La crise de
l'endettement des Etats largement évoquée au niveau mondial par l'ensemble de
la presse internationale en ce mois de juillet 2011, et notamment le risque de
l'insolvabilité de l'économie américaine première puissance économique mondiale,
pose la problématique de l'urgence d'une nouvelle régulation de l'économie
mondiale.
Le risque
d'insolvabilité américain combiné avec l'actuelle crise euro péenne serait catastrophique tant pour l'économie mondiale
entraînant une récession généralisée pire que celle d'‘octobre 1929 et celle 2008
du fait des interdépendances des économies et donc sur l'économie algérienne.
La reprise économique mondiale en cours étant
encore fragile, on ne peut pas exclure l'hypothèse d'une rechute dans les
prochaines années, s'il advenait que la dépense publique se ralentisse et que
la croissance ne soit pas reprise par l'entreprise privée, et ce à mesure de
l'atténuation de l'impact des mesures de relance budgétaires et monétaires sur
la croissance. Comme il ya aura lieu de tenir compte
de la nouvelle reconfiguration géo stratégique mondiale horizon 2015/2020, avec
un «reformatage» qui modifiera certainement le peloton de tête du développement
économique, tout comme le modèle de comportement dans la sphère économique avec
le défi environnementale et les modes de fonctionnement des marchés économiques.
Economie mondiale:
un endettement public mondial inquiétant
Souvent l'on ne
différencie pas exactement ente le déficit budgétaire (flux) de la dette
publique (stock), le déficit budgétaire étant la situation dans laquelle les
recettes du budget de l'État sont inférieures aux dépenses, donnant un solde
négatif et pour financer son déficit, l'État est obligé d'emprunter. La dette
de l'État se définit quant à elle comme l'ensemble des emprunts effectués par
l'État, dont l'encours (montant total des emprunts) résulte de l'accumulation
des déficits de l'État. Aussi, elle ne doit pas être confondue avec la dette
extérieure (là aussi à ne pas confondre le principal qui est un stock avec le
service de la dette qui est un flux), constituée de l'ensemble des engagements
des agents économiques d'un pays (particuliers, entreprises..), et non
seulement de l'État, vis-à-vis de prêteurs étrangers. Ces deux données, bien
que différentes, sont liées: le flux du déficit budgétaire vient alimenter
l'encours de dette, qui en retour agit sur le niveau de déficit par
l'augmentation des intérêts versés, qui sont une charge (dépense) budgétaire, la
succession des déficits favorisant l'apparition de nouveaux déficits. En effet,
le gonflement de la dette provoque un effet «boule de neige» selon un processus
auto-entretenu, la charge d'intérêt qu'elle produit
conduisant à augmenter le déficit et donc à accroître encore l'endettement de
l'État et la charge des intérêts. Dans ce cadre, pour le président de la Réserve fédérale Ben Bernanke, l'augmentation de la dette américaine contribue à
faire monter les taux d'intérêt à long terme et qu'il est temps de commencer à
travailler aux moyens permettant de réduire les déficits, je cite: « l'Etat
américain, confronté à un important déséquilibre budgétaire, ne pourra pas
poursuivre indéfiniment son soutien à l'économie. Il n'est ni possible ni
souhaitable que les dépenses fédérales se maintiennent à un niveau aussi élevé
». Mais cela n'est pas propre aux USA comme en témoigne l'explosion des
déficits budgétaires pour l'ensemble des pays européens sans compter les
déficits des pays émergents. Selon le site international Wikipedia,
en 2011, la dette publique US dépasse les 14 200 milliards de dollars, soit
plus de 95% du PIB, étant supportée par des créanciers principalement japonais,
chinois, européens et arabes, les pays du Golfe notamment et très
accessoirement l'Algérie qui a déposé plus de 40% de ses réserves de change en
bons de Trésor américain. Cependant, les 7 000 milliards de dollars de
placements américains dans le monde reçoivent plus de dividendes de leurs
investissements à l'étranger que le pays ne paie d'intérêts sur leurs dettes, les
avoirs américains à l'extérieur étant essentiellement composés d'actions alors
que les créances étrangères correspondent à des titres obligatoires sur le
Trésor américain. La différence de rendement entre des actions et des
obligations explique que les États-Unis restent, en dépit de leurs déficits, des
investisseurs bénéficiaires. [Pour l'Europe, à l'occasion de son séminaire
européen qui s'est tenu à Namur (Belgique) du 22 au 24 mai 2010, pour
l'organisation CADTM, la dette publique européenne serait passée de 7300 à 8 700
milliards d'euros entre 2007 et 2009. Le bloc des cinq pays jugés fragiles de
la zone euro- Portugal, Irlande, Grèce, Espagne, Italie - souffre de
difficultés financières aiguës. Quant au G7 pour CMA DataVision,
au 01 janvier 2010 31 décembre 2009, il totalise 30.000 milliards de dollars de
dette publique et ce montant a crû depuis.
