Algérie

Fausse pénurie de bourreaux



L'information a fait le tour du monde aussi rapidement que le permettent les nouveaux vecteurs de transmission de l'information. Mais l'originalité est plus dans le changement dont elle rend compte que dans sa vitesse de colportage, car que nous apprend ce «scoop» ' Que, pour indisponibilité de main-d''uvre d'exécution -et c'est le cas de le dire-, les condamnés à mort, en Arabie saoudite, seront tués par arme à feu. Fini donc le spectacle des têtes sanguinolentes envoyées rouler dans la poussière après avoir été décapitées au sabre. Au royaume du Wahhabisme, émetteur de l'info-buzz, l'extinction de la corporation des bourreaux, avancée comme prétexte de changement du mode opératoire, a de quoi laisser perplexe. On mettrait sa main à couper (sic) que si la famille régnante avait voulu se cramponner à la tradition du «sacrificateur», il s'en serait trouvé des volontaires par fournées pour, tout en faisant «'uvre utile», laver leurs os dans le sang qui gicle des carotides. Tout au plus, il ne s'agirait que d'un lifting pour renvoyer une image largement ternie par le spectacle morbide des exécutions publiques et des femmes trop encapuchonnées. Quelle qu'en soit la raison véritable, la substitution de l'arme à feu au sabre restera, certes, toujours un petit pas d'éloignement par rapport à une barbarie trop offerte en voyeurisme public. Sinon, en Arabie saoudite comme dans le reste des pays musulmans, la réforme de la religion et des m'urs tant attendue est loin de pointer à l'horizon. A vrai dire, c'est même une tendance inverse qui s'est dessinée, portée par le vent des faux «printemps arabes» et aiguillonnée par les éperons en monnaie forte d'émirats chameliers qui se sont achetés le droit de jouer dans la Cour des grands.
Au moment où en Arabie saoudite la mise à mort des condamnés se pare de modernité, en Algérie a surgi un débat sur un retour à l'exécution de la peine de mort, une exhumation favorisée par l'horreur du crime commis il y a deux semaines contre les deux garçons de Constantine et qui avait soulevé une juste et très forte indignation populaire. Si cela était venu seulement de la «foule», on aurait eu l'excuse de la «carburation émotionnelle», mais quand ce sont, aussi, des religieux qui enfourchent le cheval de la peine capitale, le débat nécessite d'être entouré de toutes les prévenances. Aujourd'hui, ils réclament l'exécution de la peine de mort contre les assassins d'enfants, mais demain ils demanderont que soit coupée la main du voleur à la tire et, ensuite, que soit lapidée la femme adultère. Imaginez la suite. La dernière fois que le peloton d'exécution a fonctionné en Algérie, ce fut en 1992 contre les auteurs de l'attentat à la bombe commis à l'aéroport international d'Alger. Pour les autorités de l'époque, le moratoire de fait - contre l'exécution de la peine de mort- n'était qu'une étape dans la voie de l'abolition de la peine de mort. Eh oui, malgré la férocité du terrorisme encore très actif, on croyait que l'avenir était dans une mise aux normes de la modernité et une conformité aux «standards fixes» de la démocratie. La régression des comportements sous couvert d'islamisation sociale a, depuis, fait son chemin. Heureusement que, après le double meurtre de Constantine, des voix d'avocats, sociologues, journalistes, se sont démarquées pour appeler, elles, à une sérieuse prise en charge des problèmes de frustration de la jeunesse.
En Tunisie voisine, un regain d'espérance d'une intensité juvénile nous vient d'un courageux intellectuel nonagénaire. Mohamed Hamdi, historien Sorbonnard, agrégé de lettres arabes, écrivain et essayiste bilingue, crie haut et fort son islamité' coranique.
Ni Sunnite ni Chiite ni Hanbalite ni Chaféite ni' «Musulman coranique» et rien d'autre. Après moultes embûches et tracasseries administratives, dont on devine la provenance, le secrétaire général du gouvernement a accepté d'enregistrer son «Association internationale des musulmans coraniques» sous réserve de quelques précisions à rajouter aux statuts. A un âge - 94 ans- où l'on se refugie volontiers dans le calme et la méditation de la mosquée, tant que l'arthrose n'est pas invalidante, Mohamed Hamdi appelle, lui, à une réforme de la religion musulmane à partir, précisément, de La Maison de Dieu. Depuis ce temple sacré, il soutient qu'on peut douter -dans le raisonnement-, rejeter des «hadiths», le hidjab pour les femmes, la peine de mort pour apostasie, car non prescrits explicitement par le Coran. Lui-même pratiquant et islamologue faisant autorité, il a le courage de s'inscrire en faux contre les vérités apocryphes, les dogmes infondés et les croyances surannées qui fondent les islamismes, au pluriel. De la logique, de la probité intellectuelle, un sacré courage physique et moral, le tout adossé à une vaste érudition : voilà la panoplie de combat de l'universitaire, qui vient d'ailleurs de rejoindre le parti Nida Tounes, fondé par un autre jeune comme lui, Beji Caïd Essebsi, 86 ans et toute sa tête sur laquelle fantasment tous les salafistes tunisiens.
Aux vieillards d'Algérie, s'il s'en trouve de la trempe de l'intellectuel tunisien, de descendre dans l'arène du combat et d'indiquer par l'exemple la voie à suivre.
A. S.


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