Algérie

Festival Off d'Avignon : L'inéluctable enfoncement dans la guerre



La guerre, la souffrance, la déchirure, la négation de l'humanité sont en nous, à notre corps défendant ! C'est le cri douloureux, mais urgent, d' Exécuteur 14. Pendant les réjouissances estivales, sous le tendre soleil avignonnais, la barbarie est dénoncée avec force. Avignon. De notre envoyé spécial Le dramaturge Adel Hakim, auteur d'Exécuteur 14, est né en Egypte, mais a vécu son adolescence à Beyrouth jusqu'à 19 ans. Depuis, il vit à Paris. La guerre civile qui ensanglanta le Liban lui inspira ce texte fort en 1991. La vision de l'horreur qu'il décrit est régulièrement jouée sur scène, comme cette année, encore, au Festival Off d'Avignon, grâce à la compagnie Nathalie Alexandre qui en a assuré la réalisation. Elle explique avoir été « happée tant par la force du propos que par celle de l'écriture d'Adel Hakim. Quant au fond, à moins d'être sourd, aveugle et lâche, il me semble impossible de ne pas être touché. L'histoire de ce jeune homme ordinaire, soudain plongé dans la guerre, et aspiré malgré lui jusqu'à en devenir un des bras armés, vengeur et sanguinaire et qui tente de lutter contre sa propre barbarie, invite à s'interroger sur la pertinence de la violence. Aujourd'hui, comme hier et comme demain, il me paraît urgent d'ausculter, puis de condamner les mécanismes de la terreur et non moins urgent de chercher tous ensemble, auteurs, lecteurs, acteurs, auditeurs et spectateurs les moyens d'une plus grande tolérance ».Voilà bien une immense ambition pour une simple création théâtrale qui émeut et bouleverse. Cela serait sans compter sur la finesse de l'adaptation. A la base du récit d'Adel Hakim, il n'y a qu'un seul personnage qui, en un monologue désabusé, se remémore l'enfoncement dans la guerre. En Algérie, dans les années noires, qui ne s'est pas posé la question de l'origine de la haine ' Comment tout commence et s'aggrave jusqu'à l'inextricable ' « On vivait tranquilles jusqu'au jour où j'ai compris que tout avait changé », dit le personnage qui évoque le temps proche et lointain de la paix. L'amour perdu revient avec intensité, notamment dans ce passage : « Jusqu'au coup de clachinque à la fin. Enfin ! Adieu, petite amie, adieu ! Alors il ne restait que la lutte, celle qui fait mal là-dedans ». Cette femme victime, comme beaucoup de femmes dans beaucoup de conflits, femmes violées, tuées, offertes en victimes expiatoires, a donné à la metteure en scène l'idée d'un deuxième personnage : une danseuse, Léa Fabre : « Sa présence ne pouvait se résumer à quelques intermèdes classiques, destinés à détendre l'atmosphère, seule une réelle nécessité dramaturgique devait justifier des passages chorégraphiés. Il s'est avéré que cette présence féminine incarnait la jeune fiancée abattue, tantôt vivante, tantôt fantôme, cadavre qui tel un pantin resurgi des malles de l'enfance, écoute, répond, endosse plusieurs rôles pour jouer avec son camarade ».Au-delà de la particularité de chaque conflit, Exécuteur 14 est un catalyseur de réflexion. Le comédien Joël Bescond, qui porte l'amer déchirement sur les planches, se pose des questions pertinentes sur la « continuité humaine de la barbarie à la paix. Qu'en est-il du bourreau ' Est-il humain, alors lui-aussi ' Ne sommes-nous pas tous des bourreaux et des victimes en puissance ' ». Cruelles interrogations qui allument des éclairs dans la tête de tous ceux qui ont souffert de l'ignominie. L'acteur voit cependant dans ce texte « une lueur d'espoir et la possibilité d'une reconstruction ». On veut bien y croire, quand même !  Plus d'infos : compagnie.nathalie.alexandre@wanadoo.fr


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