Algérie

FESTIVAL INTERNATIONAL DU THÉÂTRE À BÉJAÏA L'éternelle quête de liberté



FESTIVAL INTERNATIONAL DU THÉÂTRE À BÉJAÏA L'éternelle quête de liberté
Deux pièces de théâtre à la thématique si proche mais déclinées de façon différente, ont été présentées vendredi devant un public acquis à cette noble cause.
L'une irakienne et l'autre tunisienne ont été présentées vendredi dernier dans le cadre du Festival international d'Alger. D'abord, à la Maison de la culture Taos-Amrouche. La petite salle affiche complet. Ana fi dalmati abbhat est le nom de cette pièce mise en scène par Awatef Naïf. La scène est couverte de fichus blancs, accrochés çà et là et deux tambours. Une vidéo diffuse des images à la gloire du pays de la civilisation irakienne qui remonte au IVe millénaire av. J.-C.
Apparaît un homme, les yeux maquillés de noir. Il prend dans sa main un def. Surgit une dame voilée en noir puis un soldat au regard hagard qui arpente la scène. Pas un mot. «Je cherche» dit cet homme charismatique qui semble être la conscience du peuple irakien.
Toute cette pièce de 45 mn s'articule autour de ce porte-parole de toute nation déchiquetée et perdue.
Une sorte de goual au coffre limpide criant à la face du monde entier sa quête. Mais que cherche-t-il? «Et vous, vous faites quoi? Vous me regardez sans broncher, vous regardez quoi? N'avez-vous jamais vu quelqu'un qui cherche? Opportunistes! Et vous, n'avez -vous rien à chercher? Vous ne cherchez rien, ah bon!», scande-t-il. Le soldat entre en trébuchant, la dame en noir entre sur scène par les escaliers d'en bas en se mettant par terre. Elle s'agenouille à côté du goual puis pleure. Celui-ci se lance dans une complainte lancinante.

«Qui suis-je?»
Le goual continue à chercher. Il s'emmêle les pinceaux, ses mots deviennent confusion. Non je ne suis pas un taureau, non plus un âne!», dit-il plus loin. Ses deux acolytes finissent par faire rejaillir leur colère, leur peine, leur désespoir. Et de crier. Ils courent dans tous les sens comme s'ils se cachent d'un quelconque bombardement.
L'homme se dit libre. «Libre de tout. Je suis la liberté incarnée, car je ne possède rien, pas même de l'argent, encore moins des papiers...» Puis il perd la mémoire. Il jette la faute sur les autres. Sur nous. «Mon échine est courbée. Mais que suis-je en train de chercher? Je pleure sur ce que j'ai perdu, celui qui m'a abandonné. J'ai perdu la tête à cause de vous. Vous les observateurs, les analystes. Mais bougez. Dites, quelle est ma quête?» L'homme se triture les méninges, après maintes hésitations, il semble avoir retrouvé la mémoire.
«Je me cherchais! avant qu'on se perde, qu'on se transforme en un spectre blanc, une page effacée...» Belle pièce qui n'a de cesse de nous assener des leçons sur la vilenie du monde dans lequel on vit, sur la lâcheté des uns et l'indifférence des autres. «ça parle de la quête de l'être, de faon indirecte. L'être veut dire, la situation, le temps, la catastrophe, ce qui nous est arrivé. Le théâtre présente des messages indirects. Il se base sur l'esthétique dans l'expression de ce que nous subissons, sur le plan individuel, des pays, le théâtre est un art mondial, mais n'appartient à aucun pays», nous indiquera ce comédien invité à venir en Algérie où il s'est produit maintes fois.
Et d'expliquer: «Cette femme est une partie de la mort, de la peine, tout comme ce soldat, des signes aux colonisations, aux destructions, sans entrer dans le détail. Ce que je porte est un habit qui appartient en partie aux Sumériens, relève une partie du théâtre, un peu du confort, cette personnalité est particulière, elle exprime les peurs, les appréhensions et les espoirs de l'être humain», nous a confié à la fin de la prestation le comédien Aziz Kheyoun.
Le soir, le théâtre régional de Béjaïa donnait à voir une pièce qui semble de prime abord aborder un registre complètement différent. Et pour cause! Se réunissent sur scène après leur mort, tous les grands auteurs classiques français.
Trois auteurs confirmés Marivaux, Beaumarchais, Hugo, un poète qui s'est essayé à l'art dramatique, Apollinaire et une romancière qui a eu aussi la tentation du théâtre et qui a fréquenté des auteurs dramatiques, George Sand et un peintre (Van Gogh).
Tout semble se dérouler le plus normalement du monde. Nos auteurs, sous l'initiative de Hugo, organisent un salon littéraire où chacun d'eux tente de présenter une scène tirée de son oeuvre mais en y tenant le premier rôle: les prestations donnent lieu à des commentaires entre éloges et diatribes sous-tendues par la rivalité Beaumarchais/Marivaux jusqu'au moment où les valets de leurs drames et comédies envahissent la place et jouent la comédie à leurs maîtres avant d'annoncer leur révolte.

