Festif ne sera pas l'Aïd

Le constat est prégnant. La plupart des boucheries à travers tout le territoire font grise mine et paraissent se démener dans une situation compliquée pour sauver leur ordinaire. Pris en étau entre la bouderie des ménages leur tournant le dos et les abattoirs qui semblent en congé permanent, ils s'en remettent à un sort obscurci. Les uns ont fermé boutique, d'autres se sont mis à la vente de palliatifs douteux préparés d'abats à la consistance inconnue ou de poulets boiteux. Les viandes ovines et bovines proposées à des prix astronomiques ne sont pas prenables par une large population contrainte de s'accommoder avec un marché qui dicte une consommation étranglée.En lésinant sur une alimentation habituelle et normale, les ménages tentent souvent avec douleur de s'aligner sur la règle d'achats et de consommation estropiés pour se nourrir, obligeant les commerçants à se prémunir de la faillite. Difficile et pari risqué quand ils pensent que l'arnaque et la roublardise commerciale deviennent pour eux des solutions de sauvetage.
Du fait de cette disette particulière, il n'est pas à écarter que les éleveurs et les maquignons se soient offert une opportunité pour préserver leurs bétails et les engraisser pour préparer un coup de massue dans quelques semaines au cours de l'Aïd prochain. Le coup porté a le profil indélébile d'une fatidique spéculation. Il est d'autant plus gravissime qu'il est asséné sous couvert de la religion. La situation est telle qu'on se demande quelles seraient les perspectives acceptables pour les Algériens au cours de la grande fête qui annonce, en tous points de vue, qu'elle ne sera pas festive. Si les règles divines sont sacrées et incontournables, la magnanimité de la religion n'a pas imposé le sacrifice d'un mouton dans ces cinq fondamentales. La grande crise qui bouleverse actuellement le monde entier exige de tous de circonscrire les inconséquences économiques. Les autorités politiques seraient bien avisées d'agir pour que seul le président de la République sacrifie un unique bélier symbolique au nom du peuple dans son ensemble.