Algérie

Folio : Le cheval et l?épée



La vie de Djili Abderrahmane frappe avec tant d?insistance à la paroi de ses poèmes, qu?elle en est presque lisible en filigrane de l??uvre, comme le déroulement d?un rythme naturel qui n?eût besoin de nul élan initial, auprès duquel tout élan même est dérisoire, mais où la trace de la pensée poétique et celle de la pensée philosophique cherchent à se rencontrer et à se confondre. Un sentier s?ouvre-t-il ici, qui mènerait à une commune présence du poème et de la pensée ? :  « Comme un centaure  Au nez calleux,  Au pas sonore, on part fougueux  Vers le haut faîte  Dans un enfer..  Et l?on s?arrête  Aux fils de fer ».  La parole de Djili Abderrahmane a atteint ce degré de justesse où la poésie, à force de se soumettre aux disciplines de la pensée, devient parfaitement invisible. Rien ici ne donne le change. Le poète parle d?une voix égale et merveilleusement timbrée :  « Lorsqu?en toi tout espoir voudra fermer ses ailes  Sur l?âpre vision d?improbables futurs,  Quand tu ne pourras plus supporter tout l?obscur  Inassouvi d?un temps à vivre en choses frêles  Cherche en toi seul le courage et l?oubli  Renouvelés sans cesse en tout « moi » misérable :  Le rêve omnipotent voilera ton ennui. »  Méditation éveillée et lancinante dans un espace, qui est vraiment ici un « espace du dedans » où le poème pousse ses attaques, ses pointes, ses traces de lumière. Le recueil de poèmes : Le cheval et l?épée (réédité en Algérie en 1984) est « une traversée du temps », qui fait sa place à ce qu?on pourrait appeler la respiration naturelle du poème, sa distribution spatiale, cette mise en pages qui permet à des plans de se couper, à des lignes de se croiser, des mots de s?égrener : « Nous sommes l?escadron sacrifié de ceux « Que le destin brutal zébra d?un sabre rouge-pour nous la vie est morte à ses plaisirs de bouge  Immense où l?homme n?est qu?un infime piteux  Gueux à plaindre , après tout, tout autant que nous-mêmes  Seraient-ils donc fautifs de ce fatal baptême  Dont la marraine fut la mort et le parrain ».  La poésie de Djili Abderrahmane coule comme les eaux du Nil en été. Mais, son pays (le Soudan) n?a jamais été calme. Les dictateurs et les prédateurs ont toujours ravivé les guerres. C?est pourquoi le poète a passé plus de trente ans de sa vie dans l?exil, et meurt en exil (au Caire).  1) -Tous les extraits de poèmes sont tirés de ce recueil  2)- Djili était étudiant au Caire quand le dictateur Numéiri a pris le pouvoir au Soudan. Notre poète a pris alors la route vers Moscou, où il passera la majorité de sa vie. II fera un séjour de quelques années à Alger.


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