Algérie

Farouk Ksentini évoque l'inapplication des lois Etat des droits de l'homme en Algérie



Farouk Ksentini évoque l'inapplication des lois                                    Etat des droits de l'homme en Algérie
La Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH), comme le prévoient ses statuts, vient de rendre public son rapport annuel 2010 portant sur «l'état des droits de l'homme en Algérie».
Conçu en forme de livre de 141 pages, le rapport consigne, d'une part, les différentes activités de la commission, que préside Me Farouk Ksentini, et, d'autre part, ses observations sur le niveau d'application des droits reconnus aux citoyens par la législation dans tous les domaines, tout en faisant l'impasse sur les droits politiques. Le document, dans son premier chapitre, met ouvertement le doigt sur la plaie : les violations des droits de l'homme viennent essentiellement de l'inapplicabilité des lois en vigueur.
«Le président de la Commission nationale estime que l'Algérie possède un arsenal juridique valable en matière de droits de l'homme. Les insuffisances enregistrées dans ce domaine sont imputables au non-respect des lois. Parfois, par ceux-là même chargés d'y veiller. Cette situation dénote une absence de culture des droits de l'homme à l'origine parfois de dépassement plus au moins graves», lit-on dans le rapport.
Selon le document, l'absence de cette culture, qui a provoqué un retard en matière de respect des droits de l'homme, est imputable au colonialisme dont le pays a longtemps souffert et au terrorisme. S'agissant de terrorisme, Me Ksentini «dresse un bilan positif de la réconciliation nationale portée par la Charte pour la paix et la réconciliation nationale de 2005 et adoptée par référendum.
En effet, les résultats obtenus par cette réconciliation sont jugés remarquables, car l'opération a été lourde et coûteuse pour l'Etat». Rappelant que 95% des familles des disparus «ont accompli une démarche volontaire pour bénéficier de l'aide de l'Etat dans un esprit d'entraide sociale», le président de la commission a, également, évoqué la question des personnes détenues dans les centres de sûreté dans la décennie 1990, militants du FIS dissous ou pris pour tels. «Ces personnes ont subi un préjudice physique et moral et doivent être en mesure de recevoir une indemnisation à la hauteur du préjudice subi», annonce-t-on.
La jeunesse algérienne,un atout ou un fardeau '
Dans son rapport, la commission a largement traité de la problématique de la jeunesse algérienne. «La jeunesse mérite d'être appréhendée selon une approche multidimensionnelle qui facilitera plus aisément la préconisation de mesures en connexion profonde avec les réalités nationales», observent les rédacteurs du document. L'omniprésence des jeunes dans la société a un impact sur elle.
Suivant les cas, ils sont perçus soit comme un atout pour le pays soit comme un fardeau. «Le jeune Algérien se construit sous l'effet d'une multitude de repères identitaires et culturels. Il est perçu, de nos jours, beaucoup plus à travers le prisme de la crise sociale. D'aucuns l'enferment dans un triptyque quelque peu réducteur comportant la généralisation de l'éducation secondaire, le rapport de l'âge auquel les deux sexes se marient (vers 30 ans) et l'accès retardé et difficile à un premier emploi et à un logement», relèvent-ils.
Leurs aspirations très concrètes sont globalement les mêmes : accès égal à une éducation de qualité qui les motive et les intéresse ; accès à l'emploi et à des tâches qui fassent appel à leur sens de responsabilité, possibilité d'expression civique et participation démocratique à la résolution des problèmes tant au niveau local que national. Faisant l'avocat des jeunes, la commission note que «la situation générale est jugée par eux et pour eux dégradée. Leurs aspirations ne sont que partiellement satisfaites.
L'insertion dans le monde du travail constitue un des problèmes les plus critiques auquel ils sont confrontés». D'où donc ce cri d'alarme : «Si des politiques adéquates ne sont pas mises en 'uvre rapidement, le chômage et le sous-emploi des jeunes risquent d'avoir, à moyen terme, des conséquences graves pour la stabilité et le développement du pays».
Concrètement, les rédacteurs du rapport préconise que, «devant une jeunesse qui a perdu confiance en elle-même, une exigence historique commande de lui redonner espoir à travers, notamment, un véritable programme national spécial jeunesse dont l'urgence, l'importance et la réalisation sont capitales pour la stabilité et l'avenir de l'Algérie». Ils suggèrent qu'un tel programme devrait être placé directement sous l'autorité de la présidence de la République «pour être en droit d'escompter une plus grande efficacité».