Les politiques économiques
classiques en désarroi face à la crise
Le prix Nobel
d'économie de 2001 Joseph Stiglitz estime que les
actions actuelles de sortie de la crise et notamment les différentes réunions
du G20 ne sont qu'une solution à court terme les comparant à «une transfusion
sanguine massive à une personne souffrant d'une grave hémorragie interne». L'émergence
d'une économie et d'une société mondialisées et la fin de la guerre froide
depuis la désintégration de l'empire soviétique, remettent en cause la capacité
des États-Nations à faire face à ces bouleversements.
Les gouvernements à travers les États-Nations – et la
crise actuelle en est la démonstration, sont désormais dans l'impossibilité de
remplir leurs missions du fait de la complexification des sociétés modernes, de
l'apparition de sous-systèmes fragmentés, de l'incertitude liée à l'avenir et
de la crise de la représentation politique, d'où l'exigence de s'intégrer
davantage dans un ensemble plus vaste pour pouvoir répondre aux nouvelles
préoccupations planétaires. Se pose donc cette question : les institutions
internationales telles que le FMI ou la Banque mondiale, les organisations multilatérales
telles que l'OCDE et les organisations à vocation universelle comme les Nations
Unies et ses organes subsidiaires (UNESCO, FAO, …) peuvent-elles servir de
régulation mondiale? En l'absence d'institutions internationales réformées
tenant compte des nouvelles mutations mondiales et notamment des pays émergents,
capables de prendre le relais de la souveraineté étatique défaillante, le
risque est que le seul régulateur social demeure les forces du marché à
l'origine d'ailleurs la crise mondiale actuelle. D'une manière générale, les
thérapeutiques sur les perspectives de sortie de la crise sont contradictoires
entre les partisans de l'orthodoxie monétaire et les partisans de la relance
par le déficit budgétaire. Ainsi, la grande majorité des économistes s'accorde
aujourd'hui sur la nécessité d'asseoir la macroéconomie sur des fondements
microéconomiques. La situation actuelle est insupportable et dangereuse et
conduira au chaos si l'on n'entreprend pas de réformes profondes. Si les Etats-Unis
ne mettent pas de l'ordre dans leur budget et ne font pas davantage d'économies,
ils vont au-devant de problèmes douloureux avec pour risque d'accentuer la
récession mondiale, le dollar représentant en 2010 60% des transactions
mondiales contre 27% pour l'euro. Pour l'Europe, des pays comme la Grèce, l'Italie, le Portugal
et l'Espagne seront tôt ou tard menacés d'insolvabilité et l'Union européenne
redoutera tôt ou tard que ces pays ne sombrent dans un chaos semblable à celui
de l'Argentine en 2002 et de l'Islande en 2008. Ces chocs vont bouleverser une
nouvelle fois l'économie mondiale. D'où l'urgence d'une refonte du système
monétaire international avec de nouvelles instituions de régulation. En effet, l'émergence
d'une économie et d'une société mondialisées et la fin de la guerre froide
depuis la désintégration de l'empire soviétique, remettent en cause la capacité
des États-Nations à faire face à ces bouleversements.
