Algérie

Faible marge de man'uvre pour le nouveau Président



Récurrentes dans le discours des politiques, les réformes n'ont jamais été réellement appliquées, faute de volonté politique, voire d'une réelle disposition à changer de modèle économique basé sur la rente et sa redistribution.Plus de cinq ans après le contrechoc pétrolier de l'été 2014, les positions financières internes et externes du pays n'ont jamais été aussi fragiles. L'actuel Exécutif, issu d'un des derniers desiderata du président déchu, reproche aux précédents gouvernements d'avoir laissé pourrir la situation, mais il s'est illustré, à son tour, par un amateurisme criant, slalomant entre populisme et inconséquence, alors que le pays traverse une grave tension financière, combinée depuis peu à une impasse politique insurmontable.
L'heureux vainqueur du très contesté scrutin du 12 décembre a développé un discours économique pour le moins léger et peu rassurant par rapport aux grands dangers qui guettent le pays, aussi bien au plan économique que sur le front social. Un Premier ministre vient d'être désigné, en attendant la formation de son gouvernement, ce qui donnera un avant-goût de ce que sera l'attitude du nouveau président face à la crise financière que traverse le pays, aggravée, faut-il le reconnaitre, par la passivité et la fuite en avant des précédents gouvernements.
Faute d'un programme économique clair, le nouveau président devrait d'abord composer avec le cadrage hérité du gouvernement des affaires courantes qui, pendant moins d'un an, a fait voter une loi de finances qui autorise le retour à l'endettement extérieur, la suspension des tirages de la planche à billets, la révision de la règle du 51/49% encadrant l'investissement étranger en Algérie, la dévaluation progressive de la monnaie nationale, etc.
Le gouvernement Bedoui avait également imposé de nouvelles règles du jeu en matière d'importation et fait valider une nouvelle loi sur les hydrocarbures et révisé la loi organique relative aux lois de finances en séparant le régime fiscal applicable aux hydrocarbures du régime fiscal global auquel est soumis l'ensemble des contribuables. C'est quand même politiquement maladroit qu'un gouvernement nommé par Abdelaziz Bouteflika puisse ainsi baliser le terrain à un président qui prétend vouloir rompre avec l'ère Bouteflika.
Au plan purement économique, les mesures mises en place par le gouvernement Bedoui n'apportent aucune parade aux urgences économiques immédiates, tant il est vrai que le retour sur investissement de certaines de ces dispositions ne peut être perceptible qu'à moyen et long termes, dont le retour à l'endettement extérieur et la révision de la loi régissant l'investissement dans les hydrocarbures.
Les dangers les plus immédiats sont bien connus : creusement des déficits budgétaire et courant, ralentissement net de la croissance et déclin de l'investissement public et privé, hausse du taux de chômage et resserrement du marché de l'emploi, absence de parechocs financiers. Le pays croule sous la dette interne qui a fortement bondi depuis l'adoption de la planche à billets comme instrument financier, alors que les réserves de change ont chuté à moins de 70 milliards de dollars, contre près de 194 milliards de dollars vers la mi-2014.
Face à ce tableau, dont les voyants virent dangereusement au rouge vermeil, le nouveau président, de surcroît mal élu, ne dispose que d'une faible marge de man?uvre, alors qu'il a appelé à mettre en place des réformes de fond, dont certaines sont forcément impopulaires.
Récurrentes dans le discours des politiques, ces réformes n'ont jamais été réellement appliquées, faute de volonté politique, voire d'une réelle disposition à changer de modèle économique basé sur la rente et sa redistribution. Ce modèle montre désormais ses limites, et la rente tend à s'amenuiser faute d'une bonne rentabilité du baril de Brent.
L'année prochaine s'annonce difficile pour le nouveau locataire d'El-Mouradia. Le tarissement des ressources et la fragilité politique du nouveau président réduisent fortement sa marge de man?uvre, alors que l'économie du pays traverse une forte zone de turbulences qui requiert une bonne dose de réformes pour pouvoir éviter le crash. Or certaines réformes sont difficiles à vendre politiquement, à l'heure où le fossé séparant le gouverné du gouvernant ne fait que s'élargir.

Ali Titouche


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