La dignité est rarement absente chez les personnages qui peuplent cette œuvre de plus de 300 pages. Elle ranime des périodes du grand pays imazighen, porte l’éclairage sur des fragments d’odyssées enterrés, donne consistance à des êtres mis au rebut parce qu’insoumis à l’ordre établi des arènes du mythe. Sa plume réhabilite l’émotion dans ses dimensions simples, à l’échelle de l’homme du peuple. Fatima ne fait pas pour autant la révolution, ce n’est pas son rôle, elle ne se revendique d’aucune avant-garde, ne hisse aucun étendard excepté l’étendard de la sincérité. Il n’y a pas d’effets spéciaux dans ses rappels de faits et ses métaphores, seulement elle ne s’embarrasse aucunement de faire des crocs-en-jambe aux détenteurs de l’immobilisme. Bakhaï est dans la quête de l’authentique est l’authentique cela n’est jamais une histoire truffée de vérités en trompe-l’œil et de certitudes poussives mais un florilège d’itinéraires flamboyants, d’états d’âme doucereux et de vertiges violents. L’écrivaine introduit un peu d’ordre dans la perception des choses, explique à sa manière — la manière du poète — le pourquoi de quelques querelles, s’insurge — l’insurrection du poète — contre des intolérances, laisse libre cours à ses impressions, s’exalte un peu, rappelle ses blessures dans les territoires de la mémoire confisquée. Son livre, fort bien documenté, oscillant entre histoire et fiction donne un sens à un foisonnement de signes locaux, des signes qui irriguent les héritages communs : âpres, tourmentés, enrichissants. Dans une heureuse construction organique, l’œuvre littéraire mêle en mode créatif le témoignage du vécu et la conscience entravée, les dépossessions multiples et l’espérance, plus forte que tout, de relire autrement une saga gonflée de non-dits.
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Posté Le : 06/09/2010
Posté par : frankfurter