Algérie

Face aux ténèbres



Parfois, sinon souvent, elle tarde à  venir, prend des chemins de traverse pour le moins inattendus, ou ne vient jamais du tout, du vivant de celui qui l'attendrait, goulûment et frénétiquement, entendez la consécration littéraire. Comme si cette soupe si étrange, si ineffable, qui mijote, à  petit feu, dans la grande marmite historique et anthropologique, constituait encore une partie intégrante de l'écriture proprement dite. En est-il vraiment ainsi '
La romancière britannique, Beryl Margaret Bainbridge (1932-2010), qui vient d'être couronnée, à  titre posthume, du Prix d'honneur décerné par le jury du Booker Prize, n'a pas eu la chance, de son vivant, de décrocher la  distinguée distinction. Pourtant, durant les années quatre-vingt-dix du siècle dernier, elle avait été nominée à  plusieurs reprises pour cette récompense littéraire considérée comme la plus prestigieuse dans le monde des lettres de langue anglaise. Et, plusieurs fois, elle avait été pressentie, voire donnée comme «finaliste». C'est dire qu'elle avait un arrière et un avant-goût de l'échec, d'autant que celui-ci se doublait, dans sa vie privée, d'un échec conjugal qui l'avait marquée. Cependant, elle n'en est sortie que plus déterminée que jamais. Et même si, à  un moment de sa vie, elle avait tenté de se suicider, sa faiblesse momentanée finit par se muer en une puissante force de créativité littéraire qui fait, aujourd'hui, date, dans la littérature anglaise contemporaine.
Pour l'écrivain, tout écrivain, il fait beau dans les ténèbres, celles dans lesquelles il plonge, toute sa vie durant, avec passion et amour. En fait, l'histoire de la littérature mondiale nous apprend, à  chaque fois, que cette créature des limbes pour ainsi dire, ne peut pas se tenir en place, non pas parce qu'elle ne le veut pas, mais parce que justement elle ne peut pas localiser sa passion, pour pasticher le romancier Louis Ferdinand Céline  (1894-1961). En effet, au fil de nos lectures, on a beau attendre de l'écrivain un certain réalisme vis-à-vis de lui-même et de la société, le dos à  peine tourné, il est déjà ailleurs.
D'où ce feu qui n'a cessé d'animer certains hommes de lettres à  travers l'histoire. La presse littéraire britannique est unanime à  dire que Beryl Margaret Bainbridge s'en est sortie à  bon compte, même si la consécration lui est parvenue bien tardivement.
Le romancier américain, John Kennedy Toole (1937-1969), dont la vie s'est achevée tragiquement, aurait pu sombrer dans l'oubli à  tout jamais.
Fort heureusement pour lui, il avait eu la chance d'avoir une mère, dévouée et batailleuse à  la fois, qui avait cru en son talent de romancier et qui n'eut de cesse de frapper à  toutes les portes des éditeurs américains pour faire admettre son manuscrit intitulé La Conjuration des imbéciles.
N'est-ce pas en 1981 que le Prix Pulitzer, qui couronne chaque année un grand auteur américain, est venu justement à  sa rescousse, à  titre posthume lui aussi, au grand dam de tous ceux qui, de son vivant, avaient marginalisé son œuvre, au prétexte qu'il souffrait d'un dérèglement caractériel.
Faut-il pour autant baisser les bras face aux ténèbres ' Eh bien, il s'agit-là, assurément, d'une question à  laquelle chaque écrivain doit trouver une réponse, mitigée peut-être, mais entrant dans sa ligne de conduite. Le reste ne relève pas de lui mais de ce que certains appellent la chance et d'autres le destin. toyour1@yahoo.fr
 


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