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Festival de Toronto : Portrait de femme en Birmanie



Festival de Toronto : Portrait de femme en Birmanie
Toronto (Canada)
De notre envoyé spécial Il était en revanche urgent de ne pas rater de grands films d’auteurs faits à la perfection. Car rien de moins académique et de plus passionnant que le film de Luc Besson The Lady qui fait le portrait de cette femme hors du commun, cette militante symbole de la liberté : la Birmane Aung San Suu Ki. Et dans le même programme, rien ne peut égaler la beauté incroyable de l’œuvre du grand cinéaste italien Ermanno Olmi : Il Villagio Di Cartone (le village de carton), un récit qui évoque l’Arche de Noé d’Afrique... The Lady est le plus beau film de Luc Besson jusqu’à ce jour. C’est une très grosse production de sa propre société Europa Corp. D’énormes moyens ont été mis à contribution dans le tournage en Thaïlande et en Birmanie, dans des décors naturels grandioses, superbes, des plongées dans des villes, des paysages et des jungles d’Asie. Avec l’extraordinaire actrice chinoise de Malaisie Michelle Yeoh, dans le rôle de Suu Ki. Pourtant, Luc Besson n’a pas fréquenté l’école du cinéma politique. Il a fait des thrillers qui ont rapporté beaucoup d’argent. Mais The Lady est définitivement un grand film politique. C’est le portrait d’une femme seule contre tous. En 145 minutes, le film fait la chronologie des espoirs et des souffrances de Suu Ki. Très jeune, elle a vu, sous ses yeux, son père être assassiné. C’était un grand militant pour l’indépendance de la Birmanie. Il était l’un des fondateurs du parti communiste birman. Il a été liquidé par les services secrets anglais, avec la caution américaine. La guerre froide a causé l’assassinat d’un nombre considérable de militants anti-impérialistes. The Lady commence en 1988. Suu Ki vivait alors, depuis plusieurs années, à Oxford, en Angleterre, près de son mari anglais, professeur d’histoire, et de ses deux enfants. Elle reçoit un jour un appel de Rangun, on lui apprend que sa mère est très souffrante. Elle part aussitôt pour la Birmanie et se retrouve en plein coup d’Etat militaire. Le peuple est dans la rue. Il demande des réformes et brandit des slogans contre la junte. La repression est féroce. Dans la foulée, de multiples voix démocratiques demandent à Suu Ki de rester en Birmanie et de prendre la tête du nouveau parti, le NLD, (National League For Democracy). Elle réfléchit, elle sait que son père a laissé un grand souvenir au sein du peuple birman et malgré les virulents obstacles des généraux qui veulent la forcer à quitter le pays, elle reste et s’engage dans la lutte. Le NLD sort largement vainqueur des élections de 1990. Suu Ki est alors arrêtée et assignée à résidence pour les quinze suivantes années, alors qu’une répression féroce s’abat sur le peuple de Birmanie. Dans une mise en scène d’une clarté unique et d’une élégance singulière, dans tout ce qui touche à l’héroïne issue d’une famille aristocratique et  qui fut adjointe de U.Thant, le secrétaire général de l’ONU, d’origine birmane, The Lady nous entraîne dans une émouvante saga, celle d’une femme extraordinaire qui a connu triomphe et tragédie. Mais Besson a voulu aussi raconter l’histoire de tout le mouvement démocratique en Birmanie, en montrant les nombreux et courageux sympathisants de Suu Ki, et aussi cet immense rassemblement de moines bouddhistes en solidarité avec elle. Ces moines vêtus de couleur safran sont toujours considérés en Birmanie comme l’un des fers de lance de la lutte pour la démocratie. Le personnage réel et vibrant, Suu Ki a su, au fond de sa détresse, garder l’espoir jusqu’à sa récente libération. A Toronto, on se rappellera aussi longtemps d’Ermanno Olmi et de l’impressionante beauté de son film : Il Villagio Di Cartone. Emouvant, intelligent, sensible comme son personnage principal, un prêtre joué par le génial Michel Lonsdale (qui a joué dans un autre film, le recteur de la Mosquée de Paris !). C’est l’histoire de réfugiés africains échoués dans un village du sud de l’Italie, après le naufrage de leur barque qui pourrait bien être l’Arche de Noé de l’Afrique. Avec toute une humanité souffrante, diverse : hommes, femmes, enfants, jeunes, vieux révoltés, résignés... Ils trouvent refuge dans une église désaffectée, en voie de démolition. Le vieux prêtre, qui n’a plus de fidèles, leur ouvre sa porte et partage ce qu’il lui reste : du lait et des gâteaux secs. Il fait venir un médecin pour soigner un blessé. Considérés comme immigrants illégaux, ils sont pourchassés avec dureté par une police armée jusqu’aux dents. Seule la force morale du vieux prêtre, armé de son seul parapluie, parvient à faire reculer les forces de répression. Les méditations du vieux prêtre sur l’obligation de faire du bien, les visages beaux et dignes des Africains admirablement filmés par Fabio Olmi, le fils du cinéaste, les silences qui incitent à la réflexion : tout cela font du film d’Olmi un véritable chef-d’œuvre ancrée sur le réel de l’Italie d’aujourd’hui et qui touche les valeurs sacrées de l’humain. Le grand poète perse Saâdi disait : «Vous qui restez blasés devant la souffrance des autres, vous ne méritez pas d’être appelés un Homme». Cela résume le propos d’Ermanno Olmi et c’est une devise inscrite sur le fronton du bâtiment de l’ONU à New York.

 


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