Algérie

«Face à la concurrence des autres pays, les entreprises françaises prennent conscience que le marché algérien n'est pas acquis d'avance»



En marge des premières rencontres algéro-françaises de l'industrie pétrolière et gazière, organisées sur le modèle be to be au Méridien, à Oran, les 5 et 6 mars derniers, Réda El Baki nous livre dans cet entretien les missions de la CCIAF et son idée sur la situation des partenariats économiques entre l'Algérie et la France.
Vous organisez aujourd'hui les premières rencontres de l'industrie du gaz et du pétrole. Mais peut-on avoir une idée de ce qui a été réalisé depuis la création de la CCIAF en 2011'
Attention, la rencontre d'aujourd'hui ne porte pas sur l'exploration des hydrocarbures. Cela nous dépasse. Nous ne sommes pas là pour discuter des gros contrats, des gros marchés. Nous sommes là parce que toute cette industrie pétrolière a besoin de PME qui font de la maintenance, de la formation ou du service, de l'ingénierie, etc.
C'est de cela qu'on discute aujourd'hui, pour essayer de mettre en relation les entreprises des deux pays, d'un secteur en plein développement. Pour le reste, permettez-moi d'abord de présenter la Chambre. Nous sommes une association étrangère de droit algérien, agréée en février 2011.
La CCIAF a pour mission d'aider, d'accompagner, de multiplier, de renforcer et de développer les relations économiques entre les entreprises françaises et algériennes. C'est une Chambre qui compte aujourd'hui 2000 entreprises membres, dont 250 françaises et 1750 algériennes. Nous avons un conseil d'administration composé en parité de 18 membres. Nous sommes installés dans les régions d'Oran, Annaba, Constantine, Sétif et Béjaïa.
Nous avons deux missions principales : la première est d'accompagner les entreprises françaises en Algérie, c'est-à-dire promouvoir le marché au sens large, la deuxième est d'informer les entreprises françaises sur l'environnement réglementaire et l'environnement des affaires.
L'objectif, pour nous, est qu'il y ait beaucoup d'entreprises françaises qui viennent investir ici en Algérie. Pour ce qui a été réalisé, eh bien nous avons organisé beaucoup de rencontres de ce type-là.
Nous avons organisé les rencontres sur les mines et les carrières et, pas plus tard que la semaine dernière, nous étions à Constantine pour les rencontres sur la pharmacie. Nous organisons des rencontres sur le bâtiment, sur l'agriculture.
Tous ces événements ont pour objectif de faire venir les entreprises françaises pour qu'elles puissent rencontrer des entreprises algériennes, pour que les professionnels parlent entre eux. Nous sommes une espèce de tour de contrôle, nous faisons en sorte de favoriser les rapprochements, car, quand un professionnel parle avec un autre professionnel d'un sujet technique, c'est beaucoup plus pertinent que lorsque nous le faisons nous-mêmes.
En résumé, il s'agit de montrer que l'Algérie est un pays où il y a aujourd'hui de belles entreprises, où il y a une dynamique industrielle, quoiqu'on dise, il y a des choses qui bougent, etc. Maintenant, c'est un pays comme les autres, avec ses difficultés, mais aussi ses opportunités. Nous disons aux entreprises françaises qu'il faut venir voir sur place et mesurer.
Comment les choses se déroulaient-elles avant la création de la CCIAF et quel est donc son apport '
La relation économique algéro-française a toujours existé. L'objectif de la Chambre, c'est surtout de contribuer aux rapprochements en identifiant les bons interlocuteurs. Nous avons nos adhérents et nous sommes présents dans les régions.
Par exemple, aujourd'hui sur Oran, je suis capable de dire quelles sont les entreprises véritablement implantées, quelles sont leurs capacités, leurs tailles, etc. Donc, notre apport, c'est d'aider à mieux connaître l'environnement.
Avant, les entreprises venaient parce que les dirigeants connaissaient un tel ou un tel. Elles le faisaient souvent à titre individuel, mais, aujourd'hui, nous les accompagnons dans leurs démarches.
La deuxième chose, c'est que nous les informons des aspects règlementaires et c'est très important. Nous nous sommes rendu compte que beaucoup d'entrepreneurs ne veulent pas venir en Algérie parce qu'ils pensent qu'ils ne peuvent pas rapatrier leurs dividendes, ce qui est complètement faux.
Aujourd'hui, si vous êtes implantés en Algérie et si vous suivez bien le processus réglementaire, il n'y a aucun problème pour le rapatriement des dividendes, et cela il faut bien le souligner. La loi le permet et notre apport, c'est donc aussi d'expliquer la réglementation telle quelle.
Ceci veut dire qu'il ne faudrait pas laisser les entreprises aller dans un sens ou un autre qui ne soit pas la réalité des choses. Avant, les entreprises allaient un peu tête baissée en fonction des contacts qu'elles avaient, mais maintenant, on essaye de les orienter.
