"Favoriser l'approche entrepreneuriale dans l'exploitation des sites d'orpaillage"

Lors de son dernier passage dans la wilaya de Tamanrasset, le ministre des Mines, Mohamed Arkab, a mis l'accent sur l'importance de se lancer dans l'exploitation aurifère en encourageant la création des coopératives d'extraction artisanale d'or à Tamanrasset. Ce projet, faut-il le noter, intervient à l'heure où cette wilaya, qui dispose d'énormes potentialités minières, concentre toutes les formes imaginables d'inégalités régionales en termes de développement local et de bien-être d'une jeunesse livrée à un chômage endémique. Manifestement, la démarche du gouvernement aura titillé l'ego des orpailleurs qui ont toujours revendiqué l'ouverture des mines artisanales pour sortir de l'ombre de l'informel. Cependant, la praticabilité de cette alternative stratégique ouvre plus qu'une piste de réflexion, voire une autoroute d'interrogations, auxquelles Seïfeddine Telli, directeur de PRFU (projet de recherche-formation universitaire), également maître conférencier au centre universitaire Hadj Moussa-Ag Akhamouk de Tamanrasset, a essayé de répondre.Liberté : Dernièrement, le gouvernement algérien a mis l'accent sur l'exploitation artisanale de l'or dans le sud du pays en accordant l'opportunité aux jeunes de se lancer dans cette activité qui s'inscrit dans la nouvelle dynamique de développement et de diversification de l'économie nationale. Cette décision traduit-elle réellement la volonté de divorcer d'avec la rente pétrolière '
Seïfeddine Telli : À première vue optimiste, cette démarche, salvatrice à bien des égards, est à saluer, notamment dans un Sud sans opportunités de travail et sans perspectives d'emploi. La création de coopératives d'exploitation artisanales des sites aurifères contribue inévitablement à la stabilité de cette région géostratégique.
L'Etat a fini par comprendre que ce créneau d'activité longtemps livrée à la contrebande a toujours suscité des espoirs dans ce vaste territoire du Sahara algérien. Il faut souligner que la soif de l'or s'est emparée de nombreux orpailleurs, dont des étrangers en quête de fortune, et ce, sachant que les ruées vers ce métal précieux ont pris naissance dans un contexte politique marqué par une forte crise sécuritaire prévalant à nos frontières.
Les autorités sont donc plus que jamais interpellées, voire pressées de réguler ce secteur, afin de couper l'herbe sous les pied des contrebandiers. Pour ce faire, il faut d'abord favoriser l'approche entrepreneuriale dans l'exploitation des sites d'orpaillage et mettre en place des mesures d'accompagnement au profit des jeunes motivés par cette démarche.
Qu'entendez-vous par ces mesures d'accompagnement '
À rebours des analyses qui mettent en avant la corrélation avérée entre l'abondance des ressources minières à Tamanrasset et l'ampleur qu'a prise le phénomène de l'orpaillage illicite dans cette wilaya du Grand Sud, les autorités compétentes sont invitées à mettre le paquet pour promouvoir l'exploitation du métal jaune en obéissant à de nouvelles techniques d'extractions.
L'adoption des cahiers des charges devant prendre en considération tous les paramètres liés aux exigences d'un développement durable, notamment sur les plans environnemental et social, est donc plus qu'impérative. Les jeunes promoteurs doivent bénéficier d'un encadrement spécifique pour éviter de s'investir dans un secteur où le risque d'échec pourrait être élevé. D'abord, on a le problème d'insécurité dans les sites d'orpaillage, mais aussi le manque d'eau dans ces zones arides.
Ce qui n'est pas sans conséquences sur les coûts d'exploitation. Le transport des minerais et de la roche concassée vers les unités de traitement est aussi à soulever dans cette région aux reliefs accidentés. Pour toutes ces raisons, il est nécessaire d'accorder des facilitations financières permettant aux jeunes orpailleurs d'acquérir les équipements appropriés et d'une bonne boussole entrepreneuriale avant de se lancer dans les zones incertaines de créneau d'activité.
Le ministère des Mines devra s'assigner pour mission d'organiser l'exploitation artisanale de l'or, en commençant par l'actualisation des données relatives aux gisements existants dans la vallée fossile de l'Ahaggar et de l'Ajjer. Il faut également qu'il ?uvre à créer un cadre de concertation pour assurer la surveillance permanente des sites et résoudre les problèmes rencontrés sur place par les orpailleurs.
À en croire certains analystes économiques, l'exploitation artisanale de l'or présente un sérieux défi pour les autorités algériennes. Qu'en pensez-vous '
Certainement, mais il reste néanmoins un défi qu'on peut relever. Sur le terrain, l'Etat et ses institutions sont confrontés à de multiples difficultés liées particulièrement à l'inaccessibilité et à l'occupation illicite des sites, ainsi qu'à la méconnaissance du potentiel aurifère dont dispose cette wilaya qui s'étend sur une superficie de plus 557 000 km2.
La régulation de ce secteur prometteur permet sans nul doute à l'Etat de trouver une issue stratégique pour en finir avec sa dépendance aux hydrocarbures, en tirant un meilleur profit de l'orpaillage. D'où l'importance de structurer cette activité qui est, jusque-là, l'apanage des contrebandiers de tout bord.
Il est ainsi envisagé l'implication des laboratoires spécialisés et du centre universitaire de Tamanrasset pour réaliser des études empiriques et prospectives dans ce domaine, et sortir, par conséquent, avec des recommandations opérationnelles et des conclusions conformes aux techniques et normes d'exploitation.
Avant de conclure, il faut insister sur le contrôle des opérations de l'orpaillage qui ne doit pas se faire uniquement au moment du pesage l'or, mais durant toute la chaîne précédant son extraction. Il suffit juste d'imaginer l'afflux des coopératives d'exploitation dans un milieu désertique fragile pour se rendre compte de l'importance de l'enjeu et de la nature des défis à relever.

Propos recueillis par : R. KARÈCHE