Publié le 18.11.2023 dans le Quotidien l’Expression
Ferroudja Ousmer dédicacera son livre «Derrière les larmes de ma grand-mère», aujourd'hui, samedi 18 novembre 2023 à partir de 14 h, à la librairie «Gouraya» de Béjaïa. Elle nous évoque de nombreux aspects de son ouvrage.
L'Expression:Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs de L'Expression?
Ferroudja Ousmer: Après des études en sciences économiques à la Faculté centrale d'Alger, je n'ai pas eu d'autre choix que de rejoindre l'enseignement. Étant issue d'une famille aisée, mes parents n'ont pas jugé utile que je travaille et encore moins dans une quelconque entreprise ou banque. Après moult négociations et l'intervention de mon oncle, je rejoins le lycée Amirouche polyvalent dans la ville de Tizi Ouzou. Dans cet établissement où précédemment j'avais fait mes études secondaires, j'ai exercé pendant 25 ans en tant que professeur de gestion. Aucun avancement n'est proposé. La routine m'a poussée à quitter le lycée pour rejoindre l'institut de management Insim. Après une formation, je deviens consultante. Dans cet institut, je me suis bien épanouie. J'ai ensuite, versé dans le culturel. J'ai animé des ateliers d'écriture avec un groupe de femmes pour la majorité universitaires. Une expérience fructueuse et inoubliable! J'ai été également membre de l'organisation du Salon du livre de Boudjima pendant les six premières éditions. Un salon qui a connu un franc succès et durant lequel j'ai pu enfiler la casquette de modératrice et rencontrer d'illustres écrivains. Et tant d'autres. Ce fut une très belle expérience car je pensais que ces intellectuels étaient inaccessibles.
L'idée d'écrire «Derrière les larmes de ma grand-mère» remonte-t-elle à très longtemps et c'est sa concrétisation qui a tardé ou bien il s'agit d'une idée récente?
J'ai mis 8 ans pour écrire ce récit. Car il fallait vérifier la véracité de chaque événement cité. On n'a pas le droit à l'erreur lorsqu'il s'agit de faits historiques. Il m'a fallu du temps pour me décider à franchir le pas de la publication. Ce n'est pas évident pour une femme. Dans la préface du livre de Yamina Mechakra «la grotte éclatée», Kateb Yacine écrivait: «une femme qui écrit vaut son pesant de poudre». Écrire, c'est s'exposer. Vous devenez du jour au lendemain une personne publique. Étais-je prête pour cela? Ayant reçu une éducation très stricte et traditionnelle, je craignais de heurter mes proches. C'est grâce aux encouragements de mon jeune frère, que Dieu ait son âme, que cet ouvrage a vu le jour. Étant très malade, je ne voulais pas qu'il s'en aille sans l'avoir eu entre les mains. Ayant eu vent de sa maladie, les éditions Koukou ont précipité sa publication et je les en remercie.
Dans ce livre, il s'agit amplement de votre vie, pourquoi avez-vous jugé qu'il était important de la partager avec vos lecteurs?
Dans ce livre, j'ai relaté un pan de ma vie et non ma vie. Le vécu de chacun est singulier. On pense souvent qu'il n'intéresse personne mais en réalité, les lecteurs sont friands de ce genre littéraire. Les autobiographies sont souvent des livres miroirs et chacun de nous se retrouve dans le vécu de l'Autre. L'écrivain est témoin de sa société. Les historiens et sociologues se référent souvent à ses écrits. Ils peuvent trouver des éléments de réponse à leurs quêtes dans la production littéraire. Dans ce récit j'ai relaté des fresques de mon existence qui m'ont parues significatives.
Il y a également d'autres sujets et questions abordées dans votre livre, pouvez-vous nous en parler?
J'ai été orpheline de père à l'âge de 5 ans, mon frère aîné qui n'avait que 16 ans a pris à bras-le-corps la fratrie de 8 enfants, en charge. Il a été pour nous un vrai père et non un ersatz de père. Ce livre se voulait au départ un hommage à ce frère qui a sacrifié son adolescence pour subvenir aux besoins de sa famille. Mais lorsqu'on écrit son premier livre, on a envie de tout y mettre. Bien des choses se sont greffées si bien que j'ai pensé avoir accouché d'un pot pourri.
