Il existe une
sourde discorde au gouvernement algérien sur la conduite à tenir dans l'affaire
Djezzy. Le chiffre de 6,5 milliards de dollars a réveillé les «suiveurs». Dans
le même temps le nouveau redressement hors norme de 1,3 milliard de dollars
relance le risque d'un conflit à l'international. Nassim Kerdjoudj, PDG de
Net-Skills et vice- président du FCE, propose une autre démarche pour boucler
l'opération. Alors que d'autres experts persistent à juger que le scénario de
la non acquisition est le plus probable.
La fuite
organisée, la semaine dernière, par une source interne au ministère des
finances algérien sur l'évaluation de OTA par le cabinet Shearman et Sterling
LLP (France) a compliqué un «processus» d'acquisition de Djezzy par l'Etat
algérien qui était déjà bien touffu. «L'informateur de Reuters ne voulait pas
que du bien à l'opération d'acquisition de Djezzy» croit savoir un haut
fonctionnaire du même ministère des Finances à Alger : «le chiffre de 6,5
milliards de dollars lancé ainsi en public avait toutes les chances de choquer.
En plus la source a laissé entendre que ce montant correspondait à 51% de la
valeur de Djezzy et non à la totalité, ce qui n'a fait qu'accroitre
l'étonnement général». La «fuite» du ministère des Finances qui tombe en pleine
campagne électorale est jugée par ce cadre du secteur comme «un véritable coup
de poignard dans le dos du projet d'acquisition de Djezzy». Le point de vue
hostile à l'opération pour son coût exorbitant pour un objectif jamais
explicité, a pris à témoin l'opinion publique et la classe politique. «Il
s'agit de sortir 3,5 milliards de dollars des caisses de l'Etat pour prendre le
contrôle d'une entreprise qui travaille déjà en Algérie» rappelle Nassim
Kerdjoudj, Pdg de Net-Skills et vice président du FCE : «ce sont dix années de
bénéfices payés à l'avance aux actionnaires de Vimpelcom, compte tenu des
investissements nécessaires les prochaines années avec notamment la 3G».
Colossal. L'épisode de la fuite du ministère des finances et du démenti du ministre
Karim Djoudi sur l'acceptation par l'Algérie de ce montant de valorisation
comme base de la transaction rend l'imminence d'un accord «peu probable» pour
de nombreux commentateurs. Et d'abord aux yeux d'un des deux experts, proches
du dossier, qui ont plaidé, le non aboutissement possible de la cession de 51%
de Djezzy dans le précédent numéro du supplément économique Quotidien
d'Oran-Maghreb Emergent : «l'annonce d'un redressement fiscal de 1, 3 milliard
de dollars confirme bien que nous ne sommes pas dans une négociation classique.
Je persiste à dire qu'il n'y a pas d'avancées et que nous sommes dans une
situation où l'Etat algérien a choisit de jouer la montre, peut-être pour
botter en touche à la fin». L'échec des négociations et le retour de la menace
d'un arbitrage international ne sont pas exclus dans ce cas de figure. «Un
redressement fiscal en cours de négociation commerciale est une arme entre les
mains de Vimpelcom pour dire qu'il subit un acharnement. Les autres
multinationales en Algérie ne connaissent pas ce sort» estime l'expert
financier qui ajoute «je sais que les avocats du cabinet français qui a procédé
à l'évaluation sont frustrés. Ils n'ont pas pu aller au bout de leur travail et
surtout pas pu développer la bonne démarche pour faire aboutir la transaction.
RENVERSER LA
DEMARCHE POUR ABOUTIR A LA TRANSACTION
C'est ce scénario
du retour au conflit qui fait dire à Nassim Kerdjoudj que «nous sommes dans le
perdant-perdant et ce serait catastrophique pour le pays que cela persiste.
Autant la réussite de Orascom a fait dire que l'Algérie était un Eldorado,
autant l'issue de cette affaire pourrait définitivement faire fuir les
partenaires étrangers». Ce qui a amené vers l'impasse actuelle selon Nassim
Kerdjdoudj est un «mauvais calcul» de la partie algérienne : «Djezzy ne s'est
pas effondrée. Elle a subi des redressements fiscaux, des interdictions de
toutes sortes et des poursuites judiciaires, mais n'a pas été lâché par les
utilisateurs algériens qui ont ainsi exprimé un certain attachement à
l'opérateur qui a démocratisé le mobile dans le pays». Conséquence, la
valorisation de Orascom Télécom Algérie; propriétaire de Djezzy- est demeurée
haute. Et le cabinet engagé par la partie algérienne a dû se résoudre à une
estimation qui est sans doute bien plus élevée que celle à laquelle aspiraient
son employeur. Pour le PDG de Net-Skills, il est vital de rapprocher les
positions des deux parties et le gouvernement algérien devrait engager pour
cela une cellule de médiation qui n'a d'intérêt ni d'un côté ni de l'autre pour
réfléchir aux moyens d'aller au bout de cette opération «car faire machine
arrière aujourd'hui peut être encore plus préjudiciable que de trouver un
terrain d'entente pour rendre algérienne la majorité du capital d'OTA». Des
experts internationaux impartiaux aideraient le ministère des Finances et le
conseil d'administration de Vimpelcom à ouvrir de nouvelles pistes. Nassim
Kerdjoudj s'avance même à proposer des profils comme «Hassan Kebbani, qui ne
travaille plus chez Orascom. Il connaît OTA qu'il a dirigé, et est apprécié à
Alger, il pourrait faire partie d'une telle cellule de médiation». L'idée selon
le vice-président du FCE est de renverser la démarche actuelle. Arriver à la
transaction par les incitations et non par la répression. Il s'agirait donc
d'amener les actionnaires russo-norvégiens de Vimpelcom à accepter un prix de
cession plus bas en contrepartie non pas de la cessation des mesures de
rétorsion, qui risquent plutôt de conduire à une décision de tribunal
international préjudiciable pour l'Algérie. En échange, ils bénéficient de
l'engagement de l'Etat pour verrouiller totalement le marché du fixe et de
l'internet afin de faire de Djezzy algérianisé un acteur majeur des TIC. Ce
serait alors du gagnant-gagnant». Dans la semaine où Algérie Télécom connaît
son sixième directeur général en sept ans, la proposition n'est pas dénuée de
bon sens.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 03/04/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Samy Injar
Source : www.lequotidien-oran.com