Algérie

Ferhat Abbas réconcilie Mehri, Bedjaoui et Hadjerès



La scène est inédite pour rester à l'abri de la curiosité. Deux poids lourds du paysage politique national présents à une soutenance de thèse doctorale. Qui plus est, sur une page longtemps aux prises avec la chape de plomb de l'historiographie officielle. Mohamed Bedjaoui et Abdelhamid Mehri ont créé, mardi à Paris, la surprise. Contre le moindre soupçon d'attente, ils étaient à l'Institut d'histoire du temps présent. Le temps d'assister, studieux, à la présentation d'un travail académique sur un homme avec lequel il n'ont pas fait un compagnonnage politique. L'ancien chef de la diplomatie et l'ancien patron du FLN pendant les «années Hamrouche» ont sacrifié, non sans mérite, à un geste plutôt rare dans les us et coutumes de la classe politique algérienne. Ce n'est pas tous les jours que les hommes politiques algériens - au pouvoir comme dans l'opposition - font un détour par les campus et les forums non officiels. Mehri comme Bedjaoui ne sont pas à leur première sortie du genre. L'un comme l'autre sont habitués aux forums aux thématiques diverses organisés, en Algérie comme à l'étranger, à l'initiative des médias, de la Bibliothèque nationale, d'associations et de think-tanks étrangers. Centraliste - «invétéré», diront certains -, membre du QG de l'information du FLN à Tunis, membre du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA), Mehri reste constamment à l'écoute des débats sur le mouvement national. Il y participe avec passion, même si la rédaction de ses mémoires se fait toujours désirer. Sollicité par Le Quotidien d'Oran pour un entretien «non pas sur la conjoncture actuelle mais sur le mouvement national», il répond avec plaisanterie: «Oh, vous savez, il est plus aisé de parler de la conjoncture actuelle que de re-parcourir les pages des années de combat indépendantiste». Conseiller juridique du FLN, puis du GPRA, expert aux négociations d'Evian, Bedjaoui a déjà pris place, de par le passé, dans des conclaves sur l'histoire du mouvement national. A l'automne 2003, il avait présenté une communication sur Frantz Fanon à l'occasion d'un colloque sur les traumatismes et souffrances psychiques hérités de la Guerre d'Algérie. Entre la présentation du travail de la doctorante Malika Rahal et la délibération du jury, l'auditoire ouvre droit à une pause-café. L'occasion d'une rencontre inopinée entre Mehri, Bedjaoui et Sadek Hadjerès, l'ancien secrétaire général du Parti communiste algérien, puis du PAGS dans les années de clandestinité. Les trois hommes s'échangent en groupe ou séparément quelques mots, se passent leurs numéros de téléphoniques respectifs, avant de s'engouffrer dans la salle de délibérations. Divisions et tiraillements de la vie politique algérienne obligent, les trois hommes n'ont pas été du même bord. Dans la pure tradition centraliste, Mehri est toujours resté à distance de la mouvance communiste. Et en «bouteflikiste», Bedjaoui n'a pas croisé les chemins de l'ex-SG du FLN dialoguiste. Une fois n'est pas coutume, leurs chemins se sont croisés et leurs mains se sont serrées. Commentaire inspiré mais néanmoins amusant d'un présent sur les lieux, «Ferhat Abbas a consacré la réconciliation entre trois hommes qui se sont longtemps tournés le dos». Resté à l'écart, Mohamed Harbi, ex-pensionnaire des geôles du sud entre 1965 et 1968, en résidence surveillée de 1963 à 1973, observe la scène inédite sans se joindre à la singulière «tripartite».


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