Algérie

FLASH-BACK SUR L’ÂGE D’OR DES CINÉMAS BEL-ABBÉSIENS



FLASH-BACK SUR L’ÂGE D’OR DES CINÉMAS BEL-ABBÉSIENS
- Sidi Bel-Abbes et ses salles de cinéma , c’est une vieille histoire qui continue à s’écrire au présent et que tout Bel-Abbésien , d’un certain âge , peut raconter avec une pointe de nostalgie et pincement au cœur pour ces temps révolus mais inoubliables , rappelant que la culture cinématographique s’était installée tôt au sein de la jeunesse bel-abbésienne dans une ville ouverte sur le monde où la musique , le théâtre , le cinéma … étaient des fêtes citoyennes qui valaient d’être vécues d’autant plus qu’un public connaisseur et assez imprégné de la culture en général et du septième art en particulier avait bien existé !
- Sidi bel-Abbes , creuset des arts , des artistes et de la culture , dotée de toutes les commodités , était en fait une ville en avance sur son temps et détenait tous les avantages d’une cité moderne à l’urbanisme complet avec le riche patrimoine de son passé colonial , notamment en salles de cinéma . Jadis, ces temples de la culture rayonnaient dans la ville et sont tellement chargés d’histoire et d’émotion qu’ils peuvent, à eux seuls, raconter plus de choses que bien des livres . En effet, les cinoches bel-abbésiens en ont vu passer plusieurs générations , des enfants , des adolescents devenus aujourd’hui de vieux cinéphiles qui se rappellent leurs émotions devant le grand écran , un petit vent de nostalgie se met à souffler dès qu’ils évoquent le nom d’une salle ou le titre d’un ancien film et voilà que les anecdotes et beaux souvenirs remontent pèle-mêle à la surface . Dommage pour nos jeunes générations qui n’ont pas connu ce plaisir mondain et cette ambiance collective et conviviale que seules les salles obscures en ont le secret .
-Sidi Bel-Abbes fut relativement choyée en termes de salles de cinéma, la ville possédait un patrimoine de salles probablement unique en Algérie, y compris en commodités . Au lendemain de l’indépendance, parmi les 450 salles dénombrées à travers le pays, la ville comptait pas moins de sept salles dont de haut standing ,toutes en exploitation où chacune avait sa particularité :
-LE VERSAILLES (Algéria) : inaugurée en 1955 , cette salle mythique avait la particularité du prestige d’où son nom ; son ambiance feutrée et contemporaine, ses velours , ses dorures , ses miroirs , son élégance ainsi que sa sélection de films plutôt soft ont fait toute son originalité, on l’appelait aussi « Salle de l’Elite » . Le VERSAILLES attirait un large public de cinéphiles assidus dont ils affichaient une prédilection car la qualité du lieu était importante autant que la programmation .Bel-Abbésiennes et Bel-Abbésiens, avides de nouveautés et de découvertes , appréciaient en effet ces sorties culturelles et ne manquaient jamais d’être tirés à quatre épingles … l’élégance était particulièrement de mise et de là s’imposait une autre culture … !
- ALHAMBRA : C’était une salle relativement exiguë implantée dans une zone commerciale et populaire par excellence, en plein cœur du mythique quartier EL-GRABA fief du nationalisme et des activités politiques durant la révolution . Au milieu des années 50 un particulier algérien eu l’ingénieuse idée d’ouvrir cette salle pour le plus grand bonheur des cinéphiles arabes .L’ALHAMBRA ou « el-hammassa » comme la surnommait ce qui fut « la communauté indigène » en raison des effets du bruit que produisaient ses vieux appareils de projection , était la moins chère de toutes les salles et proposait particulièrement des films égyptiens à l’image des stars :Abdelhalim Hafez ,Farid El-Attrach , Ismail Yassine , Farid Chawki, Samia Gamal, Hind Rostom, Chadia etc… ainsi que des films hindis , assortis de chansons , qui avaient suscité un vif engouement en milieu cinéphile arabe bien avant le développement du bollywood . L’émergence rapide de ce type de films a été très vite adopté par ses fans à l’époque, d’ailleurs tous les adolescents chantaient le hindou sans comprendre un traître mot . Certains films cultes à l’instar de « Mangala Fille des Indes » ou « Mother India » (Notre Mère la Terre)… résonnent encore dans leurs esprits. L’ALHAMBRA était l’unique salle qui consacrait une séance spéciale gent féminine (souvent accompagnée de marmaille) le vendredi après-midi .Mon premier film à l’ALHAMBRA remonte en 1962 sous le titre GODZILLA , très impressionné par ce monstre qui crachait du feu … !
- OLYMPIA (Amarna) située sur la plus belle avenue de la ville : La Macta ex Bir Hakeim, était l’une des rares salles d’Algérie à avoir introduit l’écran panoramique à l’époque, un privilège en son temps, ce qui permettait de suivre des films en cinémascope, idéal pour les westerns spaghetti et péplums notamment les séries : Ringo, Django, Sartana, Sabata, Trinita … ou Hercule, Samson, Maciste, Ursus, Ulysse … qui vivrons encore dans la mémoire de milliers de jeunes cinéphiles de l’époque pour les années à venir. L’OLYMPIA nous rappelle aussi la célèbre crèmerie Garcia et fils qui était située tout près de la salle, quand les finances étaient au beau fixe, on s’adonnait aux plaisirs irrésistibles des crèmes glacées pour y aller déguster de délicieux sorbets à la saveur d’antan ou une Agua Limon ou encore un créponné très apprécié pour ses qualités rafraîchissantes !
