Est-ce que les
quinze mille personnes qui se sont agglutinées au Théâtre de verdure depuis 20h
de cette soirée du 4 juillet pour assister au concert de leur idole Khaled ont
été satisfaites ? Difficile à dire.
La difficulté de
se prononcer sur cette interrogation n'a rien à voir avec la qualité de la
prestation du «king».
Arrivé sur scène vers minuit, c'est-à-dire
avec un retard d'au moins deux heures, Khaled est apparu au summum de son
métier. Très à l'aise face à un public en ébullition, il a entamé son concert
le plus simplement du monde. Tout en lui laissait dégager l'artiste accompli, le
pro, le chanteur maître de sa voix et sentant sa musique par les pores de sa
peau. Arrivé à ce stade de maturité, Khaled n'est plus cheb
Khaled «fils du quartier Eckmühl». Il s'est installé sur une galaxie où ses
fans oranais, et peut-être algériens, ne peuvent plus l'atteindre. Musicalement
parlant en premier lieu. Charriant derrière une carrière internationale de plus
de trente ans, il se permet toutes les fantaisies, tous les mariages musicaux, toutes
les hérésies… Ce que les jeunes, dont l'oreille est
formatée à cause de la pauvreté artistique des milieux où ils vivent, ne
peuvent saisir.
Apparu sapé en star, simplement mais
élégamment, Khaled donne le ton à la soirée qu'il voulait offrir à son public. Une
grande composition musicale et une voix chaude qui passe allègrement d'un
registre vocal à un autre. Cette entrée en matière a quelque peu refroidi les
milliers de jeunes qui ont crié quelques moments auparavant «le peuple réclame
Khaled». Il a chanté des morceaux que le public s'est juste contenté d'écouter.
Sur scène, il est apparu épanoui et loin de toute angoisse.
Cette fois, ce sont ses gestes, ses pas de
danse, sa façon d'évoluer sur la scène en la dominant, qui ont fait vibrer les
foules. Notamment la gent féminine qui apparemment lui voue une adoration sans
pareille. Il faut dire qu'en raison de la grande affluence, il n'y avait
pratiquement pas d'espace où danser pour les jeunes. En groupes compacts, ces
derniers ont reproduit des scènes de stade. Captant les attentes du public, et
un artiste est reconnaissable aussi à ce niveau, Khaled décide de donner une
autre tournure à la soirée. Il annoncera «changeons d'ambiance». Mais
auparavant, il a chanté «Ya dbaïli
Zabana» en duo avec Blaoui El-Houari. Le cheikh est apparu fatigué, la voie éteinte. Mais
«son élève» a tout fait pour le ménager et par là même sauver la face.
Dans la seconde partie de son concert, Khaled,
pour satisfaire son public, a chanté certains de ses tubes mythiques. Notamment
«Ouahran Ouahran», mais en prenant toutes les
libertés d'interprétation. Pour mettre de l'entrain, il continuera avec la
version arabe de «Zite Rouite»
du chanteur Idir. Il interprétera aussi «La liberté».
Cependant, le public se sentant enfin en phase avec son idole, commence à
réclamer Aïcha. En échangeant des blagues et des
calembours avec certains, Khaled finira par satisfaire la demande de ses fans. Très
complice avec les membres de la troupe de ses musiciens, il laissera, à tour de
rôle, à chacun d'eux d'étaler son savoir-faire. Ainsi, le public a eu droit à
un morceau d'un duo du bendir et de la tablette, très
rythmé. Son guitariste n'a pas été en reste et s'est livré, sous l'Å“il
admiratif de Khaled, à un solo digne des rockers d'antan. Son organiste prenait
toutes les libertés, jusqu'à celle d'abandonner son instrument pour «les
claquettes» de gnawas, histoire de faire ressurgir la
dimension africaine dans la musique de Khaled.
Il est à préciser que Kouider
Berkane, l'ancien violoniste et complice de Khaled, a figuré dans l'orchestre. Mais
il était un peu effacé. Comparativement à ses anciennes productions à Oran, Khaled
a cette fois-ci montré qu'il était véritablement une
bête de scène. Il a dansé, il s'est livré à des mimiques, il s'est donné du
plaisir. Mais il a surtout montré que le spectre de ses inspirations musicales
s'élargit de plus en plus. Les connaisseurs ont dû relever ses clins d'Å“il au
blues, au rock et bien évidemment à la musique arabe orientale.
Dommage que ce concert ait été jalonné par
énormément d'incidents. Les forces de l'ordre ramenées des wilayas limitrophes,
à bout de nerfs parce qu'elles ne sont pas habituées à ce type de manifestation,
n'ont pas lésiné sur l'utilisation de la matraque. Mais il faut dire que le
public, qui était en état d'excitation extrême, ne guettait que le moment pour
investir l'espace réservé aux invités de marque. Or, parmi ses derniers
figuraient le wali, le P/APC et quelques députés.
Mais au-delà de ces considérations, le concert
de Khaled et ceux qui l'ont précédé ont montré la soif des citoyens pour des
manifestations artistiques et de détente. Autrement dit, à une véritable
industrie culturelle. Parce que le concert de Khaled a failli été capoté par
les failles de l'organisation et des improvisations.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 06/07/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ziad Salah
Source : www.lequotidien-oran.com