Algérie

Fodil Boumala : "Nous sommes et demeurerons libres"



Il y avait un confus mélange d'enthousiasme et d'émotion sur ces dizaines de citoyens, parmi lesquels des anonymes, mais aussi des figures adoptées par le hirak, à l'image du moudjahid Lakhdar Bouregâa et de Samir Belarbi.Confinés dans une ruelle à un jet de pierre de la prison d'El-Harrach, derrière un cordon de policiers, ils scrutaient depuis deux heures cette porte austère de la prison et derrière laquelle croupissent bien des détenus. Mais pour ces dizaines de personnes, ce dimanche, on attendait celui qui avait fait sensation lors de son procès, dont le portrait était omniprésent dans les marches depuis plusieurs mois, et que le juge avait décidé d'acquitter en début de matinée au tribunal de Dar El-Beïda : Fodil Boumala.
Comme souvent en pareille circonstance, c'est l'agitation des services de sécurité aux abords du pénitencier qui annonce l'imminence de la libération.
"Abane a laissé une recommandation : dawla madania machi âaskaria" (Etat civil et non militaire), ou encore "Silmiya, silmiya, wihda watania" (Pacifiquement, unité nationale), scandaient quelques voix. Il est treize heures passées lorsque Fodil Boumala, souriant, les traits un peu tirés, mais visiblement ému, sort de la porte principale à la rencontre de tous ceux qui sont venus l'accueillir. "Je suis innocent et je suis un homme libre.
C'est seulement ma liberté qui m'a été spoliée", dit-il, d'emblée, la voix enrouée. Alors que l'on joue des coudes pour l'approcher, il ajoute ironique : "Dire qu'on m'a rendu ma liberté c'est comme ce voleur qui te vole ton argent et te le rend en te disant qu'il t'a fait une faveur. Personne ne m'a fait de faveur", dit-il, comme pour suggérer probablement qu'il ne doit rien au pouvoir. D'ailleurs, il n'omet pas de rendre un hommage appuyé à tous ceux qui ont rendu possible sa libération. "Je salue le peuple algérien en Algérie et à l'étranger.
Je salue le collectif de défense, tous les activistes, un par un, les hommes libres, tout ce qui reste de la presse libre et tous les journalistes libres. Je salue tous ceux qui ont défendu les familles des détenus, ceux qui ont résisté avec elles. Je salue les gens nobles, civils ou non civils, y compris les hommes et femmes nobles à l'intérieur de la prison, qui ont fait leur devoir", dit-il.
La voix de plus en plus éteinte, éprouvé, il soutient que l'heure n'est pas au renoncement et que l'enjeu demeure toujours l'avènement d'un Etat de droit, libéré de l'autoritarisme. "Nous sommes libres et nous le resterons. Les plans du pouvoir ne nous intéressent pas ; nous nous retrouverons prochainement pour d'autres détails sur d'autres questions plus importantes que l'emprisonnement de Boumala. Moi, je ne suis qu'une infime partie, une goutte d'eau dans l'océan, de ce peuple.
La grande question, c'est celle du peuple, de sa libération, la construction d'un Etat de droit et des libertés, la justice, la libération de ce peuple de l'autoritarisme", poursuit-il sous les applaudissements nourris des présents et des youyous des femmes. Avant de prendre congé, de la foule une voix lui susurre : "Il y a aussi Karim Tabbou." "Je suis un serviteur de cette nation, je lutte pour sa liberté.
Dans les prisons du régime, il y a encore des détenus d'opinion, des journalistes", poursuit-il en donnant rendez-vous au procès de Karim Tabbou mercredi prochain. "Nous ne tolérerons plus à l'avenir que quelqu'un soit emprisonné pour son opinion ou qu'il soit jugé uniquement parce qu'il défend l'Algérie". "Mazal, mazal, Karim Tabbou, mazal Fersaoui", reprennent à l'unisson les présents alors qu'il écrasait une larme en se jetant dans les bras d'un de ses anciens professeurs.


Karim Kebir


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