Algérie

Fatwa: «Voter c'est comme enterrer un mort ou visiter un malade »



Fatwa: «Voter c'est comme enterrer un mort ou visiter un malade »
Fatwa: «Voter c'est comme enterrer»

par Kamel Daoud
Premièrement. L'affaire Khalifa revient donc sur la devanture, mais sans Khalifa. Question que se posent les journaux et les cafés: verra-t-on revenir à la barre Sidi Saïd, Medelci, Teboune et Boujerra Soltani et les autres ? Que vont-ils nous dire de neuf ? Peut-on conjuguer le « j'assume » autrement qu'à la première personne gratuite et insolente ? On ne sait pas. Le premier procès Khalifa n'a servi à rien et pas même à rendre l'argent ou à savoir où il est allé et d'où il vient. Peut-être même que le but est d'y innocenter plus de monde que la première fois jusqu'à ce qu'il ne reste que Khalifa lui-même comme unique personne à juger et à charger. On ne sait pas. Les grands procès algériens sont toujours trop gros pour être avalés, depuis toujours.

Deuxièmement. C'est une fatwa de Ghlamallah, le ministre de l'Islam. Voter est une obligation religieuse comme visiter un malade ou enterrer un mort, a-t-il dit dernièrement à un journal. Une extraordinaire comparaison qui ressemble à lapsus et une métaphore d'opposant. Voter c'est comme enterrer un mort ou visiter un malade, il faut le répéter pour bien comprendre. A partir de cette fatwa, il est facile d'écrire une chronique, rire sans fin et sans horizons, s'esclaffer ou réfléchir sur qui est le mort et qui est le malade dans cette équation. Le ministre a-t-il dit une vérité sans le savoir ? L'essentiel, au-delà de l'humour involontaire et très ministériel, c'est que les mosquées sont désormais à usage politique frontal : on y interdit de faire la politique, sauf celle de celui qui paye les imams. Pire encore, désormais, les listes des bénéficiaires des logements sociaux seront affichées sur les murs des mosquées, entre autres. Ainsi, si les émeutiers peuvent casser la maison du maire, ils n'oseront jamais s'attaquer à la maison de Dieu. C'est habile mais désastreux : l'Etat qui n'existe plus délègue sa symbolique, son autorité et ses signes à un autre espace de pouvoir et de légitimité. L'Etat ne peut plus compter sur ses autres institutions, ses partis affidés, ses kasmas, sa TV ou ses journaux, mais espère le secours des mosquées pour sauver les prochaines élections. Et cela est grave, lourd de sens et de démission, preuve de la fin d'une époque et du début d'un effondrement. La conclusion ? En croisement : juger Khalifa c'est comme rendre visite à un malade ou enterrer un mort. Et voter ? C'est comme prier. Dans une urne.


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