Algérie

Familles et avocats témoignent



Pour soulager quelque peu les familles des détenus et témoigner de leur solidarité, des activistes, militants politiques et des juristes ont organisé, hier au siège du MDS à Alger, une rencontre durant laquelle, des lettres ont été envoyées aux prisonniers.Malgré la douleur et le sentiment d'injustice dont beaucoup se sentent victimes, les familles des détenus d'opinion ne sont pas près de baisser les bras. Histoire de se consoler en attendant une hypothétique délivrance, elles échangent les expériences, mais également les informations sur leurs proches détenus et leurs conditions d'incarcération.
Certes, elles ne sont pas nombreuses à s'engager, mais leurs récits sont quasiment identiques : la plupart des "jeunes du Hirak" qui croupissent en prison sont "des enfants du peuple", des "pauvres sans ressources".
C'est le cas de Fethi Ardjoune dont la s?ur est venue témoigner. Père d'une petite fille, le jeune garçon a été arrêté une première fois, condamné à deux mois de prison, puis relâché. Mais il a été remis en prison et il attend toujours son jugement. Il fait, toutefois, partie de ceux qui ont la chance d'être défendus car ceux de l'intérieur du pays ont dû subir les affres de la solitude avant d'avoir droit à une défense.
C'est le cas des détenus de Tiaret. "Durant de longues semaines, les proches des détenus ne savaient pas où ils se trouvaient. Je me rappelle l'épouse de Dahmani qui ne savait pas où se trouvait son mari, de l'angoisse qu'elle avait vécue. Mais grâce au soutien de Me Chekiri, nous avons réussi à identifier leur lieu de détention et leur constituer des avocats", témoigne Khadidja Belkhoudja, venue de Tiaret, vétérinaire de formation et militante du Hirak.
"Nous ne sommes pas des criminels", a-t-elle martelé, calmement, devant quelques familles de détenus et des militants. De crainte ou par gêne, les familles ne se sont pas montrées loquaces.
À l'inverse des avocats qui n'étaient pas avares de témoignages sur les dizaines de jeunes qu'ils défendent, parfois au péril de leur propre liberté. "Si l'un d'eux parle kabyle, on l'accuse d'appartenir au MAK, s'il apprend le Coran, on lui colle Rachad.
Or, ce sont tous des enfants du peuple, des patriotes qui ne font qu'exprimer des opinions", s'emporte Me Chemoukhine, avocat d'une quarantaine de détenus. "Leurs enfants (de la nomenklatura) ne sont pas concernés. Ce sont les enfants du peuple, des jeunes qui se retrouvent en prison pour un délit d'opinion", atteste-t-il. "Dans certains cas, les familles ne sont même pas capables de payer un ticket de bus pour venir à Alger", s'insurge Me Chekiri qui s'est constituée pour des dizaines de détenus.
Elle raconte, avec une émotion à peine contenue, les conditions de détention de certains prisonniers, comme ceux de Blida dont certains "souffrent du froid" et de "mauvaise prise en charge". "Mais dès que nous leur disons qu'ils ont le soutien du peuple, ils retrouvent le sourire et l'espoir", témoigne-t-elle. "Ce ne sont pas des criminels", rappelle, pour sa part, Saïd Zahi, qui défend beaucoup de détenus d'opinion.
Il reste qu'en dépit de cet engagement, certains avocats se sentent abandonnés. "Oui, nous assistons à des réunions, à des conférences. Mais il ne faut pas se mentir : sur le terrain, les soutiens se font rares !", déplore Sonia Mokrane, avocate. "Il faut dire la vérité, nous les avocats, les détenus et leurs familles sommes seuls !", regrette-t-elle.
Et malgré ces vicissitudes, ils ne perdent pas espoir. "Nos enfants souffrent, nous souffrons avec eux. Mais une chose est sûre : ils vont sortir un jour ou l'autre. Ils seront accueillis en moudjahidine et leurs noms resteront dans l'Histoire de ce pays", soutient le chanteur Hamid Medjahed dont le fils, Chafik, est en prison depuis 7 mois.

Ali BOUKHLEF


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