Algérie

Faouzi Lamdaoui. Ancien secrétaire national à l'égalité au PS français : « Sarkozy réveille les vieux démons du patriotisme xénophobe »



La polémique née du discours du président Nicolas Sarkozy, à Grenoble, faisant part de sa volonté d'instituer la déchéance de nationalité pour les Français « d'origine étrangère, meurtriers de policiers et de gendarmes », continue de susciter les réactions les plus hostiles. Faouzi Lamdaoui, ancien secrétaire national à l'égalité au Parti socialiste et proche de François Hollande, en est un des farouches opposants au discours de Sarkozy. Se trouvant actuellement à Alger, il nous livre, dans cet entretien, son opinion sur la question.   Derrière quel est objectif politique le président Sarkozy court-il en annonçant sa volonté de retirer la nationalité aux Français d'origine étrangère « condamnés pour atteinte à la vie d'un policier ou d'un gendarme » ' Nicolas Sarkozy anticipe les futures élections présidentielles et cherche, de toute évidence, à se rallier l'électorat de l'extrême droite. Le chef de l'Etat n'hésite pas à faire monter les enchères, quitte à remettre en cause les fondements mêmes de la République. Il s'agit bel et bien d'une stratégie électoraliste, mais une stratégie jusqu'au-boutiste et dangereuse, qui s'attaque directement à un principe intangible de la Constitution, l'article 1 qui établit que « tous les Français sont égaux devant la loi, quelle que soit leur origine ». Le discours de Nicolas Sarkozy sur la sécurité, à Grenoble, a d'ailleurs déclenché la colère d'une autorité morale incontestable, Robert Badinter.  L'ancien Premier ministre socialiste, Michel Rocard, dénonce des mesures jamais vues « depuis Vichy et les nazis ». Etes-vous de cet avis ' Nicolas Sarkozy a choisi la provocation comme porte de sortie. Il donne dans le populisme le plus détestable. Il flatte l'instinct grégaire des couches frappées de plein fouet par la crise. Il ressuscite le boulangisme de la fin du XIXe siècle. L'amalgame entre l'insécurité et les « Français d'origine étrangère » rappelle la sinistre France des mauvaises époques, qui « ostracisait » ses propres ressortissants sous prétexte de leur origine ethnique, confessionnelle ou philosophique. Nicolas Sarkozy réveille les vieux démons du chauvinisme discriminatoire, du patriotisme xénophobe, du colonialisme ségrégationniste. Michel Rocard dit, avec force, que les mesures annoncées relèvent carrément du vichysme.  Quel effet a eu cette annonce de Sarkozy sur les Français d'origine étrangère, notamment ceux d'origine maghrébine ' L'expression « Français d'origine étrangère », martelée par Nicolas Sarkozy, contient, dans sa formulation même, un relent de xénophobie. Je préfère parler de « nouvelle génération de Français ». Cette nouvelle génération de citoyens n'est pas dupe des effets d'annonce du président de la République. Elle connaît son côté excessif et volontairement provocateur. Elle éprouve, bien entendu, un sentiment d'injustice et d'indignation. Mais, elle n'est pas pour autant déstabilisée par ce battage idéologique. Ces citoyens de la nouvelle génération vivent comme Français à part entière. Ils connaissent leurs droits. Ils assument leurs responsabilités civiques. Ils sont actifs dans toutes les sphères économiques, administratives, culturelles du pays, de la base au sommet. Ils évitent le piège de la victimisation.  Ce débat, plutôt cette polémique aura-t-elle des prolongements sur les relations entre la France et les pays maghrébins ' La situation politique française, empoisonnée depuis un an par l'exécrable débat sur l'identité nationale, entache gravement l'image de la France à l'étranger. La France des Lumières, la France de la Déclaration universelle des droits de l'homme, la France de la laïcité est aujourd'hui perçue comme un pays régressif, rétrograde, d'arrière-garde. Les relations entre la France et les pays du Maghreb sont anciennes, séculaires, organiques. Elles ne changeront pas sur le fond tant les intérêts communs sont indissociables. Mais elles ne peuvent que pâtir, dans leur forme, de la politique de tension interne et externe entretenue par le gouvernement actuel.  Ne pensez-vous pas que l'UMP a réussi à déplacer le débat sur des affaires de scandales (affaire Bettancourt entre autres), qui éclaboussent des proches du président Sarkozy vers un thème cher à la droite, qui est celui de la sécurité ' Le gouvernement actuel est aux abois. Il agite désespérément le chiffon rouge de l'insécurité pour masquer la faillite de sa politique économique et sociale. Il multiplie les rideaux de fumée pour faire oublier les scandales qui accompagnent sa gestion des affaires publiques, notamment les conflits d'intérêt et les privilèges accordés à certains donateurs généreux du parti de la majorité présidentielle. Le gouvernement actuel prend des risques graves. Il joue avec la paix civile. Le discours de Grenoble met en scène une stratégie de tension qui peut conduire à une guerre sociale.


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