Algérie

Festival off d'Avignon


Festival off d'Avignon
Les confessions de jeunes appelés valent toujours leur part d'émotion. Un texte monté à Avignon par Pierre-Philippe Devaux apporte un regard franc et honnête.Que dire de plus aujourd'hui sur la guerre des Français en Algérie, presque soixante ans après le premier coup de feu de la lutte de Libération nationale en novembre 1954 ' Pourquoi aller voir Je n'avais jamais vu la mer de Pierre-Philippe Devaux ' Pour le titre poétique ' Peut-être, mais avec le désir d'être surpris. A l'issue du spectacle donné dans l'espace Saint-Martial, l'auteur et comédien nous assure s'être recentré sur l'histoire de son père, «parce que je la trouvais forte. Il l'a toujours racontée avec paradoxalement surtout les anecdotes drôles.Il y a quelques années, je l'avais interviewé pour garder en mémoire tout ça, mais je ne savais pas alors ce que j'allais en faire.» Pour confronter avec l'histoire qui fut celle de milliers de familles déchirées, il a plongé dans les deux cents lettres que son père a écrites, et les centaines qu'il a reçues durant cette période de son engagement : «C'est là que je me suis interrogé si je devais aller plus loin que cette histoire paternelle pour parler de ce que les soldats français ont ressenti et vécu.Deux millions d'appelés, ce n'est pas rien.» Cela fait deux millions de sentiments et de ressentiments pour ceux qui en sont revenus. Face à une telle force émotionnelle, il a choisi la distance en gardant une intensité dans le récit. Les contacts que Je n'avais jamais vu la mer l'ont amené à avoir à Avignon le confortent : «J'ai eu quelques appelés dans le public. Ils sont contents qu'on parle de leur ressenti. Le plus dur pour un jeune soldat de l'époque est de parler de ce qui l'a touché au plus profond.J'essaie à travers ma sensibilité artistique de le retranscrire.» Devaux réussit à prendre un certain recul, contournant ce qui pourrait être sanguinolent et désespérant : «La guerre était suffisamment dure pour ne pas en rajouter. On a essayé d'aller dans la sobriété. Le thème est profond, très fort, il se suffit à lui-même.» Cette distanciation est aussi vraie pour ce qui touche à la sauvagerie et l'inhumanité de la guerre, et notamment les faits de tortures, avérés dès 1957.Les appelés veulent s'en tenir à l'écart, même s'ils savaient. «J'ai usé de métaphores pour parler de la torture, un drame auquel mon père n'a pas participé, comme du reste beaucoup d'appelés. J'ai voulu utiliser la métaphore pour dire, pour qu'on sache ce qui s'est passé, que cela illustre assez ce que ressentaient les soldats à cette époque.»«On ne pouvait pas leur dire la meurtrissure»Les soldats ont généralement tu la dureté et la honte d'une guerre injuste, soit lors de leur permission en France, soit plus tard lors de leur libération : «J'ai voulu montrer ce côté décalé. En France, la guerre ce n'est que les ??événements''. Que pouvaient-ils dire, ces jeunes soldats ' Je replace dans la bouche de mon père cette phrase, ??On ne pouvait pas se comprendre, on ne pouvait pas leur dire tout le drame de cette guerre et sa meurtrissure''. Il rentrait comme s'il revenait d'un service militaire ordinaire et qu'il passait à autre chose, simplement.»Sauf que certains ont pris le taureau par les cornes et ont dénoncé à leur manière l'injustice de cette guerre faite malgré eux.Pierre-Philippe Devaux cite particulièrement ceux qui abandonnent leur pension à des ?uvres de solidarité en Algérie : «Il y en a qui n'en parlent pas, et d'autres qui agissent.» Pour le comédien, «lorsque les gens sortent de la salle de spectacle, il faudrait qu'ils posent des mots sur ce qu'on n'arrive pas à dire et, pour les jeunes générations, qu'elles n'oublient pas cette guerre dont on ne parle pas assez dans les livres d'histoire.»


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