Algérie

Ferme-prison de Misserghine La réinsertion par l'agriculture



Quand nous avons pris la route menant au « Chantier extérieur », lieu de détention « semi-ouvert » rattaché à la prison d'Oran, érigé sur le domaine d'une ancienne ferme à l'orée forestière de Misserghine, nous pensions trouver une sorte de mini-pénitencier enfermant quelques ateliers pleins de bric-à-brac, cerné de tous côtés par les bosquets et un haut mur en béton surélevé de fil barbelé et de miradors. Au lieu de quoi, nous avons découvert une terre verdoyante qui s'étend à perte de vue, des jardins potagers bordés par des espaliers d'arbres fruitiers, des pépinières, des greniers et des ateliers pour l'entretien des machines et des outils agricoles et la confection des ruches d'abeilles... Bref, une vraie ferme. Une exploitation agricole unique en son genre à tous les égards, et plutôt originale. Les agriculteurs de cette ferme, eux aussi, ne sont pas comme les autres. Il s'agit, en fait, de détenus. Des prisonniers, mais pas n'importe quels prisonniers. Il y a des conditions pour espérer être transférés à cette « prison-ferme », transfert ayant le goût d'une semi-grâce pour plus d'un. Le détenu doit avoir déjà purgé une bonne partie de sa peine. La bonne discipline est une condition sine qua non. Les récidivistes en revanche n'ont pas de place ici. Voilà, en substance, ce que nous a expliqué, sur les lieux, le juge d'application des peines (JAP) près la Cour d'Oran, M. Hadjar, à l'occasion de la visite du ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, mercredi dernier. Une visite qui a permis au ministre, mais aussi à la presse, de redécouvrir le Chantier extérieur de Misserghine, puisque ce site a été déjà exploré par M. Belaïz au mois d'octobre 2007. Sauf qu'à cette époque-là, le dortoir et autres infrastructures d'internat étaient encore en chantier. Ce qui obligeait l'administration pénitentiaire de la maison d'arrêt d'Oran à conduire les détenus fermiers - seulement une cinquantaine alors - au Chantier de Misserghine avant le lever du soleil et à les ramener « à la maison » vers le coucher du soleil. Mais depuis le 10 décembre, date d'ouverture de cet établissement, les détenus y sont nourris et logés. Pas besoin de faire des navettes journalières. Ils sont actuellement 192 détenus. Leur nombre fluctue en fait entre 180 et 200, capacité d'accueil actuelle qui sera doublée à terme. Les fluctuations sont dues à la sortie de temps en temps de quelques détenus. La ferme s'étend sur 46 hectares, dont 40 hectares sont cultivés, ou plus exactement cultivables puisque plusieurs ares demeurent toujours incultes. Les 6 hectares restants accueillent des constructions en dur : des bureaux, des salles dortoirs, des ateliers, etc. Il y a deux ateliers, pour la menuiserie et la soudure. Le premier dispose d'un outillage plutôt rudimentaire. Les détenus n'y apprennent, jusqu'ici, que la confection des ruches. Technique qui leur est enseignée par un technicien en agronomie de la Formation professionnelle. Le choix de cette discipline n'est pas fortuit. Elle est indissociablement liée au projet d'apiculture dans cette ferme. Mais pour l'heure, la ferme ne produit que très peu de miel. En fait, toutes les conditions de prospérité pour une colonie d'abeilles ne sont pas réunies. Faute de quoi, la fabrication de ruches n'est pour la majorité des détenus qu'un passe-temps. Or, c'est loin d'être le cas pour leurs codétenus agriculteurs. Ceux-ci se sentent utiles, et peut-être même indispensables à l'avenir dans la perspective d'autosuffisance alimentaire de l'établissement pénitentiaire d'Oran. Peu à peu, la ferme transite de la culture potagère à la culture de masse, avec la mise en valeur de nouvelles terres en friche. Les jardins potagers de choux-fleurs, carottes, aubergines, oignons, laitue, navets, pommes de terre, sont ornés de lignés de pommiers, abricotiers, oliviers (l'espèce la plus cultivée), figuiers... L'atelier de soudure sert à « recycler » toutes les choses dont la prison ne veut plus (des tas de ferrailles, de vieux bouts de métal et d'outils cassés...) pour en façonner truelles, sécateurs, cueille-fruits, arrosoirs, râteaux, pelles, bêches... Mais le souci majeur reste la pénurie d'eau. Le seul puits ne suffit plus à l'irrigation et empêche même la création d'élevages. En attendant de trouver d'autres sources d'eau, les responsables de ferme comptent installer des citernes et autres cuves métalliques en divers points du domaine.


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