Après les agences postales, ce sont les banques publiques qui se
plaignent d'un manque de liquidités alors que plus de 500 milliards de dinars
dorment dans leurs coffres.
Ni la Banque
d'Algérie, ni le ministère des Finances encore moins le ministère des Postes et
des Technologies de l'information et de la communication (PTIC) n'ont pu, à ce
jour, trouver une solution au problème de liquidités qui pénalise depuis
quelques années lourdement les usagers des agences postales. Si la Banque d'Algérie s'est
taillé sur mesure la tradition de ne pas communiquer en dehors des conférences
de presse que ses responsables veulent bien animer au moment qu'ils jugent
opportun, le ministère des Finances a décidé depuis l'arrivée de l'été
d'hiberner. Ni la communication ni les responsables habilités à communiquer ne
sont joignables et ce depuis plus de deux mois. Il reste cependant des cadres
aux voix discrètes mais expertes qui tentent tant bien que mal d'expliquer les
choses même si l'on susurre qu'instruction a été donnée par les hauts
responsables de la présidence de la République de ne commenter aucun fait
financier.
«Le problème de liquidités est un cercle infernal et vicieux», nous dit
un des cadres du ministère de Karim Djoudi. Il
reconnaît ainsi qu' «il y a des tensions certes, mais il y a des pics de pics
en raison d'une évolution exponentielle d'une demande qui n'en finit pas, qui
court, comme c'est le cas en ces temps de fêtes et de rentrée sociale…»
D'autres cadres confortent ces propos en expliquant que «les liquidités doivent
en principe évoluer d'une manière gérable mais chez nous, leur taux d'utilité
augmente parfois de 10% et plus d'un coup en raison de demandes pressantes, c'est
trop quand on sait que c'est du physique qui sort et non de l'électronique». C'est
ce qui est qualifié de «problème de demandes non incompressibles ou
imprévisibles et parfois les deux à la fois». D'autant, disent les spécialistes
de la finance, qu' «on ne produit pas», ce qui complique davantage l'équation. Même
si «avec ça, les banques publiques donnent elles aussi de l'argent aux postes
en leur versant des ressources d'entreprises (excédents de trésorerie) et
d'autres d'épargnants», les liquidités restent toujours celles qui leur
manquent le plus.
500 milliards de dinars en attente d'investissements
Cette semaine, la sphère semble s'élargir et ce sont les banques
publiques qui se plaignent du même phénomène. «Essayez de venir tôt pour être
parmi les 10 premiers clients, comme ça, vous serez sûr d'être payé», dit un
guichetier à un employé d'une entreprise qui peine depuis quelques jours à
retirer sa paie. Pourtant, il n'est un secret pour personne que les banques
enferment un excès de liquidités qui cache mal un atroce manque d'imagination
de nos gouvernants. Il est fait état à ce sujet d'un pic enregistré à la fin de
l'année dernière dans le montant des ressources «toutes maturités confondues»
ramassées par les banques. Ces ressources, entre à terme et à vue, ou ce qui
est appelé stock de ressources amassé ont atteint facilement, selon nos sources,
les 500 milliards de dinars.
«Elles sont en augmentation
permanente même si l'évolution diminue quelques fois», nous dit-on. Il est
aussi observé un taux d'évolution de l'épargne de plus en plus fort. «La CNEP continue de recevoir
régulièrement l'épargne des ménages et les fonds d'entreprises.» Tout cet
argent, ce sont, expliquent des responsables d'établissements financiers
publics, «des ressources qui alimentent notamment les demandes de crédits qui
peuvent provenir de toutes les entités publiques et privées et à n'importe quel
moment, c'est-à-dire de l'économie visible et invisible, informelle». Il existe,
bien sûr, au niveau des banques, affirment-ils, de «l'argent en attente de
placements parce qu'on ne donne jamais toutes les ressources en crédit». Refusant
d'employer l'expression «l'argent qui dort», les spécialistes préfèrent le
désigner comme étant «un volant important que les banques doivent préserver
parce qu'à tout moment il y a des milliards qui peuvent être demandés». Ce sont
alors «des dizaines de millions de dinars qui permettent de répondre à tout
moment à des demandes de liquidités». Il est évident que pour réussir ce genre
de «transactions, il y a des réglages qui se font». L'on rappelle que si
l'Europe est tombée dans une crise financière sans précédent «c'est parce que
les banques ont pris trop d'engagements en crédits par rapport aux ressources
existantes». Pour plus de précision sur le cas national, il est fait état de
plus de 500 milliards de dinars qui «dorment dans les banques sans contrepartie
aucune».
