Algérie

Festival Off d'Avignon



Festival Off d'Avignon
Le souvenir d'Isabelle Eberhardt reste toujours actuel. Emportée par un oued en crue à Aïn Sefra, elle avait littéralement épousé l'Algérie.Au départ, pour Aurélie Namur, qui a créé la pièce Isabelle 100 visages, consacrée à l'aventurière Isabelle Eberhardt, il y a la bibliothèque familiale. Petite, elle regardait les livres et la carte d'Algérie qui la faisait rêver : «Ma mère était assez féministe et éprise de voyages. Je regardais et refaisait le parcours d'Isabelle, cela me fascinait qu'elle soit morte entraînée par un oued. Cela avait un aspect romantique, fascinant. Elle était pour moi un personnage de légende, une icône.» Plus tard, devenue grande, on retrouve Aurélie Namur auteure et comédienne.Touchée par les discours qui montrent du doigt l'islam et font l'amalgame entre musulmans et djihadistes, elle désirait apporter un regard, théâtral, qui apporte un apaisement. Plusieurs pistes s'ouvrent devant elle, jusqu'au jour où elle se rappelle ce personnage de son enfance : Isabelle Eberhardt, Européenne du début du XXe siècle, journaliste d'investigation, voyageuse ayant décidé de s'installer en Algérie, véritable nomade ne faisant plus qu'un avec le peuple d'Algérie et sa religion. Aurélie Namur explique à El Watan qu'elle lui est apparue comme «une femme à la fois rebelle et mystique, en avance sur son temps, qui étonne jusqu'à aujourd'hui et je me suis rendu compte qu'elle n'était pas si connue que ça».De lecture en lecture, de réflexion en réflexion, après avoir intériorisé sa démarche et mis ses pas dans ceux d'Isabelle, elle découvre «une femme éprise avant tout de liberté, une femme qui pense à l'identité féminine, c'est pourquoi j'ai appelé ma pièce Isabelle 100 visages. Elle se fondait dans les langues, dans les rôles, pour être au plus proche du petit peuple. Elle voulait lui donner la parole. Une femme au destin et à la force de conviction fascinante».Isabelle Eberhardt était une descendante de l'aristocratie russe, élevée en Suisse par un précepteur qui lui apprend l'allemand, l'italien, le français et l'arabe... «Parler les langues, ça chasse les malédictions», clame-t-elle dans la pièce. Elle s'habille en homme, signe ses premiers papiers par plus de dix pseudonymes. Le rêve d'Aurélie Namur, après Avignon et quelques dates en France, est de jouer en Algérie.«C'était notre rêve dès le départ de le jouer dans les deux pays et même d'inviter quelqu'un d'Algérie pour jouer avec nous quand on joue ici et vice versa, car cette femme est tellement un trait d'union entre l'orient et l'occident, entre la France et l'Algérie. Pour construire ça, il faut avoir les épaules solides. Notre rêve était de créer une équipe algéro-française et on a commencé à chercher une autre structure enAlgérie ; on a eu des contacts, mais dans l'immédiat cela n'a pas été possible».A Aïn Sefra, Aurélie Namur a été reçue par la confrérie qadiria, là où Isabelle Eberhardt avait fait se premiers pas dans l'islam soufi : «Leur humanisme et leur savoir m'ont marquée», dit-elle, se souvenant du destin peu commun de cette femme : «J'ai écrit ce texte sous l'angle d'une certaine malédiction. Plus cette femme devenait une ruine physique, plus elle s'approchait de son idéal. Elle lâchait tous les oripeaux de la vie. Un double trajet, plus elle s'appauvrit, et plus elle s'amenuise, plus elle atteint sa lumière. On est dans la veine soufie et en même temps c'est tragique».A présent, Aurélie Namur se fixe un objectif, se faire entendre : «Par les temps qui courent, on préfère entendre un discours qui dit qu'il est difficile d'être une femme musulmane émancipée, c'est le discours qu'on préfère. Avec Isabelle, ce thème positif d'une femme qui embrasse l'islam, dans une tradition laïque, c'est un peu plus compliqué». Raison de plus pour l'aider ici à passer le mur de l'indifférence.




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