Algérie

FOISONNEMENT DE LIVRES SUR AMIROUCHE, MOHAND OULHADJ ET ABDERRAHMANE MIRA



FOISONNEMENT DE LIVRES SUR AMIROUCHE, MOHAND OULHADJ ET ABDERRAHMANE MIRA
Tout sur les colonels de la Wilaya III
Depuis quatre ans, le monde de l’édition a connu un engouement particulier pour les témoignages sur la guerre de Libération et précisément sur la Wilaya III historique, dirigée alors par le colonel Amirouche. Plus de dix livres sont sortis sur les actions militaires et politiques dans cette glorieuse wilaya et sur le parcours de ses chefs: les colonels Amirouche, Mohand Oulhadj et bientôt un ouvrage sur le commandant Abderrahmane Mira, écrit par son fils Tarik.

On dit que les paroles s’envolent et les écrits restent. Cette citation s’applique souvent aux écrivains mais non politiques, et selon la majorité des libraires au niveau de la capitale, l’auteur le plus lu durant cette année 2010, est, à la surprise générale, Saïd Sadi, le président du RCD, pour son livre Amirouche, une vie, deux morts et un testament. Le livre s’est vendu à plus de 10.000 exemplaires dans sa première édition et il est republié il y a quelques jours dans sa deuxième édition avec 30.000 d’exemplaires, ce qui est énorme pour un auteur dans un pays où le lectorat francophone est limité à l’élite. Selon certains libraires, le livre de Saïd Sadi est même plus vendu que les livres de Yasmina Khadra et Rachid Boudjedra, les auteurs les plus vendus depuis quelques années et dont le tirage ne dépasse pas les 5000 exemplaires. A quoi est dû ce succès? En réalité, le livre de Saïd Sadi a bénéficié d’une vaste promotion due à la polémique suscitée par sa sortie. D’abord, le patron du RCD a bien fait usage de son statut de chef de parti de l’opposition pour mener une campagne de promotion digne des grands auteurs de best-sellers américains. Dans un premier temps, il a dénoncé le retard accusé pour l’octroi du code Isbn (un code d’identification délivré par la Bibliothèque nationale). Mais la plus grande publicité apportée au livre, c’est bien le feuilleton de réactions des auteurs, des historiens et surtout des révolutionnaires de la première heure. Plus de 25 interventions dans la presse et plus particulièrement dans le Soir d’Algérie où Saïd Sadi bénéficie d’une tribune presque hebdomadaire. La plus étonnante et qui a servi de publicité gratuite au livre de Saïd Sadi c’est la riposte de Ali Kafi dans plusieurs quotidiens différents et dans les deux langues. M.Kafi avait déjà connu la polémique après la sortie de son livre Du militant politique au dirigeant politique aux éditions Casbah.
La sortie du livre de Sadi a même mobilisé la Toile, puisque plusieurs sites et blogs ont réagi à la sortie du livre sur Amirouche.
Cet échange dans la presse et sur Internet entre l’auteur de Amirouche, une vie, deux morts et un testament, «a poussé les citoyens à l’acheter et essayer de comprendre, les raisons de cette polémique», nous explique un libraire. Contrairement aux oeuvres des auteurs connus en Algérie, ce ne sont pas les intellectuels seulement qui ont acheté le livre, mais aussi des étudiants et parfois de simples citoyens, qui n’ont pas l’habitude d’acheter des livres. L’ouvrage de Saïd Sadi a battu tous les records de vente de son livre en Kabylie, dans les wilayas du Centre et même dans l’Oranie et cela même si l’auteur n’a pas organisé de nombreuses ventes-dédicaces pour des raisons de sécurité.
Le plus étonnant dans ce success story littéraire, est que Saïd Sadi n’est ni un écrivain prolifique, ni un historien et encore moins un ancien combattant venu apporter son témoignage.
Le patron du RCD, qui reste un as du verbe et de la rhétorique, a surtout bien su capitaliser un fonds historique riche et controversé, celui de la valeureuse Wilaya III. Sur ce terrain, il n’est pas le seul, plusieurs auteurs, acteurs de la guerre de Libération, ont témoigné sur le parcours historique de cette zone et sur son chef, le colonel Amirouche.
Le plus prolifique et sans nul doute, le témoignage le plus édifiant est celui de Djoudi Attoumi, ancien secrétaire du colonel Amirouche. Il a écrit plus de 4 livres sur la Wilaya III. Le colonel Amirouche Entre légende et histoire, Avoir 20 ans dans le maquis, Le colonel Amirouche A la croisée des chemins et Chroniques de guerres en Kabylie (Wilaya III). Djoudi Attoumi était bien placé pour parler de l’histoire de cette wilaya dont il a été l’un des officiers. Ne recherchant nullement à provoquer la polémique, et encore moins le profit politique ou commercial, Djoudi Attoumi a créé une modeste maison d’édition, au nom de «Hommage à sa fille disparue» pour justement témoigner pour l’histoire et transmettre à la prochaine génération les actions héroïques des moudjahidine de la Wilaya III. Il est souvent sollicité pour des conférences et témoignages sur la guerre de Libération aussi bien en Algérie qu’à l’étranger. Il sera le seul intervenant algérien dans un nouveau documentaire sur la Guerre d’Algérie, qui sortira en France dans les prochains jours.
