Un beau roman aux multiples nostalgies sur les traces du cinéma et des souvenirs. Le prix Fémina 2007 a été attribué à Eric Fottorino, directeur de la publication du quotidien Le Monde. L?écrivain est couronné pour l?un de ses romans le plus aboutis, Baisers de cinéma qui se lit d?une seule traite, sans jamais lasser. D?une écriture fluide, fruit d?un travail de concision et de patient dégraissage de l?inutile, ce roman plonge le lecteur dans une nostalgie multiple. Celle du père décédé, chef opérateur, photographe de cinéma ; de la mère, inconnue ; de la femme qui file entre les doigts lorsqu?on croit l?avoir possédée, cette femme dans laquelle on croit retrouver la mère ; celle enfin du cinéma de la Nouvelle Vague. Tout cela forme le cadre d?une histoire qui émeut et surprend jusqu?à la fin, véritable quête de l?exquis dans l?existence autant qu?une question vitale sur son sens. Mais une autre recherche, à la fois dite et non dite, de l?écrivain né à Nice en 1960, nous entraîne dans son ascendance et ses passions humaines : les racines de sa famille en Tunisie et son attachement, en tant que journaliste, au monde maghrébin, arabe et africain auquel il a consacré plusieurs essais. En 1995, en liaison avec l?association Coup de Soleil, il avait publié chez Stock Mille et Un Soleils. Paroles du Maghreb en France, recension de biographies d?auteurs, acteurs et artistes de toutes origines, issus du Maghreb. En 2005, son roman Korsakov trempait l?encre du souvenir sur les rivages tunisiens. Ces sources se retrouvent avec bonheur dans Baisers de cinéma et donnent de l?éclat à cette ode au noir et blanc cinématographique de Truffaut, Godard et autre Chabrol, artistes de l?image. Cela est formidablement rendu par Fottorino qui y ajoute son éclairage. En effet, dans ce roman, bien parisien s?il en est, la femme conquise et rebelle a une belle « crinière » qui fait irrésistiblement penser au henné des Maghrébines : Cette bien aimée est traductrice d?arabe, métier sans incidence sur le récit, hormis qu?il rattache à d?autres rives et, accessoirement, permet au narrateur de justifier les départs de l?amante qui corsent son existence : « D?une voix neutre, elle m?annonçait avoir dû partir précipitamment pour Oslo, remplacer une interprète souffrante dans un symposium international. » Enfin, la description de la bien-aimée emprunte indirectement à des résurgences outre-méditerranéennes, lorsqu?il décrit la bien-aimée : « Son ventre creux, les trois petites tâches rouges sur son sein droit, comme dans la chanson de Mouloudji. » Voici un prix bien mérité pour un très beau livre.
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Posté Le : 29/11/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : W. M.
Source : www.elwatan.com