Algérie

Figures de la révolution : qui était Matoub Lounes?



Figures de la révolution : qui était Matoub Lounes?


Vingt ans après la disparition de Lounès Matoub, la tombe du chanteur militant, dans son village de Taourit Moussa en Kabylie, continue d’être un véritable lieu de pèlerinage où des milliers de citoyens, qui n’ont pas oublié, devraient à nouveau se donner rendez-vous ce 25 juin. Cette année, c’est au tour de la ville de Vandœuvre-lès-Nancy d’inaugurer une rue Lounès Matoub, "auteur-compositeur-interprète et poète Kabyle (1956-1998)", entre l’avenue Jeanne d’Arc et l’allée de Fribourg. C’est enfin le conseil Municipal de Noisy-le-Sec (Région parisienne) qui a voté, le 16 juin, la dénomination du Square Pierre-Sémard en Lounés Matoub, "chanteur, musicien, auteur, compositeur, interprète et poète algérien d’expression kabyle, assassiné en 1998 pour avoir défendu la démocratie et la laïcité".

A la veille de cette commémoration en 2016, Nadia Matoub, veuve du chanteur assassiné en 1998 dans des circonstances pas encore élucidées, réclamait une nouvelle fois toute la vérité dans cette affaire. Elle a déposé une plainte, le 2 juin auprès du tribunal d’Alger, pour "assassinat de Lounès et tentative d’assassinat sur mes sœurs et moi, contre Hassan Hattab", actuellement en détention, qui "s’affirmait émir des GIA au moment des faits", lesquels GIA avaient revendiqué l’assassinat du chanteur. Elle ajoute avoir entrepris cette démarche sans "trop d’illusions sur la volonté des autorités de mener une enquête sérieuse et sans influence", mais avec l’espoir "de délier quelques langues et d’apporter des éléments qui nous rapprocheront de la vérité"

Lounès Matoub a été assassiné le 25 juin 1998, par un groupe armé dans des circonstances toujours pas élucidées, sur la route de son village près de Tizi Ouzou.
A sa mort, la Kabylie va connaître un ébranlement sans précédent, dont les effets se font toujours entendre.

Né en 1956 à Taourirt Moussa, l’artiste s’est d’abord fait connaître en animant des fêtes familiales, avant d’enregistrer son premier tube "Ayizem" (Le lion). Il séjourne ensuite à Paris, devenue le passage obligé de la chanson kabyle. Produit par Azwaw, le label créé par Idir, son album Ahya thilawin (Ah les femmes) connaît un énorme succès. Dès lors, Lounès Matoub va multiplier les enregistrements et les concerts, dans des salles comme dans des stades, devenant rapidement l’une des têtes d’affiche de la revendication culturelle berbère.

L’artiste militant, qui s’embarrassait peu de précautions oratoires pour clamer ses opinions, est grièvement blessé à un barrage de gendarmerie en 1988. Le 25 septembre 1994, il est victime d’un enlèvement attribué aux GIA. Sa libération au bout de deux semaines est consécutive à une impressionnante mobilisation populaire en Kabylie.

Chanteur, compositeur et parolier à succès, Lounès Matoub est l’auteur de plus d’une trentaine de disques et cassettes dans la tradition du chaâbi. À Paris, où il a régulièrement fait le plein au Palais des Congrès et au Zénith, il a publié Rebelle, un récit autobiographique paru en 1995. Malgré les risques encourus, il s’était résolu à rentrer en Algérie. Son assassinat a achevé d’en faire l’icône de la jeunesse de Kabylie.

"La wilaya d’Alger et le ministère de l’Intérieur refusent catégoriquement le déroulement de la journée culturelle en hommage à Lounès Matoub prévue le 24 juin 2014 à la salle Atlas", alors même que l’ONCI avait donné son accord pour la salle, a indiqué Bouzid Ichalalene, président de l’association Taghzout (coorganisatrice de la manifestation avec la Fondation Lounès Matoub), dans une déclaration rendue publique lundi 23. Avec des expositions, une conférence et un concert non stop qui devait notamment accueillir Ali Amran et Lounès Kheloui, la journée devait commémorer l’assassinat, le 25 juin 1998, du chanteur.

Le 15 juin 2013 à Montréal, de nombreux artistes de la scène kabyle ont rendu hommage à Lounès Matoub, quinze ans après la disparition de l’artiste. Cela a eu lieu au complexe sportif Marie-Victorin avec la participation, notamment, de Kamel Hamadi, Djamel Allam et Ali Ideflawen.

Pour rendre hommage au chanteur disparu, des expositions, concerts, récitals poétiques, représentations théâtrales et divers rassemblements et cérémonies ont été organisés en 2012 en Algérie, en France et au Canada. Dans une déclaration rendue publique à cette occasion, la Fondation Lounès Matoub, qui menaçait de saisir les instances internationales, a demandé une nouvelle fois la réouverture du dossier pour faire toute la vérité sur l’assassinat de Lounès, arguant toujours du fait que la procédure n’a, à ce jour, jamais permis ni d’étude balistique, ni de reconstitution des faits et encore moins d’audition des quelque 50 témoins qui figurent sur la liste remise aux autorités judiciaires par la Fondation.

