Algérie

Fer de lance de l'anti-corruption



Fer de lance de l'anti-corruption
La lutte contre la corruption s'étale, ces jours-ci, en grosses lettres sur les manchettes des journaux. Ce dossier brûlant de l'actualité fait aussi le buzz sur les sites électroniques d'information et les forums sociaux. Même les médias publics, habituellement peu bavards sur le sujet, se mettent curieusement de la partie 'est-ce un signe de changement '- à travers la programmation de quelques débats. Le réexamen de l'affaire Khalifa à la Cour de Blida et l'instruction en cours à la Cour d'Alger concernant l'affaire «Sonatrach II» donnent visiblement du grain à moudre aux journalistes, aux blogueurs et aux internautes de manière générale. C'est incontestablement de bon augure ! Dans leur lancée, les commentateurs profitent de l'aubaine pour déterrer d'autres scandales mal éclaircis comme le dossier de l'autoroute Est-Ouest, celui du Fonds national de régulation et de développement agricole (Fnrda) et une série de détournements et de malversations bancaires. Mais dans tout ce tapage, on a beaucoup de mal à déceler le vrai du faux. Devant le silence des autorités et de la justice en particulier, chaque titre va de son scoop. Illustration : au moment où un quotidien national annonce l'interpellation de Chakib Khellil, ancien ministre de l'Energie, directement cité dans l'affaire Sonatrach II, on apprend dans un autre journal que le concerné s'est paisiblement envolé vers Paris à partir de l'aéroport d'Oran. Qui dit vrai ' Qui est censé éclairer la lanterne du simple lecteur dans ce cas ' Dans un autre site d'information, on annonce l'arrestation de l'auteur du mystérieux vol qui vient de cibler la Cour d'Alger. A en croire l'article qui cite vaguement des sources sûres, ce serait l''uvre d'un délinquant récidiviste qui a subtilisé les trois ordinateurs rien que pour se faire un peu d'argent de poche ! Invraisemblable ! La vox populi croit, en toute logique, à l'existence d'un rapport direct entre le cambriolage et l'enquête en cours contre d'anciens responsables de la compagnie pétrolière nationale. En somme, malgré tout le bruit qui entoure ces affaires de corruption et de dilapidation de deniers publics, on n'est pas mieux informé. Faute de communication officielle, les journalistes et les correspondants de presse deviennent des proies faciles à toutes sortes de manipulations. Et c'est à ce niveau que ça risque de foirer. Dans tous les pays sérieux, les médias constituent le fer de lance de la lutte anti-corruption. Les reporters et les journalistes d'investigation, qui accèdent sans trop de difficultés aux sources officielles, y ont un rôle presque égal à celui des juges. Les autorités de l'aéroport d'Es-Sénia, par exemple, n'ont pas à couvrir le voyage de Khellil qui est une personnalité publique et de surcroît fortement demandée à l'occasion. La vie privée n'a rien à voir là-dessus.
La police devrait normalement communiquer au public l'arrestation de l'intrus de la Cour d'Alger ou, le cas échéant, dire où elle en est. La transparence est l'arme véritable contre la fraude, la mauvaise gestion, l'abus d'autorité, le trafic d'influence ou tout autre dépassement mafieux. C'est à ce niveau que le commun des mortels doute de la bonne foi des autorités à assainir vraiment la situation. Toutes les institutions algériennes, et à tous les échelons, pratiquent la rétention de l'information, refusent de communiquer ou le font sciemment mal. On a la nette impression que les responsables et les élus voient dans les journalistes un danger potentiel pour leur propre carrière. On sent qu'ils ont tous des choses à cacher ! Le culte du secret et l'entretien du flou sont devenus, de l'avis de tous, des critères dans l'accès aux charges publiques. «Il y a des journalistes totalement libres et qui montrent chaque jour un grand courage, mais cela ne signifie pas que la presse l'est. Les garanties sur les libertés de la presse ne sont pas assurées», confie justement un militant des droits de l'Homme à un confrère étranger. Malgré toutes ses insuffisances et les man'uvres de déstabilisation qui la ciblent, la presse algérienne est en mesure de se constituer en fer de lance anti-corruption, pourvu qu'on lui ouvre les portes aux données. Il s'agit de consacrer dans les faits l'accès à l'information. Autrement, les campagnes de ce type ont déjà prouvé leur inefficacité.
K. A.


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