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Festival classique d'Aix-en-Provence : L'opéra trempé dans le monde d'aujourd'hui



Plus rien ne sera comme avant après cette 60e édition du Festival classique d'Aix-en-Provence, qui s'achève le 23 juillet. Avec une nouvelle approche de deux 'uvres de Mozart, on ne verra plus jamais l'opéra de la même manière. Aix-en-Provence (France) : De notre envoyé spécial Le Festival entrera dans les annales comme celui qui aura le plus défrayé la chronique spécialisée, pour deux spectacles au moins, tous les deux du compositeur Mozart. L'illustre compositeur allemand serait, sans aucun doute, heureux de voir comment le nouveau directeur du festival, Bernard Foccroule, a tenté de dépoussiérer ses 'uvres, en les actualisant simplement pour offrir au public un autre regard sur un mode créatif qui, pour beaucoup, paraît éloigné. L'idée est, en fait, celle du dialogue interculturel. Ainsi pour Zaïde, opéra inachevé, la réalisation a été confiée à Peter Sellars qui a transposé la thématique au temps d'aujourd'hui. Mozart parlait d'esclaves. Qu'à cela ne tienne ! Sellars met au goût du jour, orientant irrésistiblement l'opéra mozartien vers une critique de l'esclavage moderne, celui des clandestins assignés au travail harassant. Pour appuyer encore son propos, le metteur en scène est allé chercher les figurants dans les communautés immigrées d'un quartier populaire d'Aix. Mozart vivait avec son temps. Jouer son 'uvre doit parler au présent, sans ambiguïté. Pour bien ancrer ses intentions, un colloque international intitulé « Pour en finir avec l'esclavagisme moderne » s'est tenu les 27 et 28 juin à l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence. On ne peut pas être plus clair.Partir de l'opéra pour parler de l'esclavage aujourd'hui et « combattre ce fléau moderne ». Voilà de quoi applaudir. Mais non, la coupe était assez pleine pour que le très sérieux journal Le Monde casse le spectacle sur une pleine page, parlant ni plus ni moins d'« ouverture faible au Festival d'Aix ». L'autre spectacle qui a heurté la critique est le très célèbre Cosi fan tutte, un opéra majeur du grand Wolfgang Amadeus. Le monde estimant en titre que « Cosi se noie dans les calanques ». Là, il avait été fait appel, curieusement, au cinéaste iranien Abbas Kiarostami pour assurer la mise en scène. Celui-ci, modestement, avait d'abord refusé, se demandant bien ce qu'il ferait dans le monde de l'opéra européen, loin de sa culture perse. Mais Foccroule l'avait persuadé. Il raconte comment, de retour chez lui en Iran, avec des vidéo filmées de l'opéra, ils les a passées en boucle. Puis, il s'est décidé, et Aix vibre ces derniers jours de l'intelligence de l'image de l'Iranien qui a ajouté son audace à la magie musicale de Mozart. Sur fond d'images de la mer, l'intrigue se déroule. Le thème, Kiarostami n'avait pas tort, est éloigné de la culture iranienne, surtout depuis le règne des mollahs. Cette histoire de libertinage, d'infidélité et d'amour, même si elle est universelle, vaudrait le fouet aux créateurs iraniens. Mais c'est bien là toute l'intelligence de la direction du festival. En décloisonnant, en revenant à des éléments qui fondent l'humanité et dans lesquels tout le monde peut trouver matière à divertissement, les structures de l'élitisme ont été en partie renversées, poussant des spectateurs qui n'ont jamais mis les pieds dans un enceinte classique à y faire le premier pas.


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