Algérie

Finance publique: Le dinar dans tous ses états !



«Le glissement du dinar n'est pas un mal en soi, il rapporte plus d'argent par la conversion des devises, mais non seulement il ne permet pas de relancer l'économie mais provoque forcément de l'inflation sur le marché», soulignent les experts de la finance.Ancien responsable d'une importante banque publique et plus tard d'une banque d'un des pays du Golfe dès son installation en Algérie, un de nos interlocuteurs pense que «la dévaluation du dinar n'est pas une fatalité en soi, ce n'est pas un mal mais il faudrait qu'elle s'inscrive dans un schéma global parce qu'elle n'est qu'un instrument parmi un ensemble d'autres, elle ne doit donc pas être utilisée toute seule».
Pour notre spécialiste de la finance, le dinar a perdu plus de 50% de sa valeur sur à peine quelques mois. «A chaque fois qu'elles ont besoin de ressources pour couvrir le déficit budgétaire ou la masse salariale, les autorités laissent le dinar perdre de sa valeur au cours de chaque transaction», nous explique-t-il. Il rappelle que «c'est la Banque d'Algérie qui cote le dinar par rapport à un panier de devises et vend les devises officiellement (rien à voir avec le square Port Saïd)». Elle décide, dit-il, que «quand on échange par exemple aujourd'hui un dinar à un euro, demain on l'achètera à un peu plus, un euro 20 et ça monte, c'est ça faire glisser la valeur du dinar». Ce glissement du dinar, les banquiers que nous avons contactés nous en expliquent l'utilité en notant qu' «une fois les recettes du pétrole converties en dinars, elles en donneront beaucoup plus que les dollars reçus, les autorités publiques ont ainsi plus d'argent, traduire les devises en dinar en le faisant glisser c'est faire rentrer beaucoup plus de dinars dans les comptes publics, ce qui permet de couvrir le déficit budgétaire et de payer les salaires sans faire appel à la planche à billets».
Mais, soulignent-ils, «le problème est quand on importe des marchandises de l'étranger, on paie plus cher parce qu'on change les dinars aux cours réels des devises, ce qui fait que le citoyen paie plus cher ce qu'il achète sur le marché, l'inflation est donc inévitable». Ils relèvent ainsi que «la valeur du dinar baisse mais celle des factures des importations est plus élevée et provoque forcément l'inflation et par conséquent la dégradation du pouvoir d'achat des citoyens ». C'est ce qu'ils qualifient de «cycle inflationniste infernal».
«L'Algérie n'a que le pétrole»
Et si les autorités recourent au glissement du dinar d'une manière récurrente c'est, indiquent nos sources, «parce qu'elles n'ont pas d'autres instruments en main pour relancer l'économie, c'est toujours une économie qui ne produit rien, aucune richesse, l'Algérie n'a que le pétrole qui représente encore et toujours 99% de ses ressources financières». Ils recommandent de «ne pas croire aux 5 milliards de dollars que le gouvernement se targue d'avoir engrangés par l'importation de produits agricoles frais, c'est faux, c'est à peine des bricoles».
Nos sources des milieux financiers affirment que «la mise en place d'un plan de relance et de développement de l'économie nationale n'a jamais été mise en ?uvre même s'il a été esquissé ici et là depuis des années». Et, relèvent-ils, « ce n'est pas avec les startups ou la finance islamique qu'on le fera». Nos sources insistent en notant que «le glissement est une décision qui ne vaut rien si elle ne rentre pas dans un cadre global, on ne peut utiliser un levier sans qu'on en utilise tous ceux nécessaires voire impératifs pour une relance effective de l'économie. Tant que les pouvoirs publics n'ont pas de vision claire, le pays traînera ses difficultés financières et les citoyens souffriront de l'inflation».
Interrogés sur l'utilité des changements annoncés récemment par le ministre des Finances à la tête des banques publiques, nos spécialistes de la finance affichent un sourire en lançant «ce n'est que du «make up», c'est un coup d'épée dans l'eau». Ils nous expliquent que «les autorités ont changé la configuration des postes de responsabilités au niveau des banques publiques en scindant le poste de Président-Directeur Général (PDG) en deux, un poste de Directeur Général (DG) et celui plus haut de Président du Conseil d'Administration (PCA)». Ils indiquent qu'«en divisant le poste de PDG en deux, les responsables des finances pensent que c'est la solution pour résoudre l'inefficience des banques publiques, et en définissant bien les rôles de chacun de leurs gestionnaires, ils pourront améliorer leur gouvernance, ce qui est complètement faux».
«C'est une ancienne formule qui n'a pas marché»
En tant qu'anciens responsables d'établissements financiers publics, certains de nos interlocuteurs tiennent à rappeler que «cette nouvelle restructuration n'est pas aussi nouvelle qu'on le pense, c'est une ancienne formule qu'on a empruntée au passé mais qui n'a pas marché, c'est un schéma qui a été mis en place en 1988, au temps où Mouloud Hamrouche était chef du gouvernement, où dans le cadre de l'autonomie des entreprises, le gouvernement avait décidé d'une direction bicéphale au niveau des établissements financiers, on a donc mis un PCA et un DG à la tête des banques et des assurances. Après à peine une année, on a vu que c'est un fiasco, on est revenu au poste de PDG». Ils sont convaincus que «si le schéma n'a apporté aucun changement positif, c'est parce qu'il n'y avait aucune règle de bonne gouvernance ni de développement de l'économie nationale(...)».
Nos interlocuteurs constatent «l'absence d'un modèle clair auquel il faut ajouter les frictions et les incompatibilités d'humeur qui surgissent inévitablement entre les deux responsables au sommet, c'est un peu ce qui s'est toujours passé entre un ministre et un ministre délégué, le premier n'a jamais laissé travailler librement le second, il faut qu'il commande tous ses gestes, le résultat d'une détérioration de tout un secteur est vite atteinte, s'il en est ainsi c'est parce que tous gèrent leur carrière et non des institutions de l'Etat». Ils estiment alors que «changer de structuration de gestion ne changera rien à la gouvernance et aux mauvaises habitudes, c'est exactement le cas de la question du marché informel, ou alors de la finance islamique qui elle aussi n'avait rien de nouveau parce que certaines des banques arabes installées en Algérie avaient ouvert une fenêtre «finance islamique» depuis longtemps en sachant pertinemment que c'est un simple habillage puisqu'au lieu d'appeler ça intérêt, on l'appelle mourabaha, ça devient du commerce et non pas de la banque».
D'ailleurs, font-ils remarquer, «c'est ce qui se passe depuis qu'elle a été «généralisée» il y a plus d'une année au niveau des banques publiques qui n'ont jamais fait le point sur la question, ses rentrées, ses clients, ses objectifs atteints ou pas». Leur conclusion «ce sont là des actions disparates qui n'apporteront jamais rien. Les politiques refusent de laisser les spécialistes réfléchir pour mettre en place un véritable plan de relance avec tout ce que cela comporte comme restrictions, changements profonds(...) où la compétence devra s'imposer comme premier critère pour assumer des responsabilités où être efficace et rendre compte deviennent la règle».


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