Algérie

Fin de l’ère de la bibliothèque traditionnelle



Publié le 08.08.2024 dans le Quotidien l’Expression

On ne nait pas lecteur, on le devient! Face au bouleversement vertigineux de toutes les valeurs culturelles, technologiques et sociétales, comment peut-on sauver la vie d'une bibliothèque classique de lecture publique située dans un quartier d'une simple ville algérienne? C'est un défi!
Nous sommes, tous, conscients et convaincus de la chute flagrante que connaît le niveau de la lecture dans notre pays, au Maghreb et dans le Monde arabe. C'est une réalité culturelle dramatique et douloureuse. Ni les jeunes ni les vétérans ne lisent, ou très peu.
Le phénomène est historique et inévitable, le monde autour de nous, en nous, change, de plus en plus, change de rythme donc il faut que la bibliothèque change, elle aussi, sa philosophie et ses coutumes.
Pour sauver la vie d'une bibliothèque d'aujourd'hui, il faut d'abord commencer par le changement de la mentalité des responsables du livre. Ne peut sauver la vie d'une bibliothèque que celle ou celui qui aime le livre, qui aime la lecture, qui aime l'autre pensée et l'autre différent. Lire c'est défendre la démocratie et la liberté de choisir, la liberté du plaisir.
Le temps des rayons en bois ou en métal chargés ou bourrés de livres en plusieurs volumes reliés est révolu. La lecture d'aujourd'hui exige d'abord un bibliothécaire-chasseur du lecteur! C'est l'ère de la chasse des lecteurs! Et cette chasse culturelle demande un savoir-faire très particulier. On ne naît pas lecteur, on le devient!
L'écran n'est pas l'ennemi du livre classique et ne le sera jamais. C'est la consommation sous-développée de la technologie, chez nous, qui fait barrage à la lecture positive. Sous d'autres cieux les citoyens utilisent les smartphones et l'Internet, mais gardent leur relation d'amour et de plaisir avec la lecture du livre; lecture en papier ou en tablette quel que soit le support.
On ne défend pas le livre en papier, ce qui est important c'est de protéger et sauvegarder l'art de la lecture.
Pour sauvegarder la santé d'une bibliothèque, il faut créer autour d'elle une association; par exemple: «Les amis de la bibliothèque» ou «les amis du livre» ou «club de lecture». Ce dynamisme humain, culturel et social aide à attirer plus de lecteurs.
Il faut changer les horaires d'ouverture de la bibliothèque. La bibliothèque n'est pas une institution administrative, elle est culturelle et artistique. La bibliothèque doit être ouverte après les heures d'administration, c'est-à-dire de 17h à 20h voire 22h.
La bibliothèque est un service public, elle doit être soutenue par des spots publicitaires gratuits de la part de la télévision de l'État, en tant qu'institution de citoyenneté ou par le Centre National du Livre.
Il faut changer l'environnement social de la bibliothèque, en la dotant d'une cafétéria. La cafétéria est un espace de convivialité et une fenêtre sur le monde, une libération de l'image du lieu, d'un espace clos à un autre ouvert et accueillant.
La bibliothèque doit être un lieu nocturne, et pour cela il faut créer, par exemple, des activités spéciales et constantes, «les nuits de la bibliothèque», organisée une fois par mois, où les lecteurs et les élites peuvent se rencontrer dans une nuit consacrée à la poésie, au conte, au roman, au récit de voyage, autour d'une personnalité historique....
La bibliothèque c'est aussi pour écouter, de temps en temps, de la bonne musique classique, la musique de chambre, avec de la poésie. La musique est une lecture universelle de haute gamme.
Afin de sauvegarder la vie d'une bibliothèque, il faut multiplier les débats autour du livre, des débats libres et responsables. Inviter des écrivains nationaux et étrangers et ouvrir un dialogue entre eux et les lecteurs.
La bibliothèque doit avoir sa galerie d'art, avec des expositions de peinture, de photos, de caricatures en permanence. La peinture est l'amie et l'âme du livre. Afin de sauvegarder la vie de la bibliothèque, il faut jeter un pont entre le livre et le cinéma, ainsi la projection de films tirés des romans, suivie d'un débat, alimentera l'envie à la lecture. Le cinéma est un livre qui se lit en images. Avec les écoles, les collèges et les lycées, et sans tomber dans la pédagogie froide, conservatrice et carnavalesque, il est demandé à la bibliothèque d'oeuvrer pour la création d'un prix national de la lecture où le jury est constitué de jeunes lycéens issus de tous les établissements du pays. Le prix doit être respecté sur le plan financier et comme sur le plan organisationnel. Le temps des diplômes fantoches, qui ne servent à rien, offerts aux lauréats ou aux membres de jury est fini.
Une ville vit son temps par ses bibliothèques source d'imagination et de rêve. Une société qui ne rêve pas meurt en silence.
Amin Zaoui




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