Un parti n'est
grand que par, d'abord, la grandeur de ses idées, ensuite de ses hommes et
enfin de sa dynamique à pouvoir changer et bouger les êtres et les choses. Lorsque
la vantardise empêche le bon sens d'unir la saveur du mythe à la réalité de
l'erreur, le projet tardera à venir et le parti vacillera d'une rive à l'autre.
La présence
structurelle du parti semble donner entre deux échéances électorales
l'impression d'une simple existence d'un néant dynamique soit l'illusion de la
coquille vide. Ce grand parti libérateur et rédempteur, artisan du sentiment
nationaliste ne serait-il plus habité par ces élans rassembleurs et unitaires
de la composante patriotique ? Aurait-il subi, à l'instar d'autres
corporations, le syndrome de l'usure et du vieillissement méthodique et
fonctionnel ? Cet anachronisme qui ne devait point sévir au sein des forces
vives et centrifuges serait pourtant devenu une nature essentielle pour le
fonctionnement de tout l'appareil tant central que local.
Si la libération du pays avait exigé dans le
temps l'utilité nécessaire d'un front unique apte à pouvoir mener vers les
rives de l'indépendance l'immense volonté populaire, il en serait un peu
autrement après la période post-indépendance. Le parti se transformant en un
appareil usuel de propagande commençait à se faire sortir de l'option politique
qui devrait tendre à réunir davantage les potentialités managériales et
gestionnaires. Il faisait plus dans l'inquisition que dans la persuasion
politique. L'Etat se confondait dans la rigueur qu'exerçait par fonction non
élective le commissaire du parti. L'administration ne trouvait issue que dans
l'application de résolutions.
L'unicité du
parti n'avait rien apporté comme élément fondateur d'une nation si ce ne fut
cette discipline quoique honnie, mais qualifiée d'indispensable pour éviter
toute dérive. Le moindre vent de vouloir dire ou faire des choses en dehors
d'un «cadre organisé» s'assimilait de facto à un acte contre-révolutionnaire.
La démocratie n'avait qu'une signification occidentale et bourgeoise au moment
où l'appropriation de l'outil de travail, la justice sociale et l'égalitarisme
rimaient avec la négation des classes. L'embourgeoisement condamné à plus d'un
titre sera une fois la démocratie mise sur scène un mode apte à appâter les
foules et gagner, croit-on, l'estime de la populace. Les slogans d'à bas
l'impérialisme et la réaction se tairont et les vociférateurs feront la chaîne
devant les ambassades des pays qualifiés ainsi. Le parlement en 1976 ne
constituait qu'un regroupement de gens réunis pour la galerie tout en faisant
office d'une preuve tenant lieu d'un amphithéâtre de libre expression dans le
cadre d'une démocratie «responsable et organisée».
En fait de classes, elles n'avaient certes
aucun statut juridique sauf que la réalité matérielle de certains pontes en
disposait autrement. L'opulence ne signifiait pas un rang mercantile donné
beaucoup plus qu'elle voulut signifier un état d'esprit. La division sociale
n'était pas douée d'être perçue telle une expression justifiant l'option
politique prise dans la théorie de la lutte des classes. La bourgeoisie d'alors
se limitait à un affichage idéologique tacite et dissimulé parfois contraire,
dit-on, aux principes de la révolution populaire.
L'édification nationale formée de tâches de
grande envergure telles que le barrage vert, la transsaharienne, le volontariat
dans la campagne, devait se partager par tout un chacun sans quoi les idéaux
majeurs d'une révolution jeune et ferme n'auraient point eu les mérites dignes
de la grandeur d'une nation à peine sortie des affres séculaires de la
dépendance colonialiste. Ce fut un temps où l'engagement politique ne variait
nullement de l'ardeur à pouvoir continuer la révolution autrement et sur
d'autres fronts. L'école, la rue, l'usine et tout espace de la vie active ne
pouvaient être extraits à un militantisme qui ne cesse de déborder jusqu'aux
fins de tous les rouages institutionnels.