Printemps arabe sur les planches
Nos auteurs se meuvent au ciel. Un soleil orange qui fait penser au poème d'Apollinaire, «La terre est une orange» est accroché là-haut... La pièce distille des messages clairs avant de passer à sa principale raison d'être. On y évoque au départ l'engagement du poète et l'impertinence du critique théâtral. Puis vient le temps des querelles et des conflits Mais que se passera-t-il si les personnages de ces romans se rebiffent contre leurs auteurs, considérés comme leurs «maîtres»? Arlequin, le Barbier de Séville, Ruy Blas, Jean Valjean, tous veulent réécrire l'histoire et devenir ainsi réalité.
«Mes personnages mijotent dans mes romans», fait remarquer George Sand. «C'est bientôt la révolution!» «Fini la comédie! Fini le temps des auteurs», crie Jean Valjean. Et Hugo qui n'a cessé de protester, de crier à son tour devant ce fait ridicule estimant que la fin de la liberté d'expression approche. Les personnages demandent «réparation». Mais non, rien n'est joué. On y ramène un manifeste qu'on lit devant nos auteurs hébétés.
Le premier article y figurant stipule que les personnages refusent que leurs maîtres aient droit sur leur vie et leur mort, car ils veulent vivre! Et puis, ils se doivent surtout de respecter le public. Les comédiens sont habillés en tenues d'époque et le visage grimé en blanc, s'exprimant en langue française avec quelque passage en langue arabe. Cette pièce est une sorte de bouffonnerie à la sauce moderne. Belle symploque des peuples arabes qui se sont soulevés récemment contre leurs dictateurs.
«C'est une métaphore par laquelle j'ai voulu exprimer la lutte des classes, en même temps l'idée du départ était de faire une farce, une farce sérieuse, j'ai choisi la métaphore de auteur/personnage un peu dans l'esprit pirandélien, de Pirandello.
C'est l'un des premiers auteurs à avoir pratiquement à l'époque moderne essayé de faire parler les personnages en insistant sur les conflits qui peuvent naître entre auteurs et personnages.
Les personnages, là, se rebiffent contre la dictature des auteurs qui font d'eux ce qu'ils veulent et à travers leurs romans», nous confiera Hafed Djedidi, le metteur en scène qui joue aussi le rôle d'Apollinaire. Et de souligner: «J'ai voulu faire un clin d'oeil à la réalité tunisienne. Il y a des allusions. Ce texte-là était préparé avant la révolution. Après, je l'ai repris, je l'ai réécrit en arabe dialectal tunisien et j'ai fait des injections pour que ce soit réellement un texte qui parle de la conjoncture que vivent actuellement les Tunisiens.»


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