d’un seul homme, et insignifiante dans la vie d’une nation. Le représentant de la maison d’éditions Dahlab, a présenté, brièvement, les grands passages de cet ouvrage. Devant les amis, les élèves, les compagnons, des parlementaires, des visages connus comme Louisa Ighil Ahriz, Mahmoud Guemmama, les filles du défunt, Abdellah Chegnan, a évoqué le parcours de l’enfant de Toudja. Fils de «cadi», né le 17 juillet 1929 à Sidi Aich (Bejaia), un village où il a appris l’alphabet et les premiers chiffres. Plus tard il deviendra professeur à l’université d’Alger, et diplômé des medersas d’Algérie, licencié ès-lettres de la faculté d’Alger et docteur d’Etat en Science politique à Paris II (Sorbonne). Si l’homme a fait des études poussées, cela ne veut nullement dire, qu’il s’ y était consacré exclusivement. Zahir Ihaddaden a laissé son empreinte sur les pages d’histoire du mouvement national. militant du PPA, et puis du FLN, il a fait partie de l’équipe rédactionnelle de Résistance Algérienne, et puis de le porte-voix de la Révolution de Novembre. D’ailleurs, il a toujours été sollicité pour animer des conférences sur le doyen de la presse nationale, et sur le rôle qu’a joué ce titre, né en plein feu de combat pour faire connaître la cause algérienne. Il pouvait aussi parler des heures du mouvement national en tant que témoin privilégié. Pour revenir au livre, il a consacré un grand nombre de pages à sa famille, parents, ses sœurs, et notamment son frère Abdelhafid mort en chahid (dans un attentat), au Maroc, de retour de Tchécoslovaquie, où il suivait des études en énergie nucléaire avec quatre autres étudiants algériens. Leur avion avait été saboté par les services secrets français en 1961. Cette mort l’avait beaucoup affecté. Plus de 50 ans après, il en parlait avec beaucoup de chagrin. Dans ce livre, il est revenu sur ses études à Toudja, Bejaia, Taher, Constantine, à la medersa, ses contacts avec le chahid Amara Rachid et pleins d’événements qui ont marqué sa vie avec plein de détails et avec cette capacité de donner une signification aux faits. Ceux qui l’ont connu, qui l’ont côtoyé, durant la Révolution à l’image de Tahar Gaïd, dont l’amitié remonte à 1948, parlent d’un homme engagé pour la libération du pays, et plus tard un fervent défenseur d’un islam du juste milieu, s’opposant fermement à la sémantique occidentale qui mettait en avant un nouveau concept, en l’occurrence l’islam modéré. Pour sa part Sadek Bekhouche a évoqué le souvenir du professeur pédagogue avec cette aisance dans la communication et cette facilité dans l’écriture. Un plume qu’il n’avait jamais utilisé pour insulter ou diffamer. Enfin, il y a lieu de noter que parmi les présents à cet hommage, des étudiants de l’université d’El Affroun (Blida), qui avaient créé en 2015 un club et qui l’ont baptisé du nom de Zahir Ihaddaden. Une initiative qui avait surpris le défunt, car une tradition s’est imposée dans notre pays, celle d’honorer la mémoire des morts, et rarement, pour ne pas dire jamais, les vivants.
Nora Chergui
Itinéraire d’un militant, témoignage
Zahir Ihaddaden, Ed. Dahlab ;
256 pages, prix, 1.000 DA
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Posté Le : 31/01/2018
Posté par : litteraturealgerie
Source : elmoudjahid.com