Le parti qui jusqu'ici remporta la victoire
sur un plan et la perdit sur tous les autres se trouvait coincé entre les
serres d'un système qui voulut en faire un simple mécanisme de règlement de
compte historique. Tantôt il prêchait la bonne parole au profit d'un pouvoir,
tantôt il faisait dans l'éloge et la déification de personnes. Il était ainsi devenu
au regard des foules le réceptacle de l'échec de toute politique. Il en en
prescrivit insidieusement d'en faire le parti unique. Il jouait le rôle sans
avoir en finalité le mot ou l'ultime mot. Dans cette lancée, le FLN ne pouvait
survivre aux mites qui le rongeaient. Les figures de proue commençaient à lui
causer une sérieuse hémorragie pour voir d'autres noms s'élever et s'ériger à
l'avenir en des symboles incontournables dans l'échiquier politique algérien.
Octobre 1988 ne
fut en d'autres termes qu'un salut politique pour la résurrection du FLN.
Jusqu'aux soupirs languissants de l'agonie organique il lui avait permis en fin
de cheminement un certain «ressourcement». Bien ou mal opérée, cette nouvelle
démarche dynamique n'aurait pas réussi totalement du seul fait de l'insistance
farouche et sournoise de l'ancienne garde. Manoeuvrant à distance, les caciques
ne lâchent pas les rênes qui les ont traînés aux zéphyrs de la gloire du jeune
Etat. les coulisses ne sont plus utiles pour eux plus que ne le sont les eaux
troubles de ce qu'ils qualifieront de démocratie. Cette dernière est là d'abord
au service de leurs intérêts. Puis, elle aura à servir dans un proche avenir
ceux de leurs relais que sont les futurs certains personnages politiques
façonnés dans le côté cour de l'immeuble, côté infect de la corporation.
C'est ainsi que l'on s'aperçoit au fur et à
mesure de l'effilement de toutes les élections que les batailles dans le parti
n'ont jamais pris l'allure de courants idéologiques contradictoires. Les
conflits opposaient les personnes, les clans et les familles et non les idées
ou la nature de projets sociaux. Il reste édifiant encore de pouvoir constater
avec lassitude que même avec la survenance, d'ailleurs salutaires, d'autres
associations politiques, le FLN tient a contrario du discours à imposer une
caste au nom d'une légitimité, non plus historique mais militantiste.
L'opportunisme est confectionné grâce à l'octroi d'une carte ou le
renouvellement d'une autre. La lutte n'apparaît qu'autour de l'échéance de vote
qui fera, croit-on toujours savoir, des hommes publics pour ceux qui ne sont
que de quelconques noms usuels.
Les éventuels candidats dont les portraits
lacérés et en déchets pavoisent toujours les arcades des grandes avenues et des
petits douars, n'ont de cure que la magouille des coulisses, le beni-amiss
politique et la hargne inégale d'occuper le confort d'un bureau qu'ils
n'auraient pu avoir par diplôme ou qualification professionnelle.
Le sens éveilleur de ceux qui ne vivent que
par la légende, les rapports et la carte du parti, ne sera certainement pas
capable d'entraîner dans un élan enthousiaste l'électorat comme fut le cas lors
des dernières législatives. Comment une population locale qui ne connaît de
certains noms que l'habitude de les voir ressurgir aux moments opportuns,
puisse croire le discours redondant tendant à faire du renouveau et du
rajeunissement un credo sacro-saint du parti nouvelle version alors que le
plateau candidatural qui lui serait présenté n'offre que du réchauffé (sabah) ?
Qu'ont-ils fait ces éternels candidats, ratés à tout métier, retraités précoces
en perpétuelle attente de meilleures opportunités électorales ? Ils pensent
avoir sous la main les instances élues alors qu'ils n'arrivent point à faire
l'unanimité dans leur quartier ! parfois dans la famille !
Avec un personnel
des années du parti unique le FLN n'ira pas vers le fond philosophique de la
démarche qu'il semble préconiser. Il demeurera otage des caciques et de groupes
corporatistes fort jaloux envers toute «pénétration» étrangère. Faisant dans
une nébuleuse volonté sa propension de changement, il n'arbore qu'une
démocratie de bavardage dénuée de toute logique propre à un parti où le
centralisme démocratique est une règle d'or. La défection collective de
militants, les démissions successives de chefs de kasma désavoués par la
commission de wilaya dans l'établissement de listes n'ont cessé de mettre au
jour le souci révolutionnaire flniste qui vient déranger les opportunistes, les
attentistes et les profiteurs sans idéologie ni conscience et dont l'unique but
n'est autre que de continuer à se positionner dans un confort matériel
singulier. Il aura, maître Belkhadem, à s'intéresser un peu plus et sans
affinité aucune à «ses amis» ou à ceux qui crient qu'ils le sont. Lui le vieux
routier, l'excellent coulisseur ne peut plier sous la pression des faux jésus
et des anxieux du pouvoir.