«La harga» : un signe de désespoir
Pour la Commission Ksentini, l'émigration clandestine «est le reflet d'une mauvaise prise en charge des problèmes de la jeunesse, notamment le chômage». L'immigration clandestine, note-t-on, est souvent considérée comme étant un exutoire par certains jeunes à la recherche du rêve d'une vie meilleure en Occident, et d'une rupture ombilicale avec le pays pour différentes formes d'injustices subies.
Dans ce sens, les pouvoirs publics ne font qu'ajouter à une détresse sociale, une stigmatisation des «harraga» par une condamnation à une peine d'emprisonnement ferme ou assortie du sursis. «La Commission nationale considère qu'il est inconcevable qu'un problème social reçoive pour seule réponse une action répressive privative de liberté et appelle, en conséquence, les pouvoirs publics à faire procéder à la décriminalisation de l'acte de harga», mentionne le bilan.
Me Ksentini a estimé regrettable que l'on pénalise le désespoir des jeunes et a proposé de remplacer la peine d'emprisonnement par une amende symbolique et de focaliser davantage sur la «consolidation des droits sociaux des citoyens». Par les chiffres, 7779 personnes ont été interceptées par la Gendarmerie nationale sur le littoral pour tentative d'immigration clandestine, depuis l'apparition du phénomène en septembre 2005.
Des centaines de jeunes ont trouvé la mort lors de la traversée de la Méditerranée (29 corps repêchés en 2005, 73 en 2006, 83 en 2007, 102 en 2008, 117 en 2009 et 337 en 2010).
Citant le commandement des forces navales, les rédacteurs du rapport soulignent que près des deux tiers des corps retrouvés n'ont pu être identifiés du fait de leur «état de décomposition très avancé». Le phénomène est vécu particulièrement dans les wilayas de Tlemcen, Mostaganem, Aïn Témouchent, Oran, Annaba, Skikda et El Taref compte tenu des faibles distances qui les séparent des côtes européennes (94 km entre Aïn Témouchent et Almeria et 130 km entre Annaba et Cap-Rosa).
Les effets thérapeutiques du dialogue social
Dans le chapitre «droits économiques et sociaux», le rapport aborde notamment la question de la cherté de la vie. Il a été ainsi constaté une augmentation de l'indice des prix des produits de large consommation comme la semoule, la farine, l'huile, le sucre et les légumes secs, accompagnée parfois d'une tension durable sur certains produits tels que le lait.
«L'augmentation du SNMG opérée de 2004 à 2010 n'a pas eu d'effet sur le pouvoir d'achat des citoyens en raison de la hausse croissante des produits de première nécessité durant cette période. Cette situation a conduit à la mal-vie et engendré des privations et des frustrations dans beaucoup de ménages à faible revenu», constate-t-on. Pour y remédier, la commission recommande «l'examen de l'option d'indexation des salaires en fonction de l'augmentation de l'indice des prix».
Elle recommande également la création d'une agence nationale de sécurité alimentaire qui aura pour missions d'assurer la veille et l'alerte sur, entre autres, le stock de sécurité en denrées stratégiques. L'organisme que chapeaute Me Ksentini trouve qu'il y a plusieurs facteurs à l'origine de la contestation populaire enregistrée dans plusieurs wilayas à propos de la distribution de logements publics.
Parmi ces facteurs, on cite l'exode rural et la prolifération dans les villes de l'habitat précaire, la lenteur dans la livraison des programmes de logements et des opérations d'attributions souvent considérées comme inéquitables. «Malgré les efforts consentis par l'Etat dans ses programmes de réalisation de plus de deux millions de logements et les mécanismes mis en place pour atténuer la tension dans ce domaine, la demande reste forte et ne connaît pas d'inflexion», déplore-t-on.
Dans ce domaine comme dans d'autres, les conflits entre l'Etat et la population naissent à cause de l'absence de dialogue et de transparence, sur l'incompréhension. «Le déficit de communication et d'information cause de graves préjudices à l'administration et à l'Etat» dans le sens où les citoyens, ne possédant pas d'explications crédibles au sujet du logement ou autre, se livrent à des commentaires tendancieux et des comportements inciviques, observe-t-on.
Aussi l'une des conclusions générales tirées de ce rapport de la commission est la suivante : «Les arguments liés aux efforts déployés par les pouvoirs publics et les réalisations enregistrées dans les domaines de l'habitat, de la santé, des travaux publics, des transports, de l'eau, du gaz et de l'électricité ont un impact plus concret lorsqu'ils sont débattus et expliqués avec les concernés que lorsqu'ils font l'objet de déclarations unilatérales».


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