Les gouvernements à travers les États-Nations-et la crise actuelle en est la démonstration,
sont désormais dans l'impossibilité de remplir leurs missions du fait de la
complexification des sociétés modernes, de l'apparition de sous-systèmes
fragmentés, de l'incertitude liée à l'avenir et de la crise de la
représentation politique, d'où l'exigence de s'intégrer davantage dans un
ensemble plus vaste pour pouvoir répondre aux nouvelles préoccupations
planétaires. Cette régulation mondiale est rendue d'autant plus urgente avec
cette financiarisation accrue car il s'échange chaque jour 4.000 milliards de
dollars de devises sur les marchés des changes, trois fois plus qu'il y a une
décennie, selon l'enquête triennale publiée fin aout 2010
par la Banque
des règlements internationaux. Les acteurs non bancaires font désormais la
moitié des transactions, la City
renforçant sa prééminence, avec 37% des échanges de monnaies et 46% des
transactions sur les dérivés de taux d'intérêt. Paris avec 3% du négoce de
devises et 7% sur les dérivés (troisième rang derrière Londres et New York). Nous
assistons à l'entrée du dollar australien, le won coréen, la lire turque, la
roupie indienne, ces monnaies qui progressent, au détriment du billet vert et
l'introduction du yuan chinois sur ce marché dans un proche avenir devrait entraîner de profonds bouleversements. En l'absence
d'institutions internationales réformées tenant compte des nouvelles mutations
mondiales et notamment des pays émergents, capables de prendre le relais de la
souveraineté étatique défaillante, le risque est que le seul régulateur social
demeure les forces du marché à l'origine d'ailleurs la crise mondiale actuelle.
Bons de Trésor américain
et stratégie de la cotation du dollar
La politique de
dépréciation du dollar correspondant à une politique volontaire de baisse du
dollar afin d'essayer de réduire le déficit commercial et de limiter la valeur
réelle des USA de leur endettement mondial libellé en dollars. Une forte
remontée du dollar face aux principales monnaies mondiales, supposerait une
forte hausse des taux d'intérêt de la
Fed et une baisse de la création
monétaire, en contradiction avec le programme du nouveau président US dans la
mesure où toute appréciation aurait pour conséquence le frein du marché
immobilier (crédits inabordables du fait d'une hausse des intérêts sur les
ménages endettés à taux variables), la consommation américaine pouvant être
freinée avec le risque d'accélération des faillites des entreprises. Cependant
au vu des perspectives tant de l'économie mondiale que de l'économie américaine,
il est attendu que la Fed relève dans un proche avenir son taux
d'escompte mais d'une manière graduelle comme cela a été le cas récent pour la Banque centrale européenne.
Cette politique monétaire des USA est intiment liée au fonctionnement actuel du
système monétaire international. Avant 1971, date à laquelle existait une
relations directe entre la parité du dollar et le stock d'or (parité fixe
contenue dans les accords de Breeton Woods), cette parité ayant été remplacée par des taux de
change flexible par la suite. L'endettement net extérieur a été la résultante
des déficits de la balance commerciale américaine accumulés depuis les années 1980.
Aussi, les Etats-Unis d'avant la crise ressemblent à une banque d'investissement
qui se finance massivement en émettant de la dette et investit de façon
colossale en actifs risques étrangers (stocks, investissements directs). Justement,
concernant les bons de Trésor, face à cette situation, la Fed
américaine pourrait envisager d'accroître sa capacité d'échange de bons du
Trésor contre des produits obligataires dépréciés et ce afin de trouver les
fonds nécessaires pour continuer de nettoyer le bilan des établissements
financiers des actifs «toxiques». Néanmoins, selon Philippe Béchade,
membre de la fondation Agora et spécialiste des marchés, «plus la Fed
engrange des positions de moindre qualité (même si elle s'en défend), plus
l'avantage des T-Bonds - en termes de sécurité - se
réduit par rapport aux emprunts émis par des entreprises disposant d'un bon
matelas de cash et de revenus récurrents». Le risque n'est-il pas une nouvelle
bulle qui risque de toucher les bons du Trésor US ? Ainsi, les investisseurs
qui cherchent refuge dans les bons du Trésor US pour se prémunir des risques, ne
feront qu'accélérer le transfert du bilan des banques du secteur privé vers
celui du prêteur en dernier ressort avec l'accélération du déficit budgétaire. Ce
qui se répercutera sur le dollar dans la mesure où la création monétaire ex nihilo et la baisse de la qualité de la devise se traduit
par une baisse simultanée de la rémunération, les placements dans les bons du
