De plus en plus
de voix oranaises se font entendre pour réclamer la restitution à leur ville, d'une
manifestation les excluant honteusement et demeurée toujours corps étranger. Une
démarche est en gestation.
En effet, à
mi-chemin de sa clôture, le Festival du cinéma arabe d'Oran dévoile un
caractère de plus en plus contesté. Usant d'une formule, un observateur le
qualifie de festival à trois collèges : le premier est celui des Palaces; le
second est celui dont l'insigne privilège se limite à l'exemption de
s'acquitter de son ticket d'entrée pour pouvoir voir des films et, enfin, le
collège digne de l'ère de l'indigénat qui assiste à des projections à même le
sol sur des aires de jeu pour enfants. Uniquement l'appellation emprunte à
l'espace (c'est-à-dire Oran) réunit ces trois mondes. Les invités de marque,
notamment les stars, sont cantonnés entre l'hôtel et la salle de cinéma
Es-Saada, où le premier étage de cette salle leur est spécialement réservé.
Nombreux sont ceux qui se déclarent frustrés de ne pas pouvoir approcher une
vedette dont on est fan pour décrocher juste un autographe ou une photo
souvenir. D'autres, plus exigents, estiment que l'essentiel des invités, dont
certains ramenés à bord d'un avion spécial, sont à Oran exclusivement pour
villégiature. D'ailleurs, on relève la présence de plus d'actrices que de
réalisateurs. On remarque aussi qu'au bout de quelques jours, des invités,
après un séjour de détente, ont préféré rejoindre leur pays pour achever des
réalisations en cours. On se doute que les soirées qu'offre Hamraoui Habib
Chaouki, le commissaire de ce festival, à ses hôtes ont débouché sur des
projets de partenariat pouvant avoir des retombées sur le cinéma algérien.
Côté cour, à la salle Es-Saada où se déroule
effectivement le festival, on note des défaillances de plus en plus nombreuses
au niveau de l'organisation. Au moment où la foule, alertée notamment par les
embouteillages et les désagréments que provoquent la venue et l'arrivée des
invités à la salle de projection, ose franchir le seuil de ce cinéma. Dans
l'après-midi d'avant-hier, lors de la projection du film « Mostapha Ben Boulaid
» d'Ahmed Rachdi, les organisateurs ont carrément fermé les portes alors que
les places ne manquaient pas à l'intérieur de la salle. De nombreux cinéphiles,
dont certains venus de l'étranger spécialement pour cette manifestation, se
plaignent de plus en plus des déprogrammations et programmations de dernière
seconde. Ils ont, en outre, relevé l'absence totale d'un interlocuteur pouvant
les éclairer. Tout le staff, ramené d'ailleurs, est mobilisé au service des
hôtes étrangers. Les débats agrémentant chaque projection ont disparu sans la
moindre explication. A trois jours du baisser de rideau, le festival apparaît
souffrant d'une direction effective. L'apparition du commissaire du festival à
la salle de projection n'a pas rétabli les choses. Pourtant, ces mêmes cinéphiles
reconnaissent la qualité thématique et esthétique de l'essentiel des films au
programme. On estime qu'ils illustrent bien les nouvelles tendances du cinéma
arabe. « Al leil Attaouil » du Syrien Hatem Ali a suscité plus d'une
interrogation chez ceux qui l'ont vu. Sa manière d'ouvrir le plus large champ
aux lectures de son film a énormément séduit. D'autre part, son traitement du
passé récent de son pays a été jugé extrêmement intelligent. La libération de
trois des quatre détenus politiques partageant la même cellule a permis à ce
passé de resurgir au niveau des familles et, au-delà, de toute la société.
Hatem Ali a volontairement évité le traitement frontal et direct et a
privilégié le recours à la symbolique. L'absence de prétention du film, qui a
ramassé plusieurs distinctions, dont la dernière en Hollande il y a à peine
quelques semaines, dénote la perception qu'a le réalisateur de son public. Le
film « Anniversaire de Leila » du Palestinien Rachid Mashharawi, membre du jury
de ce festival, est de la même veine. Une journée de travail d'un chauffeur de
taxi à Ramallah a servi au réalisateur de stratagème pour poser certains
problèmes de la société palestinienne. Sur le plan esthétique, le réalisateur a
beaucoup forcé sur la pollution sonore pour signifier l'enfermement imposé aux
Palestiniens par Israël. Sinon, de l'occupant on ne voit qu'un check-point et
une seule fois. A comprendre que la libération du territoire spolié passe
inéluctablement par le règlement des problèmes de l'individu. A travers une galerie
de personnages iconoclastes les uns que les autres, le réalisateur a posé le
problème de l'individu et surtout d'un nouveau contrat social autre que le
consensus autour de la cause nationale. Excédé par la difficulté de communiquer
avec autrui, notamment celles et ceux qui sollicitent ses services, le
chauffeur s'empare d'un agrandisseur de son et commence à organiser la
circulation. A la fin, il s'adresse à un avion israélien survolant l'espace
aérien en criant « nous savons que vous disposez d'une impressionnante armada.
Mais, nous, nous voulons juste vivre simplement et surtout en paix ». Sublime
revendication de la paix. Apparemment absent, le caractère foncièrement
politique de ce film se dégage tout naturellement au grand jour. C'est l'une
des prouesses d'un certain cinéma arabe donné à voir lors de ce festival. Ce
film a lui aussi collectionné distinction sur distinction dans les festivals
internationaux.
Mais, jusqu'ici, la grosse production
projetée est indéniablement « Mostapha Ben Boulaid » d'Ahmed Rachdi. Soulignons
qu'initialement, il ne figurait pas au programme et qu'il y a été incorporé
deux jours avant l'ouverture de la manifestation. Des moyens financiers
colossaux lui ont été alloués. En plus de l'apport de certains concours des institutions
de la République : l'armée lui a fourni ses plus récents hélicoptères. Sur le
plan technique, le film se défend à merveille. La qualité des images est
irréprochable. Mais, déstructuré sur le plan chronologique et historique, il
risque de provoquer des polémiques.
D'un autre côté,
la longueur de certaines séquences, notamment de la préparation de la fuite de
Si Mostapha et ses co-détenus de la prison El-Koudia, a ennuyé pas mal de
spectateurs. Mais il faut reconnaître que le film, en raison de son sujet très
sensible, a été très bien reçu par le public. A tel point que l'acteur
principal, et non le réalisateur pourtant présent sur place, a été ovationné et
soulevé par la foule. Pour certains critiques, le film de Rachdi nous a ramenés
aux cinémas des années 70, alors les cinémas arabes explorent d'autres
problématiques plus modernes et avec des moyens moins conséquents. A
débattre...
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Posté Le : 29/07/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ziad Salah
Source : www.lequotidien-oran.com