Algérie

Fin du Festival du cinéma arabe: Une grosse interrogation



Contre toutes les attentes, le jury du 3e Festival du cinéma arabe d'Oran n'a attribué aucune distinction au film égyptien «Doukane Chahhatta» (L'échoppe de Chahhatta) de Khaled Youssef. Pourtant, ce chef d'oeuvre du cinéma mondial, devancé par sa réputation avant son arrivée à Oran, a été pratiquement plébiscité par le public suite à sa projection dans l'après-midi de mercredi dernier.

 Le public, à qui certains récusent toute culture cinématographique, a suivi d'une manière religieuse la projection de ce film qui dure plus de deux heures et quart. Dès le retour de la lumière, le réalisateur et l'acteur l'accompagnant ont été littéralement assaillis par ce même public. Evidemment, ce film n'a pas été du goût de certaines personnes d'obédience islamiste. A l'exemple de cette jeune fille qui s'est présentée en qualité d'envoyée d'Allah pour mettre en garde Khaled Youssef. Mais tout le monde, notamment les cinéphiles présents, s'est accordé pour dire que «c'est un moment du cinéma égyptien et arabe».

 Khaled Youssef, considéré comme le digne héritier de Youssef Chahine, a su aligner des messages politiques forts derrière une captivante histoire d'amour dramatique où joue un rôle important la plantureuse Haïffaa Wahby. Sur le plan technique, Khaled Youssef, peut-être par fidélité à son maître Chahine, a volontairement opté pour le gros plan et partant pour le style du cinéma américain. La privation de distinction à ce film, primé dans des manifestations cinématographiques autrement plus prestigieuses que le festival d'Oran, encore à ses balbutiements, a été considérée par de nombreux observateurs comme un alignement sur les positions d'El-Azhar qui a condamné ce chef d'oeuvre. Tout laisse penser que des considérations autres ont pesé pour priver ce film du premier prix de ce festival. Encore sur ce plan, le commissaire du festival a déçu.

 Pour sauver la face, l'Ahaggar d'Or a été attribué à un autre film égyptien, «Khaltat Fouzia», où Ilham Chahine tient le rôle principal. Derrière le scandale d'avoir divulgué le palmarès du jury à des médias égyptiens avant son officialisation lors de la précédente édition de ce festival, cette star a versé carrément dans la provocation en déclarant à des journalistes : «Je suis à Oran sur invitation particulière des organisateurs, chez qui je tiens une place privilégiée». A comprendre par organisateur Hamraoui Habib Chawki. D'ailleurs, elle a obtenu le prix de la meilleure interprétation féminine dans ce festival.

 Ce même prix est revenu à Hassan Kechach, acteur algérien qui a interprété le rôle de Mostapha Ben Boulaïd du réalisateur Ahmed Rachdi.

 Le prix du meilleur scénario a été attribué au film syrien «Ayyam Eddajar» (Les jours de l'ennui) réalisé par Abdelhalim Abdellatif. L'autre film syrien, «Alleil Ettaouil» (La longue nuit), qui n'a pas laissé indifférent le public le plus averti, n'a obtenu aucune distinction. Son sujet, éminemment politique puisqu'il aborde la question de l'emprisonnement des opposants politiques et des ruptures avortées en Syrie après l'arrivée au pouvoir de Bachar El-Assad, n'a pas été du goût des membres du jury. Décidément, ce festival a tenu à éviter les sujets qui fâchent. Rappelons que ce film a obtenu, il y a à peine quelques semaines, une distinction à Rotterdam. Le prix d'encouragement spécial a été partagé entre le film tunisien «Cinecitta» d'Ibrahim Latif et le film palestinien «Le goût de sel de cette mer» d'Anne-Marie Jacir.

 Enfin, le prix de la meilleure réalisation a été attribué à Nourredine Lakhmari, cinéaste marocain qui a présenté «Casanegra». Le dernier à être programmé dans cette troisième édition, ce film a été suivi avec beaucoup d'intérêt par le public qui ignore tout du cinéma marocain, qu'on dit en plein boom. Privilégiant le réalisme et s'apparentant à un documentaire, ce film, sobre et sans prétentions, nous a permis une incursion dans l'univers des jeunes marginaux de Casablanca. Malgré les longueurs de certaines scènes, le film justifie la réputation qui l'a devancé.

 La Plume d'Or a été accordée l'Egyptien Adel Amine Omari.

 Concernant l'Ahaggar d'Or pour le court métrage, il est revenu à l'Algérienne Sabrina Draoui pour son film «Goulou li» (Dites-moi). Précisons que cette jeune réalisatrice a déjà obtenu en 2006 un prix pour la meilleure photographie dans une manifestation internationale à Rome.

 D'une manière globale, les distinctions décidées lors de cette édition du Festival du cinéma arabe ont déçu plus d'un.

 Elles ont confirmé le manque de professionnalisme de cette manifestation, versée plus vers les réjouissances des organisateurs et leurs hôtes que dans le but d'instaurer des normes saines de traditions culturelles.




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