Chercheur infatigable et éveilleur exigeant de poésie, Kaddour Rahmani (1) est l’une des personnalités littéraires les plus brillantes de la génération des années 1980. C’est aussi l’une des plus irréductibles à un portrait ramassé. Etudiant puis professeur d’université, il est voué sans relâche à la poésie d’avant-garde :
- « Cierge témoin du temps
- J’aurais soufflé ta flamme
- Feu dévorant des champs fraîchement moissonnés
- J’aurais noyé ta course
- Braise indiscrète des soirées intimes
- Je t’aurais étouffée sous la cendre. »
- La netteté du trait, empruntée à la poésie arabe classique, comme la rigueur architecturale de la construction assurent à l’ensemble de sa poésie une cohésion rigoureuse. Kaddour Rahmani, partant d’une situation minutieusement circonscrite, découvre l’intemporel de la souffrance ou de la passion dans les couches profondes de l’être :
- « Porte ton fardeau
- Avec la patience des mères
- Avec leur sourire heureux
- Quand comme elles tu sentiras
- Au plus profond de ton être
- Le monde impatient qui va naître. » Strictement jaillie du terroir de ces Hauts-Plateaux où il vit, sa poésie atteint d’emblée, par la densité suggestive de l’expression, à une portée autre que régionale. Quand il chante la nature, il excelle par la précision drue et savoureuse de ses notations concrètes, par l’acuité des sensations et la délicatesse des émois suggérés. Cette sagesse n’enlève en rien pourtant à la fraîcheur de l’impression initiale. La nature prodigue à celui qui sait la pénétrer intuitivement, par le truchement de correspondances, de symboles imperceptibles au profane, une grande leçon de simplicité, de résignation et de piété :
- « Couleurs nuits vives
- Cadences des corps
- Hors d’eux-mêmes
- L’eau n’est pas fraîcheur
- De l’aube. »
- Avouons qu’en dépit d’une magnifique maîtrise verbale, d’une émouvante intensité dans telle méditation sur individus vus en ce qu’ils ont d’éternel, d’une suggestion enveloppante qui crée l’atmosphère, certains poèmes nous paraissent parfois contrevenir aux lois tacites de la poésie. Enfin, c’est peut-être dans cet amour illimité du prochain quel qu’il soit que réside l’ample compréhension du poète :
- « C’est le destin des enfants
- De ces hommes éternellement blessés
- Qu’on désigne pourtant
- Du nom farouche de révolutionnaires
- De naître à moitié orphelins. »
- De son cru, il pénètre, grâce à l’envoûtement de rythmes syncopés, au cœur de l’être humain. Rejetant les facilités du langage poétique traditionnel, K. Rahmani a prodigué des images hardies, nourries d’expérience concrète, des cadences inédites proches du langage philosophique (2).
- 1) Né à Bordj Bou Arréridj, professeur de lettres arabes à l’université de M’sila.
- 2) Il a soutenu un doctorat sur « La philosophie d’Ibn Arabi ». Il a publié deux recueils de poèmes et deux essais (sur Ibn Arabi).
Posté Le : 23/01/2007
Posté par : hichem
Ecrit par : Djilali Khellas
Source : www.elwatan.com