A chacune des apparitions de Fatiha Soltane sur les planches et l’écran de télévision, l’avis des spectateurs est unanime : « Cette femme est une grande comédienne et l’une des meilleures que le théâtre algérien ait formées. »Pour cette femme au sourire constant et à la réplique aisée, le théâtre est le miroir de la société et des infinis reflets de la réalité où se mêlent le comique, le tragique et le satirique.
Les millions de téléspectateurs et amoureux du théâtre, d’ici et d’ailleurs, connaissent bien cette comédienne et actrice. Avec sa fine silhouette et des yeux cernés par une longue pratique sur les planches et devant l’écran, Fatiha Soltane a toujours scintillé d’érudition et d’enthousiasme sans faille. Deux de ses innombrables qualités qu’elle a mises au service du théâtre et du cinéma. Recyclant au passage les dizaines de tableaux d’honneur et de diplômes, Fatiha Soltane ne cesse de se demander à quoi ils peuvent bien servir, elle qui vit d’une bien maigre pension de retraite qu’on lui a imposée en 2003 alors qu’elle n’avait que cinquante ans. Elle se sert aujourd’hui de ses tableaux et de ses diplômes pour tisser des anecdotes, et de l’air du temps d’un théâtre algérien tombé en désuétude. A l’âge de 5 ans, Fatiha Soltane se découvre déjà une âme de comédienne en parlant à son miroir comme si elle tournait un film. Encouragée par son père, elle poursuivra son apprentissage en solitaire au foyer paternel jusqu’à l’âge de la raison. Elle anima des manifestations culturelles en milieu scolaire, notamment à l’école Ibn Sina de Constantine sa ville natale. Elle joua des pièces pour enfants comme la cigale et la fourmi qui donneront à son talent naissant une assise solide. Devenue la « fourmi » pour le meilleur et pour le pire, elle engrangea ses graines de gloire dans le milieu du scoutisme et à Sonatrach qui l’a sollicitée constamment pour l’animation des centres de vacances. C’était la période où, avec d’autres comédiens de son âge, Fatiha Soltane se transforma en une cour des contes, avec ses dérives féliniennes, interludes et ses délires artistiques. En 1975, Sid Ahmed Aggoumi alors directeur des théâtres de Constantine et de Annaba, lui offrit sa chance. Une année après, Annaba l’accueillit. S’ensuivirent des pièces théâtrales, films, feuilletons et émissions télévisées. A chacun de ses passages, Elle faisait un tabac. L’émission « Minkoum oua ilaïkoum » acheva sa mise sur orbite pour la conquête des étoiles. Comédienne, actrice et animatrice, Fatiha Soltane est connue par le monde des arts et de la culture pour son sens humain, sa sociabilité, sa jovialité et surtout sa franche camaraderie. Partenaire incontournable sur les planches constantinoises de Kamel Kerbouz, Bachir, Allaouïa Zermani, Hakim Dekkar, elle a imposé son talent et son style de travail dans les 30 pièces où elle a été distribuée. Bon nombre de réalisateurs, à l’image de Aïssaoui, Mohcen Bouguermouh, ont certainement en mémoire ce bout de femme d’une extrême intelligence et d’une activité à vous couper le souffle. « Les comédiens et les acteurs sont les héritiers des conteurs populaires qu’aimaient entendre les petits et les grands. Aujourd’hui avec un théâtre algérien qui perd ses repères et une télévision où tout est fiction, on assiste à une perte totale du réel », dira-t-elle en parlant du théâtre actuel. Malgré les vicissitudes et d’évidentes inégalités d’inspiration, Fatiha Soltani s’était forgée, au fil des années de pratique théâtrale et cinématographique, un langage éminemment personnel plus qu’anachronique qui a, maintes fois, explosé. Sur scène comme devant la caméra, elle déroule sur une seule ligne son talent sous une forme tectonique dans une harmonie chaque fois renouvelée avec des pulsions, hésitations et des maladresses provocantes. Bien avant sa mise à la retraite, on avait fait subir à Fatiha Soltane bien des avanies pour l’empêcher d’exprimer dans des pièces théâtrales faites pour elle, la fulgurance de son génie nourri par une vie trépidante. Aujourd’hui, elle n’a plus que son hébétude comme source d’inspiration pour, hors des planches et de l’écran, décrire les choses et se défendre contre l’ahurissement. Directe dans ses propos et en désespoir de cause, elle passe tout le monde à la tondeuse à gazon : « Après 29 ans de travail, j’ai été contrainte à une retraite anticipée que je n’a jamais demandée. Ils m’ont eu à l’usure et en me proposant 3 catégories de plus sur mon salaire. Ma passion pour le théâtre m’a coûté énormément cher. Je lui ai tout donné, ma jeunesse et ma vie pour aboutir à une exclusion programmée avec une très maigre pension et quelques tableaux d’honneur. Ma seule satisfaction est le public fidèle qui a suivi toute m’a carrière et qui a apprécié à sa juste valeur mon travail. » A 53 ans, toute aussi pétillante, cette artiste, qui a tourné des films en Tunisie en 1996 au côté de Selma Bekar et joué des pièces théâtrales avec Abdallah Rouiched, se prépare pour une autre aventure théâtrale aux côtés de Kamel Kerbouz et Mimiche. « Ce n’est encore qu’un projet mais j’espère qu’il aboutira », avouera-t-elle avant d’exprimer son intention de s’installer à Alger. L’espace de quelques minutes, elle reprend sa tondeuse pour affirmer : « L’association des artistes de Annaba que dirige Hamdi Bennani ne travaille que pour elle. Elle ne fait rien pour les artistes de Annaba qui n’ont jamais été sollicités pour des participations dans des manifestations culturelles à l’étranger. » Tout en se rappelant sa prestation dans Men adjl ibnati, le dernier feuilleton de Abderazek Hellal et son éventuelle distribution dans un téléfilm en 2 parties que ce dernier tourne actuellement à Skikda, Fatiha Soltane lance de sa belle voix cristalline un refrain. C’était comme s’il s’agissait d’exprimer son regret de ne pas avoir opté pour la chanson et la musique. « J’aurais pu réussir car, de l’avis de tous, je chante bien », dira-t-elle avec amertume. »
Posté Le : 31/07/2006
Posté par : hichem
Ecrit par : Leïla Azzouz
Source : www.elwatan.com