Algérie

Fatima, le renoncement' après l'immolation par le feu



Etre femme aujourd'hui pour moi est une question de silence et de solitude», répond Fatima, 42 ans, première femme en Algérie à  avoir tenté de s'immoler par le feu, lors de la folle série des tentatives de suicide du mois de janvier dernier. En réalité, la question ne se pose plus pour elle.
Etre femme, elle cesse de l'être de jour en jour. «Depuis mon divorce, je me suis battue, j'ai tenté de me reconstruire mais dans mon village (Bordj Djaâfar, un village au sud de Sidi Bel Abbès), toutes les portes sont fermées, encore plus quand on est une femme», précise-t-elle. Il y a 20 ans, alors qu'elle venait de se marier à  un homme de Tellagh (région de Sidi Bel Abbès), sa féminité devait, et pourtant, lui ouvrir toutes les portes du bonheur, mais sept mois passés sans tomber enceinte ont mis fin à  ce rêve. Son mari l'a répudiée. Arbitrairement.
Depuis, elle a rejoint le domicile familial (une habitation précaire), où elle résiste aux pressions de ses frères qui ne veulent plus d'elle, notamment parce qu'elle ne s'entend pas avec l'une de ses belles-sœurs. Elle survit avec une pension de 2000 DA par mois. Demandes de logement et d'emploi déposées sont restées sans suite, d'où sa tentative de suicide en face du siège de l'APC de Sidi Ali Benyoub le 19 janvier dernier.
«Ils n'ont même pas voulu me recruter comme femme de ménage à  l'APC parce que je suis divorcée et sans enfant, la loi ne le permet pas, disent-ils», expliquait-elle à  l'époque avec une voix presque inaudible.
Fatima s'était aspergée d'essence pour mourir en dénonçant la hogra, mais un policier a pu intervenir à  temps pour lui confisquer son briquet.
Elle s'en est sortie indemne.
Elle n'est plus éplorée à  présent. Et elle a même retrouvé le sourire.
Un sourire puisé dans la force… du renoncement. Vivre en oubliant d'être femme et se contenter de manger, boire et dormir en ne se permettant aucun autre droit à  la vie. Lui parler de la Journée internationale de la femme est presque une insolente provocation. «Le 8 Mars pour moi et un non-sens auquel je n'ai pas droit ! Fêter quoi ' Se battre comment ' Même la mort est irrecevable dans ce combat», tranche-t-elle. Elle ne pense plus au suicide à  présent parce qu'elle n'attend presque plus rien. «Je passe mes jours en silence dans ce deux-pièces avec les dix autres membres de ma famille, j'ai opté pour le silence et j'évite désormais le conflit.» Et d'ajouter : «Etre femme m'a valu toutes les détresses. Je rejette ma féminité!» Pour Fatima et bien d'autres
femmes contraintes au silence, le renoncement peut-il àªtre la seule manière d'exister '


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