Par principe, par coutume «boulitique» il
échoit au simple citoyen de juger juste à la lumière (?) du mandat électif en
cours, les prouesses passives et actives des auteurs élus, qui ont causé
l'érosion au crédit-confiance accordé aléatoirement au FLN. Ainsi à travers le
menu offert aux électeurs, la diversité des profils présente une indigence
accrue en matière de valeur politique. Le plateau électoral à dévoiler lors des
prochaines joutes aurait, et c'est déjà dans l'air de la précampagne, un goût
insipide, fade et amer tant les éléments le composant sont soit extraits des
archives mouillées, soit intronisés nouvellement à la faveur toujours
d'accointances clanales ou parentales.
Supplanté par ses
arrière-gardes, le FLN n'entend pas se rénover. Il a la peau dure. Il ne devait
ce respect quelquefois intact que par le mythe qu'il tente d'entretenir au
moyen de recours itératif et sans cesse rabâché à la légitimité historique.
Mais en réalité que lui reste-t-il de tout cela ? Il n'est plus le représentant
du mouvement national quoique s'essayant de s'inscrire dans une mouvance de
démocratie et de modernisme. Développant un double discours, il tressaute tel
un appareil en manque d'énergie et apporte jusqu'aux fonds du ridicule la
preuve de la contradiction et de la chicane. C'est un mensonge, une vérité à
peine incroyable que d'avoir comme tête de liste une épave de 73 ans ou un
retraite ex-député de moins de cinquante ans qui s'est mis à fond dans une
carrière politique avec deux mandats et à la recherche d'un troisième avec
l'ambition de briguer un fauteuil sénatorial. L'on a l'impression que chez ce
parti tout fonctionne comme avant avec une certitude en bout qu'il ne faut pas
le dire ou l'écrire. La cajolerie exercée envers les militants ne sera pas de
la même conviction qu'exigerait un lectorat vif et vivace. Les plus grincheux
des militants ne peuvent soutenir une liste imposée.
La tentative du moins déclarée d'opérer la
décantation menant vers un assainissement progressif des rangs tenus en tête
par les vieux randonneurs du FLN, n'aura certainement pas lieu. Hélas pour ce
mouvement de premières heures. Patrimoine sans conteste de tous les Algériens,
il ne peut demeurer otage de quelques scribouillards en mal de postes ou de
considérations sociopolitiques. La restitution de ces trois initiales
confisquées sournoisement par des potentats ou des futurs néo-dinosaures est à
réclamer par tous au nom de l'histoire, des martyrs et des profondes fibres de
la nation. Il restera tout de même ce parti d'avant-garde qui a su galvaniser à
un certain moment le sentiment national. Il aura été contre vents et marées le
catalyseur des efforts libérateurs et de l'emploi rédempteur pour le
recouvrement de l'indépendance nationale. Comme il aura l'avantage du mérite de
pouvoir continuer sa trajectoire non sans faire ablation de tous les microbes
qui le gangrènent et faire table rase des méthodes inquisitoires qui l'abîment,
des clans qui le minent et de la fourberie immorale qui gravite comme un essaim
autour de son noyau dur. Si le rajeunissement pris en option dans la démarche
du renouvellement des instances, la notion n'exprime pas qu'il fallait confier
des tâches de commandement (el kiada) honorifiques à des gamins ou à des
personnes quelconques et indifférentes. Aussi le renouvellement ne peut rimer
avec la réincarnation des momies ou la réparation pâteuse des épaves retirées
sans scrupule du cimetière politique.
L'angoisse du prochain congrès est à situer
pour nombreux adeptes du vieux parti entre le mythe de l'histoire et le mirage
politique.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 24/09/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : El Yazid Dib
Source : www.lequotidien-oran.com