Algérie

Faire un film, un combat pour exister



Plusieurs professionnelles du cinéma ont évoqué lors de cette rencontre leur expérience personnelle et les difficultés auxquelles elles font face dans un univers masculin.Le 10e Fica (Festival international du cinéma d'Alger, dédié au film engagé), qui s'étale jusqu'au 16 novembre, est inscrit pour cette édition sous le signe "Les migrants, les femmes et le continent africain". À cet effet, une table ronde a eu lieu dimanche à la salle Frantz-Fanon sous la thématique de "Femmes de cinéma et femmes au cinéma", animée par un panel de professionnelles. Réalisatrice, productrice, écrivaine ou encore militante, les conférencières sont revenues tout au long de leurs interventions sur la place de la femme dans ce milieu masculin, leur combat ainsi que leur engagement pour faire entendre leur voix à travers l'image. Modérée par Nadia Meflah dans sa présentation, elle a d'emblée expliqué que "cette rencontre réunit des femmes d'expérience qui travaillent le récit, l'engagement et la constitution d'un point de vue libre et citoyen. Nous avons à c?ur d'entendre les paroles, les témoignages et les regards croisés de ces femmes". Tout en poursuivant : "Cette table ronde donne un aperçu sur la pluralité des réalités des femmes engagées dans le cinéma, devant et derrière la caméra dans toutes les disciplines.
Aussi, ?femmes au cinéma' nous interpelle sur les questions de l'image, de la représentation des imaginaires, des fantasmes et des clichés." Sur l'intitulé de la rencontre, la modératrice a indiqué : "Nous avons à la fois une position, une interprétation et une interpellation de ce qui relève des femmes qui travaillent et sont engagées dans le cinéma. Le cinéma est une industrie, c'est très vaste comme sujet, car nous avons ce qui relève de l'industrie du regard, des rapports de pouvoir, d'égalité sociopolitique et économique, et en même temps de ce qui relève des imaginaires." Questionnées sur leur rapport à cet intitulé, chacune des conférencières a évoqué son expérience et regard personnel sur ce sujet. Pour Jacqueline Gozland (réalisatrice), ayant quitté l'Algérie depuis des décennies, son parcours de cinéaste est "lié à (son) histoire". "Je fais partie de la communauté juive, et la représentation par l'image est interdite, il a fallu tout combattre pour faire sortir une image." Nostalgique de son pays natal, "l'exil de ma terre a été fondateur du désir de me lier aux femmes du monde", a-t-elle indiqué. Tout en donnant pour exemple le rassemblement de 82 femmes sélectionnées sur 1688 hommes au festival de Cannes, pour "montrer qu'elles étaient présentes.
C'était fort, mais le drame est qu'elles doivent se battre pour que l'?uvre sorte et apparaisse sur les écrans. Quand on montre nos films, on existe". De son côté Apolline Traoré (réalisatrice), dans son intervention, est revenue sur les thématiques de ses films. "J'ai choisi de parler de la femme africaine, car j'ai jugé bon que nous ayons une autre façon de présenter la femme à l'écran. Il y a eu beaucoup de sujets élaborés par des hommes avec une certaine identité, une certaine vision, et je me suis sentie assez frustrée par rapport à quelques images sur la femme africaine", a-t-elle précisé. Cette dernière, stigmatisée comme une "femme au foyer", la réalisatrice voulait montrer la "force" de cette femme et sa force en société. Au sujet des films, elle a martelé que l'?uvre d'une réalisatrice est remis en question par rapport à la personne. Alors que pour un homme, la critique observe seulement la qualité de la production.
Pour sa part, Amina Haddad Bedjaoui (productrice), qui prépare en ce moment un film sur Kateb Yacine, a signalé que l'expérience algérienne est différente. "Sur le terrain, je ne sens pas la catégorisation entre hommes et femmes, et cela s'explique par beaucoup de choses : cela est dû au seuil des entraves et des limitations à la liberté de créer et de faire des films." Et de renchérir : "Nombre de difficultés qui mettent en travers des faiseurs de films fait qu'on ne se distingue pas et on ne se sous-distingue pas entre hommes et femmes." À propos de l'intitulé, elle a cité pour exemple trois femmes qui bataillent dans leurs domaines respectifs : Drifa Mezenner, une réalisatrice qui "utilise l'image et le son pour se faire le témoin oculaire des révolutions algériennes" ; Leila Touchi, comédienne qui s'est "investie durant des années pour créer un cinéclub dans sa ville Tipasa" et Laila Aoudj, directrice artistique des RCB, qui a eu "un élan de courage de contrer une des difficultés majeures : la censure, par la projection de deux films frappés d'interdiction de projection".
H. M.


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