Algérie

"Faire renaître La Casbah par ses débris"



Le concept n'est pas vraiment inédit. Beaucoup d'architectes, de par le monde, ont recouru aux matériaux locaux ou d'origine dans la restauration de sites et de monuments anciens. La technique de la jeune fille est, en revanche, novatrice.Pour obtenir son master en architecture, à la Faculté centrale, Céline Djaout, 22 ans, ne devait présenter qu'un mémoire et une conception architecturale et urbaine. Elle a choisi d'aller au-delà des prérequis académiques, en se hasardant dans une expérience pratique sur la revalorisation des débris. Elle s'est intéressée exclusivement aux vestiges amoncelés sur les emprises au sol des bâtisses effondrées : "Je voulais travailler sur la restitution de l'image identitaire de la casbah d'Alger et la faire renaître à partir de ses débris." L'idée n'est pas vraiment inédite.
Beaucoup d'architectes, de par le monde, ont recouru aux matériaux locaux ou d'origine dans la restauration de sites et de monuments anciens. La technique de la jeune fille est, en revanche, novatrice. "J'ai récupéré de la terre et des gravats de La Casbah d'Alger avec l'aide de citoyens, en préservant les briques et les pierres, ayant conservé leur aspect initial, pour qu'elles puissent être réutilisées telles quelles dans les travaux de réhabilitation et de rénovation des maisons encore debout", rapporte-t-elle. Elle a sollicité, ensuite, l'assistance logistique du Cnerib (Centre national des études et recherches intégrées au bâtiment) pour pouvoir lancer une fabrication expérimentale de blocs de pierre comprimée.
"En atelier, j'ai procédé au broyage de cette terre, qui contenait différents matériaux, tels que la brique de terre cuite, la brique de terre semi-cuite, des cailloux, de la chaux et du sable. J'ai utilisé cette matière comme une matrice et une base pour le bloc de pierre comprimée. Le challenge était de savoir si en mélangeant ces matériaux, je pouvais obtenir une matière première adhérente et adéquate pour la fabrication du bloc", explique notre interlocutrice. Au laboratoire, elle a testé plusieurs formulations en changeant le pourcentage des stabilisants, après avoir identifié la nature et la composition de la terre (majoritairement sableuse ou argileuse). "J'ai alors décidé d'inclure une infime proportion de ciment. Dès que je suis parvenue à un équilibre entre les différents constituants, j'ai commencé à fabriquer les blocs. Je les ai mis à l'abri du soleil pour éviter les craquelures et le séchage précoce. Après 45 jours de cuve, j'ai procédé aux essais de compression", poursuit-elle.
Les résultats de ce process sont surprenants : les briques conçues sont stabilisées et résistantes à 15 mégapascals contre force exercée d'une puissance de 300 kiloNewtons. "C'est un record pour le BTC (secteur du bâtiment, ndlr). Un chercheur m'a dit que cette résistance est peut-être due à l'incorporation d'une terre cuite contenant de l'argile cristallisée et durcie préalablement." La jeune architecte, passionnée et motivée, veut s'inscrire dans un cadre organisé et codifié, pour mettre en pratique son "invention". "Je veux rénover, avec ce matériau, une maisonnette que le propriétaire souhaite restaurer. Ce sera un projet pilote."
Elle lance régulièrement sur les réseaux sociaux des recherches spécifiques à son projet : un broyeur mécanique de grande taille ; de grandes poubelles à placer dans des endroits stratégiques de la vieille ville ; des résidants disposés à utiliser sa technique...

Souhila H.


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