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Fateh, 28 ans «Je voulais mourir»



Fateh, 28 ans «Je voulais mourir»
Réservé et taciturne, Fateh n'est pas un bavard. «J'ai toujours été un peu comme ça, mais je me suis beaucoup renfermé sur moi-même depuis que je suis comme ça», explique-t-il en posant ses mains sur ses genoux. L'accident qui lui a coûté l'usage de ses jambes remonte à ses 21 ans. «Nous revenions d'Oran, avec deux amis. Dans l'après-midi, alors que nous avions roulé non-stop, et arrivés à Boufarik, le conducteur s'est assoupi une seconde. Il s'est réveillé en sursaut, a donné un coup de volant, qui nous a fait percuter la moto d'un gendarme. La voiture a fait des tonneaux et est tombée dans un ravin.»Tandis que ses compagnons s'en sortent avec des blessures superficielles, lui est inconscient. Diabétique depuis quelques mois, il fait une hyperglycémie. Les secours le trouvent en état de choc, gravement atteint. «Quand j'ai repris connaissance quelques heures plus tard, j'étais à l'hôpital. J'ai essayé de me lever, mais impossible de bouger. C'est mon frère qui m'a expliqué la situation», se rappelle-t-il, ajoutant, en se frottant les mains : «J'ai échappé à la tétraplégie de très peu.» Sans fard et sans mâcher ses mots, Fateh raconte à quel point la prise de conscience a été dure. «J'étais désespéré, je voulais mourir. Je ne connaissais rien à cet handicap, et jamais je n'aurai imaginé un jour ne plus marcher.»Après des mois d'hospitalisation et de rééducation, le verdict est sans appel. «Pourtant, à un moment j'ai vraiment cru que ça évoluait en bien. Mais par la suite, on m'a expliqué que ce n'était que la spasticité, et que ça n'impliquait aucune guérison», se rappelle le jeune homme, qui ne cache pas son animosité envers le personnel soignant. «Ils ont été brutaux, sans aucune finesse ni psychologie, ou culture du malade. Vous apprenez que votre vie est foutue, et eux ils vous disent ça comme s'ils vous parlaient de la météo.» Fateh, mécanicien, n'avait pas, avant son accident, de travail fixe, mais il se «débrouillait», enchaînait les petits boulots et les tâches. «Jamais je n'aurais pensé que ma vie pourrait connaître un pareil virage à 180°.»Lorsqu'il sort de l'hôpital, il passe une année cloîtré chez lui. «Je m'enfermais dans ma chambre et je pleurais. J'avais perdu tout espoir, ne sachant que faire, que sera ma vie. Et les choses sont telles en Algérie que depuis, je n'ai pratiquement rien fait», assène le jeune homme. Ses journées, il les passe chez lui ou dans un abri aménagé en bas de son immeuble. «Je veux me bouger, faire quelque chose de mes jours, ne plus dépendre des 4000 dinars de pension que l'on nous donne. Mais le quotidien est semé d'embûches. La formation, les soins, les services, les administrations, etc. Tout est inaccessible», peste-t-il.Quand on lui parle d'avenir, il sourit amèrement. «Il n'y en a pas. Et le plus dur à vivre, à accepter, c'est qu'à mon âge, on aspire à se marier, à fonder un foyer. Mais quelle femme voudra de moi ' Et même pour les enfants, je ne pourrai même pas en avoir.» Ses yeux perdus dans le vague, Fateh confie : «Avant l'accident j'étais quasi-fiancé. Mais vu mon état, ses parents l'ont mariée à un autre.» Après un temps de réflexion, il ajoute : «J'ai coupé les ponts avec les amis avec lesquels j'ai eu l'accident. Eux ils ont repris leur vie là où ils l'avaient laissée, et je leur en veux pour ma vie gâchée.» Et s'il avoue qu'avant le drame il s'en «foutait», il «aimait la vitesse et la conduite dangereuse», que tout ça ne lui posait pas problème, aujourd'hui, il se dit complètement traumatisé. «J'ai très peur de la route, et je ne monte en voiture qu'avec 4 ou 5 personnes que je sais qu'elles conduisent bien et prudemment. Ne dit-on pas que ??celui qui s'est fait mordre par un serpent a peur des cordes''.»




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