Trésor US s'apparentant à épargner plus pour gagner moins. Dès lors du fait du
manque de confiance, l'on pourrait assister à une chute du dollar américain qui
entraînera une vente massive des bons du Trésor US. Quant à la part chinoise, elle
représente environ 45% de la dette totale externe des Etats-Unis, étant
concentrés surtout au niveau de la banque centrale de Chine. Courant 2010, sur 2450
milliards de dollars de réserves de change chinois une grande partie est
libellée en dollars. A fin août 2010, la Chine détenait un total de 868,4 milliards de
dollars de bons du Trésor américain, selon des chiffres officiels américains et
1000 milliards de dollars courant 2011 selon d'autres sources. Ce que Pékin
redoute par devant tout : une véritable explosion de la dette américaine, laquelle
aurait pour conséquence un affaiblissement accru du dollar entraînant de facto
une dévalorisation des bons du Trésor détenus par la Chine. En affichant une
perspective négative en juillet 2011, la Standard and Poor's
semble ainsi alerter la Chine
sur l'incapacité des politiques américains à endiguer la situation, contexte de
nature à impacter grandement la valeur des investissements chinois en dollars. Pourtant,
malgré certaines déclarations contre l'hégémonie du dollar, la Chine continue à être un
gros acheteur de bons du Trésor. Ainsi, la crise a rendu de facto l'économie
américaine encore plus dépendante de la Chine et la Chine plus dépendante des USA car toute
contraction de la demande affecte les exportations chinoises. Mais est-ce que
cette situation pourra continuer à l'avenir ? Tout dépendra de l'attitude de la Chine, premier créancier des
Etats-Unis et tout le problème est le suivant : les Chinois continueront-ils à
acheter des bons du Trésor des Etats-Unis ? Qu'en sera-t-il si la dépréciation
du dollar devait continuer dans le temps et l'achat récent des droits de
tirages spéciaux (DTS) émis par le FMI par la Chine mais également par l'Inde, n'inaugure-t-il
pas un changement de la politique monétaire et une refonte dus système
monétaire international?
Et l'économie algérienne
?
Il est étonnant
que les responsables algériens, l'Algérie dont le déficit budgétaire uniquement
pour l'année 2011 dépasse 62 milliards de dollars, l'économie algérienne étant mono-exportatrice dont le prix des hydrocarbures est
dépendant de l'extérieur, rappelons les effets de la crise de 1986 avec les
ondes de choc en 1994 (cessation paiement), la chute de près de moitié (45%) des
recettes en devises entre 2008/2009 et dont la majorité des réserves de change
du pays sont placées à l'étranger, n'accordent pas une attention à ce processus
alors que tous les dirigeants du monde, experts des pays développés et pays
émergents alertés sont présents dans les médias lourds. Comme toujours et faute
de prévisions et de gouvernance et ce dans presque tous les domaines, navigant
à vue, l'on espère que l'orage passera et la télévision algérienne toujours est
absente de véritables débats, qui pourtant engagent le pays et la sécurité
nationale, débats ouverts, comment passer d'une économie de rente à une
économie hors hydrocarbures fondée sur l'innovation continue dans un cadre
concurrentiel mondial, supposant de profonds réaménagements du pouvoir
politique. Or, la crise de l'endettement des Etats que l'Algérie éponge
artificiellement par les recettes des hydrocarbures sans s'attaquer à l'essence
du mal, a un impact sur l'économie algérienne car toute contraction de
l'économie mondiale signifierait moins d'exportations d'hydrocarbures comme en 2008/2009
où les recettes ont chuté de 45%. Il y a lieu d'être attentif au fait et que 98%
de nos exportations sont libellés en dollars et 60% de nos importations en
euros. Par ailleurs, selon le ministre algérien des Finances, 80% des 157
milliards de dollars sont déposés à l'étranger en bons de Trésor dont 45% aux
USA, 45% en euros, le reste en yen et livre sterling et toute dépréciation
combinée à l'inflation mondiale donnerait un rendement négatif. Aussi je suis
sceptique pour les 80% des réserves de change algériennes placées à l'étranger
dont 45% en bons de Trésor américain et 45% en euros quant aux déclarations du
gouverneur de la Banque
d'Algérie, lequel affirme que le rendement de ces réserves est de l'ordre de
plus de 4%, ramenant presque 5 milliards de dollars d'intérêts par an. Avec le
taux d'inflation et le faible taux d'intérêt de la FED mais également de la Banque centrale européenne
le rendement est bien en deçà.
• Professeur, expert international
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Posté Le : 21/07/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abderrahmane Mebtoul*
Source : www.lequotidien-oran.com