Si ses livres sont cités par de nombreux observateurs comme étant une référence en la matière, ils ont très bien marché, même s’ils n’ont pas bénéficié de la même promotion que le livre de Sadi. Autre livre à témoigner sur la guerre de Libération est celui de Abdelmadjid Azzi, ex-combattant de l’ALN, ancien secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs retraités (Fntr/Ugta). Ce livre portant le titre Le Parcours d’un combattant de l’ALN (Wilaya III), publié aux éditions Mille-Feuilles, prône le témoignage direct des vivants de la Révolution.
De l’avis des critiques avertis, cet ouvrage est d’une qualité rédactionnelle de très haute facture. Très bien rédigé, il traite d’un aspect bien particulier des maquis de la Wilaya III à savoir la santé et les structures sanitaires. Comme pour son ami Djoudi Attoumi, le livre de Abdelmadjid Azzi n’a pas bénéficié d’une grande médiatisation.
L’idée de rédiger cet ouvrage a germé lors du cinquantième anniversaire du Congrès de la Soummam, à Ifri. M Azzi l’a écrit et son ouvrage est aujourd’hui un véritable témoignage pour la postérité.
Un autre livre qui a fait parler de lui a été celui de Hamou Amirouche, l’ex-secrétaire du colonel Amirouche. Son livre Akfadou, un an avec le colonel Amirouche paru aux éditions Casbah, a eu un bon accueil lors du dernier Salon international du livre. L’auteur, qui vit au Etats-Unis, s’est déplacé en Algérie pour présenter son livre, et a bénéficié d’une bonne couverture médiatique, qui a boosté les ventes de son livre.
Aujourd’hui, l’ouvrage est épuisé et l’éditeur n’a pas cru bon sortir une seconde réédition. Mais au-delà du fait littéraire, le livre n’apporte rien de nouveau sur le fait historique. En revanche, le livre de Salah Mekacher Au PC de la Wilaya III, publié aux éditions Amel en 2006, a le mérite d’évoquer, pour la première fois, les dissensions au sein de la Wilaya. Salah Mekacher, qui fut lui-même victime de la Bleuite, a témoigné pour la première fois des «purges» dans les maquis.
Son livre a fait un tabac dans le milieu des moudjahidine de la Wilaya III, mais, ne bénéficiant pas du même traitement médiatique, le livre de Mekacher n’a pas eu le même succès en librairie. Même s’il en est à sa troisième réédition.
Mais les éditions Amel, qui ont senti le bon filon, se sont spécialisées depuis, dans les livres sur la Wilaya III et éditeront un autre témoin direct de la guerre de Libération dans cette zone en Kabylie, c’est le cas de Amar Azouaoui, dont le livre est sorti dans le même sillage que celui de Saïd Sadi, Jumelles, le déluge en Kabylie. Le livre revient sur «l’opération Jumelles» qui a mobilisé plus de 75.000 soldats français pour déloger les moudjahidine de la wilaya III. L’écrit est avant tout un hommage à Si Mohand Oulhadj, qui a dirigé cette Wilaya après la mort du colonel Amirouche puis celle de Abderahmane Mira.
Après les témoins directs sur la guerre de Libération, c’est au tour de la progéniture des chefs de la Wilaya III. Si le fils de Amirouche Noureddine Aït Hamouda, a laissé à Saïd Sadi, le soin d’écrire le livre sur la vie de son père, c’est le fils du colonel Si Mohand Oulhadj, Akli, qui a écrit l’ouvrage sur son défunt père, intitulé Si Mohand Saïd raconte Amghar sorti aux éditions Savoir.
Le livre est sorti il y a quelques semaines et il remporte un franc succès dans les librairies, suite au succès du livre sur Amirouche. Mais une erreur soulevée par Ahmed Arrad, secrétaire national à l’organisation nationale des moudjahidine (ONM) dans le livre Si Mohand Saïd raconte Amghar, relance la question sur l’écriture de l’Histoire par les témoins indirects de la Révolution. En effet, le livre d’Akli Mohand Saïd, citait Ali Chekkal, parmi une liste de combattants à qui il rendait un hommage, alors qu’il s’agissait du vice-président de l’Assemblée algérienne, tué dans un attentat du FLN à Paris.
Bientôt un autre livre sortira sur le commandant Abderrahmane Mira, écrit par son fils le député Tarik Mira, qui apportera son lot de vérités sur la très active Wilaya III.
Car devant l’absence d’historiens spécialisés algériens comme Mohamed Harbi ou étrangers tels Yves Courrière et Benjamin Stora, les principaux témoins de la guerre de Libération encore en vie, ne sont pas trop bavards. Sur les six Wilayas qu’a regroupées l’Algérie, seule la Wilaya III a été la plus expressive.
De nombreux témoins préfèrent réagir dans la presse que de publier un livre. Alors que d’autres, comme Djamila Bouhired et Zohra Drif, qui ont vécu la Bataille d’Alger de l’intérieur, préfèrent se taire que de témoigner pour l’histoire.
Aujourd’hui, le témoignage historique reste le meilleur argument de vente commercial pour l’édition. Des livres comme La Bataille d’Alger de Yacef Saâdi, la collection sur la Guerre d’Algérie de Yves Courrière, ou encore les livres historiques de Mohamed Harbi et Benjamin Stora restent, plus de 20 à 40 ans après leur sortie, les livres les plus vendus en Algérie.




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