Le 22 mars précédent, les conseillers municipaux de la ville d’Arcueil (Région parisienne) ont adopté les nouveaux noms des sept rues du Chaperon-Vert, un ensemble HLM dont les voies portaient des numéros. Les rues ont été baptisées des noms de Simone de Beauvoir, Andrée Chedid, Django Reinhardt et Lounès Matoub. La future crèche portera celui de Paul Éluard.

Le 26 juin 2011, la famille Matoub et des membres de la fondation qui porte le nom de l’artiste ont observé un sit-in devant la cour de justice de Tizi Ouzou qui a précédé la tenue d’une conférence - débat à la Maison de la culture de la ville en présence de Malika Matoub, sœur de l’artiste, ainsi que de représentants de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) et du Front des forces socialistes (FFS). "13 ans après l’assassinat de mon frère, dira Malika Matoub, le procès est resté au même point de départ. Nous avons demandé une enquête, une reconstitution des faits, une étude balistique et l’audition des 51 témoins et acteurs politiques de l’époque". Sans résultat. Rappelons que le procès qui devait s’ouvrir le 9 juillet 2008 avait été plusieurs fois reporté à une date indéterminée pour "complément d’information". Le procès a finalement été fixé au 18 juillet 2011, mais en l’absence des parties civiles. La sœur, la mère et la veuve du chanteur assassiné se sont retirées du procès pour ne pas cautionner une "parodie de justice" qui tend à juger deux accusés mais sans toucher au fond du dossier : à savoir faire toute la lumière sur l’assassinat de Lounès Matoub et ses commanditaires.
Après deux suspensions d’audience, les deux accusés pour lesquels le procureur avait requis la peine capitale ont été condamnés à 12 ans de prison ferme par le tribunal criminel près la cour de justice de Tizi Ouzou. En détention provisoire à la maison d’arrêt de la ville depuis plus de 11 ans, Malik Medjnoun et Abdelhakim Chenoui ont ensuite été libérés, puisqu’ils ont purgé la quasi totalité de leur peine.
Estimant que "l’affaire Matoub n’est toujours pas jugée" et revendiquant plus que jamais une enquête sérieuse, une reconstitution des faits et une expertise balistique, la famille du chanteur a décidé de déposer une deuxième plainte, contre X cette fois, pour qu’une nouvelle enquête soit ouverte. Les avocats des deux prévenus ont annoncé pour leur part un pourvoi en cassation auprès de la Cour suprême.

En forme d’hommage à la langue et à la culture berbères que Lounès Matoub s’est toujours efforcé de défendre et de préserver, le dixième anniversaire de sa disparition a été l’occasion d’une évocation amicale et fraternelle de l’artiste assassiné le 25 juin 1998, par un groupe armé dans des circonstances non encore élucidées, sur la route de son village près de Tizi Ouzou. A l’initiative de la Fondation Matoub Lounès et de nombre d’associations, des hommages lui ont été rendus un peu partout en Algérie et ailleurs. Outre des expositions, des conférences débats et l’inauguration de stèles et de fresques annoncées, ici et là, à Bejaïa, El Kseur, Sidi Aich, Draa El-Mizan, Azazga, Mekla, Tizi Rached, Tizi Ouzou ou Alger, la Maison de la Culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou a accueilli une journée d’étude consacrée à son œuvre poétique, une exposition, une pièce de théâtre, des projections et un concours de poésie. Il y a également été question de piratage de son oeuvre.
Le 25 juin 2008, dans son village de Taourirt-Moussa, un rassemblement a eu lieu avec prise de parole de sa famille, dépôt de gerbes de fleurs et waâda à sa mémoire.
Des hommages lui ont aussi été rendus en France, au Maroc, au Canada, en Grande Bretagne et en Australie. Paris a ainsi accueilli un rassemblement, avec diffusion de musique et projection sur grand écran d’images sur l’artiste. Après Saint Martin d’Hères, Vaulx en Velin, Aubervilliers et Pierrefitte, Bertrand Delanoë, le maire de Paris, devait baptiser une rue de la capitale française du nom de Lounès Matoub dans le 19è arrondissement. Celle-ci est située entre le boulevard MacDonald et la rue Emile Bollaert, en bordure du square Claude Bernard, dans un quartier en pleine restructuration. Ce devait être également le cas à Marseille et Nancy.

Le Festival Africolor 2015 de Saint-Denis consacre une soirée à Lounès Matoub, "chanteur politique et poétique, figure emblématique de la Kabylie". Pour ce concert en forme d’hommage qui aura lieu le 19 décembre, sur la scène du Centre culturel Jean Houdremont à la Courneuve, Idir sera l’invité d’Ali Amran.

Enregistré en 1999 et publié en 2001 chez ECM Records, l’album Le Ballet des prétendants du clarinettiste français Louis Sclavis comporte une composition intitulée "Hommage à Lounès Matoub" (17’). Le morceau était au programme du Louis Sclavis Quintette, lors du concert donné au La Villette Jazz Festival de juillet 2001.



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