Algérie

Farouk Ksentini, président de la CNCPPDH : «Il y a trop d'avocats»



Farouk Ksentini, président de la CNCPPDH : «Il y a trop d'avocats»
Maître Farouk Ksentini, avocat très sollicité et président de la Commission nationale consultative de protection et promotion des droits de l'homme (CNCPPDH), a bien voulu nous accorder un entretien dans son bureau de Blida au cours duquel il a parlé de nombreux sujets d'actualité.Le Quotidien d'Oran : Quelle est votre appréciation de la situation des droits de l'homme en Algérie '
Me Ksentini : Nous pouvons dire que la situation des droits de l'homme s'est nettement améliorée dans notre pays, ce n'est pas encore la perfection mais nous ne sommes pas non plus les derniers. Il y a la liberté de la presse, la liberté d'opinion, les augmentations des salaires de la quasi-totalité des secteurs, le droit à la grève et beaucoup d'autres choses encore qui font que la situation des droits de l'homme en Algérie s'est nettement améliorée. Il y a aussi le droit au logement qui est en train de se concrétiser avec la construction de centaines de milliers d'unités ou encore la création d'emploi dans de nombreux secteurs. Mais il y a aussi la bureaucratie qui entrave encore le développement social, politique, économique de notre pays. Il existe des gens qui se complaisent dans une bureaucratie rigide et improductive qui freine tous les élans citoyens et étatiques pour pousser l'Algérie vers la création de richesses et d'emplois. Si nous réussissons à vaincre la bureaucratie, nous aurons fait un très grand pas vers l'amélioration des droits de l'homme dans notre pays.
Le Q.O.: Selon vous, comment pouvons-nous nous débarrasser de cette bureaucratie qui freine le développement dans toutes ses composantes '
Me Farouk Ksentini : Il faut sévir contre tous ceux qui se complaisent dans cette bureaucratie étouffante, et sévir durement. Les pouvoirs publics devraient écarter tous ces rond-de-cuir qui bloquent les initiatives des citoyens, juste pour des considérations bureaucratiques contre-productives. Il faudrait leur interdire tout poste de responsabilité et prendre les mesures coercitives strictes contre eux. D'ailleurs je viens de recevoir le dossier d'un citoyen, ancien pilote, qui voudrait créer avec ses propres moyens une école de formation de pilotes mais, malgré toutes les garanties présentées, malgré son expérience, malgré l'investissement conséquent qu'il apporte et, surtout, malgré le fait qu'il n'y ait pas une école pour pilotes en Algérie, il a essuyé une fin de non recevoir. Ces gens qui se complaisent dans une bureaucratie, je le répète contre-productive, préfèrent que nos pilotes aillent suivre leur formation à l'étranger au lieu que cela soit en Algérie.
Le Q.O.: Que pouvez-vous nous dire de la situation dans les prisons '
Me Ksentini: Il y a actuellement beaucoup de prisons qui sont construites en Algérie, certaines ont été réceptionnées, d'autres le seront bientôt, et toutes ces réalisations amélioreront de manière notable les conditions matérielles de détention, qui préserveront la dignité humaine des détenus. Actuellement, les prisons sont surchargées mais, dans un très proche avenir, nous aurons 9m2 par détenu, ce qui est dans les normes internationales, c'est un espace vivable suffisant. Il y aura aussi, au lieu des grandes salles qui contiennent des centaines de détenus, des cellules de 4 et 2 détenus et même des cellules individuelles, et il y aura aussi toutes les commodités nécessaires dans ce genre d'établissement. Il y aussi quelque chose de très positif qui a été introduit dans les prisons, c'est cette possibilité pour les détenus de poursuivre leurs études et le nombre -plus de 500- de détenus qui ont obtenu leur baccalauréat cette année est assez édifiant.
Ce sont autant de délinquants qui pourront être sauvés, d'autant plus qu'ils ont bénéficié de remises de peines et qu'ils pourront suivre un cursus universitaire normal dès leur sortie de prison, chose qui les éloignera de manière définitive de la délinquance sous toutes ces formes. J'estime que, de toutes les réformes de la justice, celle des prisons est la plus réussie.
Le Q.O.: En parlant de justice, que pouvez-vous nous dire du degré d'indépendance des magistrats et de la justice en général '
Me Ksentini: Vous savez, il est très difficile de rendre un jugement juste et équitable et, je l'ai toujours dit, les magistrats devraient avoir encore plus de liberté, d'indépendance ; il faudrait conforter tous les acquis obtenus jusque-là et, surtout, il faudrait encourager le magistrat à être indépendant quand il rend un jugement. Beaucoup de magistrats continuent à se considérer comme des fonctionnaires alors qu'ils ont une mission noble, spéciale et difficile à accomplir. Bien sûr, ce sont des êtres humains qui ont des aspirations comme tous les autres mais il leur faudrait épouser les spécificités de cette fonction. C'est pour cela que je dis toujours que les pouvoirs publics devraient inciter les magistrats à être indépendants et à les aider pour y arriver. En outre, tout le monde dit que la justice est un pouvoir alors qu'en réalité la justice est une autorité, il y a lieu de clarifier tous les amalgames. Enfin, je ne sais pas pourquoi beaucoup déforment mes propos en disant que je critique les magistrats alors que ce n'est pas vrai. Au contraire, je dis toujours que les magistrats ont une fonction difficile et que la plupart s'en acquittent de manière honorable, en appliquant la loi.
Le Q.O.: Et la profession d'avocat '
Me Ksentini: Je dirai que ce n'est plus comme avant. Il y a actuellement trop d'avocats et j'estime que les autorités compétentes devraient appliquer un numerus clausus pour limiter le nombre d'avocats et éviter que la profession se clochardise. Il y a une vingtaine d'années, quand j'étais bâtonnier, le nombre d'avocats pour les trois wilayas (Médéa, Blida et Tipasa) était d'à peine cinq cent, alors qu'actuellement il a été multiplié par presque dix, c'est vous dire ! En outre, la profession d'avocat est la seule qui est autorisée sans formation spécifique. En effet, pour être huissier de justice, notaire ou autre, il faut suivre une formation et ce n'est pas le cas pour l'avocat, il suffit d'avoir sa capacité en droit et de suivre un stage pratique de 9 mois pour prétendre à être inscrit au barreau. Je pense qu'il faudrait créer une école d'avocats où les prétendants seront formés durant une période d'au moins cinq ans, ce qui leur permettra d'être aguerris lorsqu'ils se retrouveront au prétoire.


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