Le lecteur sera surpris par le flux d'événements relatés harmonieusement dans ce récit. Des souvenirs d'enfance, le combat d'une femme pour exister dans une société où les codes du patriarcat sont bien ancrés, la guerre d'Algérie, l'opération L'oiseau bleu puisque l'inspecteur Ousmer impliqué dans cette affaire est mon oncle, les personnes et les rencontres qui ont jalonné ma vie, qui ont dévié la trajectoire de mon destin...
Votre titre reste énigmatique d'une certaine manière. Pourquoi avoir fait référence à votre grand-mère?
«Derrière les larmes de ma grand-mère» est un titre surprenant effectivement. Je ne m'attendais pas à ce que les éditions Koukou l'acceptent. Enfant, j'ai toujours vu Yaya pleurer sans en connaître les raisons. Quand je suis arrivée en âge de comprendre, j'ai beaucoup souffert du malheur qui a frappé mon aieule. Elle avait quatre enfants et en avait perdu trois de son vivant laissant derrière eux dix-huit orphelins. C'est cette tragédie qui se cache derrière les larmes de ma grand-mère et toutes les conséquences qui en découlent.
Daho Djerbal est une sommité dans le domaine de l'histoire. Pourquoi l'avoir choisi pour préfacer votre ouvrage qui n'est pas un livre d'histoire?
Daho Djerbal est effectivement un historien émérite. Je ne l'ai pas choisi pour la préface de mon récit, mais il s'est imposé à moi. En assistant à l'une de ses conférences au premier Salon du livre de Boudjima, il m'a insufflé l'idée de l'écriture de ce récit dans lequel tout un chapitre lui est consacré. Sous l'instigation des éditions Koukou, j'ai demandé à Daho Djerbal s'il voulait bien me préfacer mon livre. Quelle ne fût pas ma surprise lorsqu'il accepta d'associer son nom à mon ouvrage. Être éditée chez Koukou et être préfacée par cet illustre historien ont été pour moi une joie incommensurable.
Daho Djerbal a été très touché par mon histoire. Il est connu pour donner la parole aux sans voix qui ont fait la guerre d'Algérie et non reconnus par la République. Depuis, je compte parmi ses amis. En lisant le récit, les lecteurs comprendront l'écriture de cette belle préface.
Ecrire ce livre a-t-il été une sorte de thérapie pour vous?
L'écriture de ce récit a été plutôt une consécration. On dit souvent que tout le monde ne peut pas atteindre le sommet de l'Éverest, mais tout le monde peut atteindre son Éverest et c'est mon cas. Écrire un livre c'est sortir de l'anonymat pour être dans la lumière.
Laisser une trace est le voeu de tout un chacun. J'ai toujours été fascinée par les écrivains et ce récit m'a permis de rejoindre la communauté de ces porteurs de plume.
Pouvez-vous nous parler des échos obtenus après la publication de votre livre?
Arezki Ait Larbi, à la tête des éditions Koukou, a été surpris par le succès du livre suite à sa parution. Pourtant, les éditions ont publié des sommités dans tous les domaines à l'image de Tassadit Yacine, Fatma Oussedik, Farid Kacha, Farida Ait Ferroukh... Et tant d'autres. J'ai eu de beaux papiers journalistiques, et même universitaires. Fatima Boukhelou professeure au département de français de l'université Mouloud Mammeri et Tiziri Bachir doctorante à l'université de Bouzaréah ont fait de superbes analyses de mon oeuvre. Voir son livre rentrer à l'université est la meilleure des récompenses. Les lecteurs trouveront tous les retours sur la page «Derrière les larmes de ma grand-mère «. Merci aux éditions Koukou qui m'ont permis de publier mon récit. Merci à Daho Djerbal pour sa belle préface, merci aux lecteurs grâce auxquels le livre continue de faire du chemin et merci à vous de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer dans les colonnes de L'Expression.
Aomar MOHELLEBI
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 20/11/2023
Posté par : rachids