Les annonces
répétées de la fin de la dépression et du retour, vers la fin de l'année, à la
croissance signifient elles pour autant que la crise est achevée ?
L'ambiance
optimiste qui s'était installée dans les médias avant, pendant et dans les
jours suivants la réunion du G20 à Pittsburgh semble, sinon s'estomper, du
moins se nuancer très nettement. L'injection massives de capitaux publics dans
les économies avancées a certainement permis de sauver les meubles mais
l'effort est il approprié pour envisager une réelle sortie de crise ? Ces
questions sont posées tant par des économistes que par des politiques qui
s'inquiètent de la mollesse de la reprise en perspective et de son faible
impact sur la réalité du plus grand nombre. De fait sur la base des données
statistiques, le PIB américain en particulier, la récession est terminée mais
nul ne constate la moindre amélioration sur le front de l'emploi. Le
gouvernement américain essuie des critiques de plus en plus violentes sur les
insuffisances et les déséquilibres qui caractérisent son approche générale de
la crise. Il est vrai que l'actuelle administration a hérité d'orientations
lourdes imposées par les priorités établies par le gouvernement ultralibéral
qui l'a précédé. L'effort gigantesque de soutien aux banques n'a pas été
accompagné d'une politique économique en faveur des autres acteurs et des
ménages. L'engagement en faveur des banques est sans commune mesure avec celui
consenti pour la relance.
Sauvetage bancaire
et chômage
Le coût agrégé
des diverses mesures de sauvetage bancaire et de relance de l'économie devrait
atteindre le montant de 23 700 milliards de dollars pour le contribuable
américain. Le chiffre pharamineux n'est pas le résultat d'un calcul partisan
mais ressort d'un rapport publié il ya quelques jours et signé par Neil
Barofsky, inspecteur général spécial du Trésor américain chargé du programme
TARP (Troubled Asset Relief Program) de consolidation des actifs douteux des
banques. Ce programme décidé par Henry Paulson, l'ancien secrétaire au trésor
de l'administration Bush et doté de 700 milliards de dollars ne représente
qu'une fraction des aides gouvernementales pour sauver le système bancaire de
l'effondrement. Ces aides comprennent notamment l'enveloppe de 6 800 milliards
de dollars concédées aux banques et à certaines grandes entreprises par la
banque centrale américaine, la Federal Reserve Bank. Cet effort titanesque qui
a incontestablement permis de maintenir à flot les banques américaines est
l'objet de critiques quant à ses conditions d'attributions et à l'usage qui en
fait. L'opacité et les manipulations financières permises par le déversement de
cette corne d'abondance suscitent de plus en plus l'indignation de l'opinion
publique. Le Trésor a du admettre que les dépassements constatés avaient
entrainés l'ouverture de 35 procédures criminelles ou civiles à divers titres.
Le mécontentement est d'autant plus profond que si l'Etat-providence qui a
magnifiquement fonctionné pour les banques - qui s'apprêtent à distribuer des
dizaines de milliards de dollars sous forme de bonus à leurs dirigeants -, est
aux abonnés absents quand il s'agit de soutenir les classes moyennes, catégorie
sociale la plus affectée par la dépression. Les déclarations rassurantes des
politiques et de certains économistes quant au retour imminent à la croissance
ne sont pas corroborées par les statistiques du chômage.
Pilote… et garçon
de café
Les chiffres
relatifs à la destruction d'emplois aux Etats-Unis semblent même s'aggraver de
mois en mois. 263.000 emplois ont été détruits au mois de septembre, après
201.000 en août. Un chiffre bien supérieur aux 175 000 prévu par les analystes.
La consommation des ménages recule et, phénomène nouveau, les américains ont
tendance à épargner. Le spectre de la pauvreté n'épargne aucun secteur. Dans
son film le plus récent, « Capitalism, a love story », le documentariste
Michael Moore montre ainsi que de nombreux pilotes des lignes intérieures
américaines sont réduits, pour nourrir leurs familles, à prendre un deuxième
emploi, comme garçon de café par exemple, ou de recourir aux bons
d'alimentation que le gouvernement accorde aux nécessiteux. La pression
continue sur les salaires et la faiblesse des mécanismes d'assurances chômage
se combinent à la dépréciation de leurs patrimoines, immobilier notamment. La
consommation continue donc d'être déprimée. Ce désendettement en cours
contribue à ralentir l'activité globale. La consommation compte pour près de
70% du PIB des Etats-Unis.
L'économie américaine, moteur de l'économie
mondiale, continue donc de corriger les effets de la crise financière
d'aout-septembre 2007. Paul Krugman prix Nobel d'économie et spécialiste du
commerce international, a ainsi déclaré au Wall Street Journal que la contraction
des échanges internationaux est plus importante à l'heure actuelle qu'elle ne
l'a été lors de la crise des années trente.
Un moteur au
ralenti
Ainsi, la
faiblesse de la reprise américaine impacte t elle le monde entier. Les
performances attendues des économies européennes ne sont guère meilleures.
Seules les bourses, dopées par les résultats financiers des banques et des
grandes entreprises stimulées à coups de fonds publics, sont florissantes. Or,
les déficits publics générés par les plans de sauvetage et de relance réduisent
notablement les marges de manÅ“uvre des gouvernements dans l'hypothèse d'un
glissement de la quasi-stagnation actuelle vers la récession. Les pays
émergents qui disposent de vastes réserves de croissance interne, comme la Chine
où le Brésil, tirent leur épingle du jeu. Le reste des pays en développement
est directement impacté par le ralentissement général et durable de l'activité
aggravé par la réduction des aides publiques au développement. Les satisfécits
auto-décernés à Pittsburgh par les dirigeants du groupe des sept pays les plus
riches sont oubliés. L'absence de décisions fortes et de volonté de
transformations d'un système financier global qui a montré ses limites incitent
à la prudence. La crise financière a été synchronisée à une échelle inédite,
les réponses de politique économique sont bien en deçà des défis. Si la
récession est peut-être terminée aux plans techniques et statistiques, la crise
est toujours d'actualité.
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Posté Le : 15/10/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : K Selim
Source : www.lequotidien-oran.com