Autre exemple, nous étions à Djazagro la semaine dernière, à Alger, pour ce grand Salon de l'industrie agroalimentaire. Nous avons accompagné des entreprises françaises. Nous leur avons présenté des entreprises algériennes. Nous avons organisé une réunion de présentation de la réglementation algérienne.
La semaine prochaine, nous serons à Paris pour rencontrer d'autres entreprises, pour lesquelles des explications seront également données dans ce cadre-là. Il faut vulgariser et informer.
On dit souvent que les entreprises françaises hésitent à s'installer pour produire en Algérie, mais des partenariats ont été établis. Quel est votre avis sur l'évolution de cet aspect des choses '
Oui ! Mais tout cela ne se fait pas en 48 heures. Les partenariats prennent du temps pour se mettre en place. Néanmoins, ce que nous constatons aujourd'hui c'est qu'il y a une véritable dynamique, c'est-à-dire qu'il y a des entreprises, notamment des PME, qui prennent conscience que, si elles veules continuer à être présentes sur le marché algérien, il faut qu'elles soient présentes au travers d'une implantation réelle.
Il faut qu'elles soient là, sur place, qu'elles travaillent avec un partenaire algérien pour qu'elles puissent se développer. Aujourd'hui, continuer à exporter à partir de la France, c'est terminé. La logique, l'orientation, le modèle économique algérien veut qu'on s'implante pour produire.
Tout ceci prend donc un peu de temps, mais on a quelques exemples d'entreprises qui étudient très sérieusement le marché. Ceci étant dit, le meilleur remède à l'indécision, c'est que l'entrepreneur prenne un billet d'avion, qu'il visite des entreprises algériennes, qu'il s'imprègne de l'environnement.
Ensuite, il y a toujours certains qui diront : «Ce n'est pas pour moi, cela ne m'intéresse pas». C'est clair, il ne s'agit pas de ramener toutes les entreprises françaises, ce n'est pas l'objectif, mais l'expérience, telle que menée ici (les premières rencontres algéro-françaises de l'industrie pétrolière et gazières), est un exemple de ce qu'il est utile de faire.
Vous avez des entreprises françaises qui connaissent déjà l'Algérie, d'autres moins, mais le fait qu'elles viennent, qu'elles voient les installations, que leurs représentants discutent avec des chefs d'entreprises locales, leur permet de se rendre compte qu'en Algérie, il y a des chefs d'entreprises, qu'un marché existe et il a certes ses problèmes (il ne faut rien cacher), mais aussi ses opportunités. C'est notamment lorsqu'on tient compte du plan de Sonatrach et des opportunités offertes dans ce cadre-là. Nous sommes plutôt assez optimistes.
Dans le communiqué de la Chambre, il est également question de sous-traitance. Qu'en est-il exactement '
Tout à fait ! Un exemple très simple: Total a signé un gros contrat avec Sonatrach pour raffiner le pétrole et produire du polyéthylène, la matière première est le plastique. Cela veut dire que, dans quelques années, la filière plasturgie va énormément se développer.
Cela veut dire aussi que si vous fabriquez des pièces automobiles localement avec une matière plastique moins chère, avec un coût de l'énergie très avantageux, vous serez forcément compétitif. C'est ce type de message que nous essayons de faire passer en disant : ne regardez pas l'Algérie à court terme.
Regardez l'Algérie à moyen et long termes. Sauf que c'est maintenant qu'il faut être présent. Aujourd'hui, pour ces rencontres, nous avons réuni 33 boîtes françaises (contre 200 entreprises algériennes). C'est pas mal !
Le partenariat est encouragé pour produire localement, mais comment les entreprises françaises voient la règle 49-51 '
D'abord, il faut dire une chose, l'Etat est souverain dans l'établissement des règles du jeu. L'Etat considère que c'est dans son intérêt d'établir telle ou telle règle et donc le problème n'est pas de dire est-ce que c'est bien ou pas, mais de se demander si c'est rentable pour l'entreprise ou pas.
Aujourd'hui, ce n'est pas tout à fait ce débat-là qui est mené, mais plutôt de voir comment trouver les bons partenaires, les meilleures ressources humaines pour s'installer face à la concurrence, car les entreprises françaises sentent bien qu'il y a la concurrence des autres pays.
Comment évaluez-vous la place de la France par rapport aux autres pays '
Traditionnellement, la France a une place particulière d'un point de vue économique.
Après, les entreprises françaises sont soumises à la concurrence et elles doivent l'être et c'est une bonne chose, parce que, aujourd'hui, on voit d'autres pays se positionner et c'est important que les entreprises françaises prennent conscience que le marché algérien n'est pas un marché acquis. C'est un marché sur lequel elles doivent faire des efforts, êtres présentes et se positionner.
Les entreprises algériennes souhaitent travailler avec les entreprises françaises pour plusieurs raisons, notamment la langue, mais à une condition, qu'elles répondent aux critères de qualité et à celui du «moins disant».
Elles ont des avantages et des inconvénients, mais une chose est sûre, elles doivent se bagarrer avec la concurrence.


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