Un manque flagrant de capacités d'absorption
Les cadres du ministère des Finances soulignent que «ces ressources sont
en attente au niveau des banques parce qu'il y un manque flagrant de capacités
de leur absorption par l'économie en crédits sains, c'est-à-dire par des
demandes solvables de crédits d'investissement ou d'exploitation avec un risque
de non remboursement des plus faibles». L'on rappelle en référence aux données
de la Banque
d'Algérie que cette absorption par l'économie était de l'ordre de 16% en 2010. «La
bonne gouvernance est celle qui fait au mieux, le maximum pour fructifier ces
ressources en attente, au moins ne pas les gaspiller, et c'est la foi la plus
faible», est-il commenté. Interrogés sur les raisons de ce manque «subit» de
liquidités au niveau des banques, nos interlocuteurs en restent étonnés. «Peut-être
parce que la fin de l'été est synonyme de toutes les dépenses particulièrement
cette année, mais sincèrement, nous n'avons pas de réponse.» Ils sont persuadés
cependant qu'il ne durera pas dans le temps comme c'est le cas au niveau des
postes.
Un retour sur la question des placements algériens à l'étranger leur fera
dire que «le niveau de couverture des réserves de change de l'Algérie est assez
appréciable, il assure la couverture des engagements du pays vis-à-vis de
l'étranger sur une période de quatre années». Ainsi, est-il expliqué, «plus il
y a une couverture importante plus on se permet de faire des placements dans
lesquels il y a un risque mais le rendement est élevé». L'on estime dans ce cas
que «le gain ne peut être vu que dans la pluriannualité
et non chaque année». Alors «on peut ne pas gagner mais on ne perd jamais». Les
bénéfices sont «petits», estime-t-on, «de l'ordre d'à peine 4% chaque année». Ce
qui donne sur 10 ans, 40%. Et là intervient d'autres explications : «si la même
somme placée était investie dans l'immobilier à raison d'un gain de 20% par an,
en 5 ans, nous aurons des bénéfices de 100% mais il peut y avoir des années où
on perd 20%, ce n'est pas grave, on aura toujours gagné sur le long terme.» Ces
calculs font dire aux cadres du ministère des Finances que «nous sommes une
singularité parce qu'on ne segmente pas nos ressources, on se contente de les
investir de la même façon quel que soit leur niveau». C'est, disent-ils, «comme
celui qui va à la mer et ne reste que sur la plage». Une grande frustration ! Il
est souligné que «la stratégie des placements dépend du niveau de couverture
des réserves du pays, plus il est important, plus il faut oser ! Ce n'est pas
le cas chez nous.»
«C'est une situation de non-gouvernance»
Les langues se délient et affirment qu' «on n'ose pas parce que nous
avons cette optique, celle de dire que c'est le bien de la collectivité, on n'a
pas le droit de perdre. C'est le fil conducteur dans une gestion extrêmement
sécuritaire». Ce qui mène droit vers l'aberration et l'absurde. «On n'optimisme
pas alors que l'optimisation de l'argent est le cÅ“ur de la gestion financière»,
disent nos sources. Des responsables d'établissements financiers pensent alors
que «le manque à gagner dans ce cas est déjà une perte pour le pays». Il est
reproché aux gouvernants de se complaire dans «le confort alors que le pays
possède de grands choix d'optimisation dans le pétrole par exemple». L'on
reconnaît que c'est loin d'être des choix techniques «mais ce sont des choix
éminemment politiques». Seulement, les décideurs préfèrent, indique-t-on, opter
«pour des choix tranquilles pour rester dans le risque zéro». C'est ce que les
spécialistes appellent «la non-gouvernance». L'option
«tranquille» consiste par exemple à pomper le plus de pétrole sans jamais oser
des placements à risque. «Nos placements actuels sont inférieurs au taux de
l'inflation (qui est un nivellement de la parité du pouvoir d'achat). On lance
sans conviction ni précision que l'Algérie aurait perdu depuis la crise aux
Etats-Unis près de 23 milliards de dollars. Mais l'on soutient plutôt que «nous
n'avons pas eu de rendements, l'argent n'a pas été fructifié, on a seulement évité
son érosion». «Il faut qu'on sorte de la gestion du risque, il faut segmenter
nos placements au tiers en valeur du trésor pour maintenir notre capital, au
tiers en placements dans des actifs peu rentables mais sûrs où on gagne peu et
au tiers dans l'immobilier et les groupes cotés sur la place mondiale où on
gagne beaucoup», est-il soutenu. A défaut, «les modes de placements choisis
sont une gestion de l'argent en bon père, oui mais non optimisé, il atteint des
seuils de stagnation sur des montants importants». La conclusion donne froid
dans le dos. «On est en train d'extraire des choses pour laisser aux
générations à venir une valeur qui n'est pas sauvegardée. C'est une affaire de
gouvernance non assumée !», disent nos experts et
cadres financiers.
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Posté Le : 03/09/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com