- EMPIRE (Ifriquia) : Majestueuse salle au style particulier inaugurée en 1927,c’est probablement la plus ancienne salle et l’unique cinéma disposant de loges aux extrémités en orchestre pour familles ainsi qu’un grand balcon pour permettre d’accueillir un public nombreux . L’EMPIRE contenait aussi une large scène devant l’écran où se produisaient des spectacles musicaux , tant de sommités artistiques mondiales mettaient un point d’honneur à s’y produire . On y organisait même des galas de boxe !
- PALMARIUM : Initialement dénommée IDÉAL avant d’être rebaptisée PALMARIUM, construite vers 1928 cette salle se trouvait dans l’ex faubourg populaire Marceau (Perrin). Comme toutes les anciennes salles, L’IDEAL (avant d’être PALMARIUM) proposait à ses débuts des films muets et cours métrages à l’image de Charlot, Buster Keaton, Laurel et Hardy … ou des films « cow-boys » entre autre les mythiques Buffalo Bill, Kit Carson, Cassidi … (l’expression « western » n’étant pas encore apparue) . A cette époque la salle était équipée de chaises ordinaires que l’on rangeait sur les côtés, souvent, l’après-midi après chaque séance pour permettre à l’espace une conversion en salle de bal. Plus tard LE PALMARIUM doté de ses fauteuils fixés au sol se démarquait par son rôle de « cinéma de quartier » qui avait notamment nourri les émotions de nombreuses générations de jeunes cinéphiles plutôt modestes et se distinguait par les projections de vastes variétés de films d’actions, classiques, péplums … !
-VOX (Tessala) : Inaugurée vers 1940 cette salle mythique a vu défilé de nombreuses légendes vivantes et grands classique du 7ieme art, allant du thriller au péplum en passant par les westerns spaghettis . Avec ses sièges et murs capitonnés de velours rouges, Le VOX était l’unique cinéma doté d’un toit ouvrant qui coulissait pour profiter des douces soirées d’été . Le VOX est témoins de grandes agitations et bousculades lors de certains films cultes à l’images de « La Bataille d’Alger » ou « Abi fouq chajara » avec Abelhalim Hafed et Mirvet Amine ou encore « Aa Gale lag jaa » plus connu sous le titre de « Janitou » le film qui a fait pleurer des millions d’algérien !
- RIO (Moksi) était l’unique salle qui ne disposait pas de balcon . Le RIO proposait une gamme de films variés, généralement des rediffusions de titres déjà projetés quelques temps auparavant dans d’autres salles à l’instar du célèbre film documentaire allemand « Helga » rediffusé au milieu des années 70 à guichet fermé pour toutes les séances . Cependant, il faut souligner qu’à l’époque le film en question avait heurté la sensibilité de certains jeunes et moins jeunes, avides de curiosité, notamment les jeunes filles où une séance spéciale gent féminine leur a été consacrée, le documentaire ne comportait aucune limite d’âge ! Rénové Le Moksi s’est convertie en cinémathèque mais qui a peu séduit notre jeunesse , ce lieu n’arrivait pas vraiment à se démarquer pour être considéré comme « cinéphile » quand ce terme prenait une connotation un peu académique !
- Sans oublier le cinéma Plein Air du théâtre de verdure (inauguré le 14 juillet 1952) jouxtant la piscine municipale du jardin public durant les chaudes soirées d’été (journée baignade et soirée cinéma… fantastiques étaient nos vacances d’été). L’engouement populaire pour ce cinéma se manifestait en effet par le succès des projections en plein air organisées chaque été sur cet espace convivial où se confondaient fraîcheur nocturne et senteur de pin et d’eucalyptus dans une superbe ambiance agrémentée de chips croustillants d’antan servis tout juste à côté ! On y passait une sélection de films de bonne facture dont une partie de la série Tarzan avec d’illustres interprètes du personnage de l’époque allant de Johnny Weissmuller et Lex Barker en passant Gordon Scott et Jock Mahoney… !
-Deux autres salles ont existé et disparu bien avant l’indépendance, il s’agit du cinéma Le Colisée qui se trouvait au centre-ville en lieu et place de l’actuel Centre Culturel Benghazi Chikh et qui fut ravagé par un incendie .Ainsi que le cinéma LE SPLENDID qui se situait sur l’ex rue J.P Perrin (Rue Ali Boumendjel) face à la maison d’arrêt du centre-ville, lui aussi incendié , dit-on, au début des années 40 . Malheureusement il n’existe aucune photo dans les archives sur ces deux cinémas sauf une partie du Colisée (photo ci-jointe) et pour LE SPLENDID une ancienne photo (ci-jointe aussi) de la place Carnot avec un grand panneau publicitaire indiquant que ce cinéma a bel et bien existé !
- En conclusion, j’aimerai dire qu’à une certaine époque, des hommes qui au lieu de s’affronter ont choisi de construire ensemble leur commune et faire de leur ville une porte ouverte sur le monde . Cette ouverture se faisait notamment sur le plan culture ! Sidi Bel-Abbes forever and ever !
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