Algérie

Faut-il fêter l'indépendance ou son souvenir ?



Questionalimentaire à quelques jours de la fête nationalisée du 5 juillet, jour del'indépendance du pays après la colonisation par les Romains, les Espagnols, lesOttomans, les Français et, enfin, par le vide et les Chinois: que reste-t-ild'indépendant en Algérie ? Pas la tête: elle est déjà coincée entre la fameuseinvasion culturelle, credo xénophobe des islamistes et des conservateurspendant les années 80, trop pleine pour ne pas s'exiler ou trop vide pouréviter de se prendre pour le cosmos. Ni la langue, incapable de maîtriser lefrançais pour le transformer en acquis, ni l'arabe pour le vider de son désert,ni l'anglais pour en faire un décodeur du réel et une passerelle vers lamaîtrise de l'atome ou des lacets de chaussures.

Lesmains ne sont pas non plus indépendantes: ni de l'Etat qui les incite au votequand il le veut et pour qui il le veut, ni indépendante de la culpabilité cartout le monde a volé quelque chose dans ce pays depuis 1962, ni du sang cartout le monde a tué tout le monde dans ce pays, même le bonhomme qui n'a pasquitté son domicile entre le 12 janvier 1992 et aujourd'hui, ni de l'inutilitécar aucun Algérien n'est capable de marcher sur la Lune et surtout pas sur sesmains, même en apesanteur.

Ilreste l'estomac, et là il est inutile de faire dans la démonstration: lesAlgériens mangent ce que les agriculteurs européens, tunisiens, marocains etmême boliviens et chinois leur vendent comme riz, bananes, farine, lait et mêmepastèques et pommes de terre.

Pourles pieds, l'indépendance est illusoire là aussi: les chaussures sont de plusen plus chinoises et il n'est pas logique pour un tiers-mondiste de parler deson indépendance lorsqu'il tourne en rond dans son pays et doit obtenir un visaou une barque pour aller ailleurs. Les Algériens ne peuvent pas se proclamerindépendants tant qu'ils importent de la friperie avant, pendant et après lesfêtes du 5 juillet.

Unpays n'est pas très indépendant lorsque les supporters dans les stades serevendent des drapeaux de clubs européens et surtout lorsque le seul match quine soit pas suivi d'émeutes mais de commentaires est celui qui se joue enEurope, derrière la mer et la télévision. Par ailleurs, il est évidemmentinutile en Algérie de parler de partis indépendants, de journaux indépendants, d'électionsindépendantes et de choix libre.

L'Algériea-t-elle été un jour indépendante ? Oui, pendantquelques jours. Ceux qui s'en souviennent sont de plus en plus rares et ceuxqui n'ont jamais connu ce jour ne parlent plus que du gâteau de cette époquemythique et de ce qui n'en resta pas. Que faut-il faire donc ? Arrêter derefaire les présidents ou les chefs de gouvernement, de parler, de diffuser, d'occuperles ondes et la terre et de distribuer des galons ou des pensions et refairel'indépendance.

Avecune formule plus durable, plus solide, plus défendable et plus sérieuse que lafois passée. C'est-à-dire une indépendance qui commence par nous rendre moinsdépendants du pétrole vers le sud et des Hollandais vendeurs de pomme de terrevers le nord. Est-ce possible ? Oui pour la pomme de terre, non pour le pétrole.C'est déjà trop tard: les Américains sont trop forts, les Chinois trop nombreuxet nous sommes venus au monde trop lentement pour rattraper le siècle. L'indépendanceest le souvenir de la virginité pour une femme à l'époque de la globalisation.




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