Algérie

Fierté et repentance, vérité et reconnaissance, la place du pardon



Des mots. Tout un océan de sens. Tout dépend de quel côté de la rive l'on campe pour comprendre le droit des uns et l'opiniâtreté des autres. Rien à faire avec cette embrouille mémorielle. Rien ne semble aller de l'avant. Au moment où, avec bris de c?ur, un regain pour une certaine accalmie s'éclot, voilà que des phrases viennent porter en leur sein un autre combustible, paraissant anodin mais attisant le climat. Pourquoi opposer la fierté à la repentance ' Pourquoi joindre la vérité à la reconnaissance ' Quelle signification politique donner à ces intonations dans une dimension d'histoire que l'on voudrait commune ' Si l'on persiste à se confiner dans l'évasivité des mots et s'installer dans la négligence, il est préférable que chacun garde sa mémoire, son histoire. Car dans ce domaine-là, il n'y a pas de tri sélectif. Pas de demi-mots. Ni encore de la demi-mesure. C'est un pack entier, scellé et sacré tant pour l'un que pour l'autre. Cependant, c'est quoi la fierté si l'on n'ose pas dire la vérité et s'épancher à dire affronter son passé avec courage ' Il n'y a pas de fierté pour un viol territorial ni pour un massacre sans nom. Que le déshonneur officiel, l'anathème du sort. Quand des destins se croisent aux carrefours des sinuosités du temps et s'empêchent de poursuivre leur sentier en marquant une halte, c'est que le drame est immense. Voilà que des historiens commis d'office vont revisiter leurs leçons. Non pas sur leurs cahiers d'écoliers, ou apprises sur les bancs d'université, mais sur des registres, actes, procès-verbaux, perquisitions, rapports, des archives en somme. Ils vont pénétrer les arcades tacites et ténébreuses de ces tas de paperasse. Là, dans ce long silence, dans ce secret qui dérange, dans ces mémoires sanglées, l'on trouvera de quoi envenimer les choses ou les adoucir. La France a-t-elle oui ou non colonisé l'Algérie ' Et cette présence s'est-elle faite sur invitation, s'est-elle prolongée sur insistance ' Y a-t-il eu mort d'hommes ' L'Algérie meurtrie n'a-t-elle pas déclenché une révolution de libération et d'indépendance des plus éclatantes ' Pour rester ainsi zen. Cependant, lorsqu'on souhaite tourner sa tête vers l'avenir, faut pas l'encapuchonner et refuser de lever le regard, puis dire réfuter tout enfermement. S'assumer est déjà une libération de conscience. Loin de vouloir remuer davantage le couteau dans la plaie, le couteau n'est qu'une spatule servant justement à dévirusser la plaie. Ça fait encore mal, ça brûle un peu, puis c'est la cicatrisation chronologique. Faire de ce fait un travail de chirurgien et non de procureur. C'est dire aussi que la fierté ne doit pas se confronter à la dignité, sinon tout le monde perdra la part d'humanisme qui subsiste en lui. Et puis, cette vérité que l'on cherche, elle n'est pas si loin de nos ambitions si l'on retrouve, d'une part, le pardon dans la reconnaissance et l'acceptation dans la résilience. Le droit à tout apaisement est un impératif temporel pour cet avenir si radieux.


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